Etre acteurs-auteurs & actrices-auteures des études trans

L’année 2014, année trans ?

Maud-Yeuse Thomas, Université Paris 8

Karine Espineira, LIRCES, Université de Nice

L’année 2014, année trans ?

La victoire de Conchita Wurst à l’Eurovision a donné lieu à une médiatisation mondiale, comparable à celle de Thomas Beatie et de son enfantement dans les années 2000. Dans les grandes lignes, on note un traitement spectaculaire similaire, générant conflits et clivages entre les pour et les contre, invité.e.s à choisir un camp.

Mettre côte à côte Conchita Wurst et Laverne Cox sous l’intitulé « transgenre » ou « trans » comme avec les articles respectifs du Huffington Post[1] ou encore de Rolling Stone[2], est une option et un choix éditorial qui posent de nombreuses questions. La victoire de Conchita est-elle le symbole d’une nouvelle transgression de genre ou d’un nouveau message de « tolérance » donné indirectement par l’Eurovision en 1998 avec la victoire de Dana International, dans un contexte de luttes entre laïcs et religieux en Israël sur fond d’un traité de paix qui se fait et se défait avec le peuple palestinien ? En 2014, le contexte européen est marqué par la montée des partis d’extrêmes droites et par les mouvements conservateurs religieux français qui semblent se propager au reste de l’Europe depuis les débats autour de loi dite du mariage pour tous. Parlons-nous d’une icône de la tolérance et de l’ouverture d’esprit ou d’une singularité à laquelle il faut bien donner un nom quoi qu’il en coûte ?

D’un côté le personnage de scène Conchita Wurst et de l’autre son interprète, le chanteur, Thomas Neuwirth. Celui-ci a souligné à plusieurs reprises qu’il n’est pas trans sans pour autant réfuter le traitement « transgenre » dont il est l’objet sous les traits de son personnage scénique. Schématiquement nous pouvons formuler l’idée que Thomas ne serait pas trans alors que Conchita le serait. Il nous semble que plusieurs confusions procèdent à une confusion plus importante. L’image concourant à l’idée que si la société fait toujours preuve de conservatismes plus ou moins virulents, elle est globalement plus tolérante, fait oublier le travail de nombreux et nombreuses militant.e.s trans sur le terrain. Cette idée participe indirectement à un risque d’effacement concomitant à la transphobie institutionnelle ayant longtemps dissimulé la stérilisation forcée ou exigée mais toujours coercitive derrière des discours pathologisants. Au premier abord, l’article du Huffington Post semble synthétiser une nouvelle donne sur la question trans et semble visiblement aller dans le bon sens en proposant une éthique de la tolérance générale à l’égard des minorités. Le chapeau de l’article débute précisément par le nom de Conchita Wurst associée à celui de Laverne Cox, imposant une lecture globale sur les transgressions de genre et en particulier celle de Wurst et non sur les droits des trans dans leur ensemble. De son côté, le site d’information Slate commente ainsi la victoire de Wurst : « La victoire de Conchita Wurst au concours de l’Eurovision ravive les débats de la transidentité en Europe et dans le monde. Les transgenres peinent à faire reconnaître leurs droits, des plus fondamentaux aux plus anecdotiques »[3]. Parmi ceux-ci, les toilettes ou comment devoir choisir l’une ou l’autre porte impliquant une division binaire. Plus grave, le suicide des jeunes trans et dans les prisons. Un constat interroge : Comment parle-t-on de Conchita et pourquoi toujours en parler en premier ? Nous pourrions aussi reformuler la question : Pourquoi la faire parler en priorité ?

De l’esprit de la médiatisation

Détaillons le propos. « Conchita Wurst » est un personnage scénique. Il ne procède pas d’une identité qui serait toujours elle-même, à l’instar de Laverne Cox, mais d’une démarche appareillant l’artistique et, du fait de sa médiatisation, le politique. Pour comparer, rapprochons-les deux personnes les plus citées en 2014, Conchita Wurst et Laverne Cox. Tout se passe comme si le personnage de Laverne Cox dans la série Orange in the New Blanc était Laverne dans son propre rôle de MtF trans black. On serait en droit d’analyser ici que la présentation du sujet (le fait trans), la représentation que Laverne se donne et la représentation qui en est donnée dans les médias ne coïncident pas. Et, en effet, le compte n’y est pas. Si Laverne Cox joue bien une trans MtF dans la série, cela n’implique pas qu’elle l’est dans sa vie, comme nous le montre la quasi-totalité des rôles de MtF et les très rares FtM dans le cinéma. Félicity Huffman joue une MtF dans Transamerica (Tucker, 2005) ou plus récemment Sarah-Jane Sauvegrain[4] dans la série « Paris » (Arte, 2015) à la suite de Chloë Sevigny dans Hit&Miss (Sky Atlantic, 2012), mais ne le sont pas, contrairement à Laverne Cox. La polémique récurrente à propos des rôles de trans dans le cinéma indique le malaise et va de pair avec la « polémique » dont parlent tous ces articles et qui suscitent une bulle spéculative et le sentiment d’une instrumentalisation : les trans seraient-ils/elles à la mode dans les médias, le cinéma, la mode, les sciences humaines et sociales ? Tout cela ressemble bien plus à une bulle spéculative sur les transgressions de genre. Un « créneau à prendre » sans aucun retour au nom d’une bienveillance et une solidarité biaisées? La position de Thomas Neuwirth est encore moins comparable : il n’est ni trans ni ne joue ou performe une trans mais une figure qui peut, du fait de cette médiatisation mondiale, passer d’invisible, une simple figure ultraminoritaire dns la communauté gay et totalement sans conséquence, à une représentation débordant le groupe trans tout en indiquant qu’il représenterait les transgenres hissés au rang de minorité la plus malmenée. Mais ce n’est pas le cas. « Conchita » va d’une scène internationale à l’autre tandis que l’on nous montre une trans racisée dans une prison (cf. Paley Fest jouée par Laverne Cox dans Orange Is the New Black ; Net Flix, 2013) : un contexte bien plus proche du réel des vies trans dans le monde entier.

Thomas Neuwirth indique qu’il n’est pas trans mais l’on parle de « la chanteuse », qualifié de «travesti autrichien »[5] , de drag-queen[6] ou de « candidate transsexuelle »[7] qui, « outre le fait de devenir une star internationale » serait aussi « le symbole de la tolérance et de l’ouverture culturelle »[8]. Si tel est le cas, c’est en tant que conséquence de la médiatisation dans un contexte où 2014 est bien plus l’année des études de genre face à la fronde antigender que la mode des trans qu’Hélène Hazera qualifie de « marche amère »[9]. La confusion résiderait-elle entre les termes, trans ou genre, dans un précipité chimique que symbolise le terme transgenre ? Son personnage scénique semble incarner tous les combats autour du « genre », ses brouillages, confusions et alimentant des « polémiques » et « controverses », au point d’incarner le « peuple transgenre » dans l’esprit de cette médiatisation qui ne prend plus le temps de dire qui est qui dans cet aréopage renvoyant au « Berlin des années folles », presqu’un siècle plus tôt. La confusion entre homosexualité et genre que symbolise désormais la question trans a été le théâtre d’une lutte politique et symbolique très âpre entre homosexualité et hétérosexualité. Elle l’est toujours tout en s’étant déplacée vers une différence entre plusieurs groupes (la « famille trans : travestis, transgenres, transsexuels) et les « folles » distingué(e)s de la population des homosexuels masculins par la symbolique de l’infériorité du féminin et son assimilation à une «folie », entre métaphore (Cf. les « années folles de Berlin ») et classifications nosologiques. On est passé d’une confusion à une autre car le problème des « folles », stigmatisés dans la vision masculiniste, homosexuels et hétérosexuels confondus, contient à l’instar des trans, une transgression de genre, mais surtout permet le maintien d’une vision hiérarchique, infériorisante et inégalitaire entre hommes et femmes que l’on retrouve entre trans et non-trans.

Pour nous, cette surreprésentation ou métareprésentation du personnage de Conchita, si elle ne nuit pas en tant que telle à la représentation « générique » des transgenres et de leur visibilité dans les espaces publics et médiatiques, nuit en revanche quant à leur présentation par eux/elles-mêmes. Cela ne génère pas une nouvelle vision de société mais du conflit, non une nouvelle manière de voir mais une recaptation de ce groupe malmené, non une nouvelle éthique mais un changement partiel d’une gestion. Ajoutons à ce processus, le phénomène récurrent invisibilisant les FtMs, tout en faisant passer l’acuité actuelle de leurs droits bafoués pour une histoire de rôle ou de subversion appelant une surveillance et une punition. Il suffirait donc d’endosser, à l’instar de « Conchita », un « personnage » ? Cette représentation, déplacée de l’espace scénique à l’espace des réels possibles ne se fait pas sans écrêter sérieusement le récit des trans et leurs relations difficiles avec le champ médico-légal, sans oublier la quotidienneté ordinaire, ce réel des identités connues exigeant des gages à la normalité, dont la stérilisation, que toute démocratie digne de ce nom dénoncerait. Mais la démocratie ne la dénonce nullement, persuadée que quelqu’un s’en occupe éthiquement. La « prise en charge » a réussit à dissimuler l’échange sacrificiel des opérations de changement de sexe contre une stérilisation coercitive pour cantonner la question trans à cet aspect.

Si la métareprésentation de Conchita a un impact indéniable, c’est sur la visibilité grand public, donnant un exemple concret du combat études de genre vs théorie de genre, et non sur la reconnaissance des droits des trans. Commentaires et réactions sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) émettent l’idée d’un profit pour la frange de la population homosexuelle « subvertissant » les rôles via une représentation doublement travestie, mêlant l’hypermasculinité d’une barbe à l’hyperféminité d’un maquillage cendré. Cette métareprésentation procède par fusion mimétique, faite d’instantanés faute de temps dédié, mêlant tolérance et transgression dans des unités d’espaces fugaces et un brouhaha émotionnel. Si elle en appelle à une réflexion sur la tolérance, elle n’implique pas une vision pluraliste ou moléculaire de société issue d’un temps et réflexion philosophiques commués en décisions politiques. Cet espace-temps fulgurant de la communication grand public n’est pas celui de l’information et le phénomène Conchita risque de n’être qu’un feu de paille sur lequel reviendrons peut-être chroniqueurs et journalistes de façon anecdotique dans quelques années. Nous sommes bien loin de l’espace-temps nécessaire aux débats patients et minutieux, avec une volonté d’exigence de justice et d’éthique travaillée dans les institutions et le terrain. Ce travail procède préalablement par et avec le respect d’autrui de personnes réelles, tenant compte de leurs difficultés et souffrances et sans cette pitié que l’on instrumentalise à coup de mots en « dys » et en pathologie.

De quoi « Conchita » est-elle/il le nom, que nomme-t-on à travers cette figure-avatar artistique et médiatique ? Par rapprochement, on pourrait évoquer l’action de défaire le genre comme avec les drags-queens du mouvement camp décrits par Butler (2006) et l’idée d’une performativité comme passerelle entre le scénique au quotidien, le politique à la rue de tout-le-monde. Il est peut-être le nom d’une minorité qui manque, oubliée et niée parmi d’autres : cette frange des «folles » soudain représentée, dotée d’un label et s’appropriant des termes genre et trans. Ces mots symbolisent désormais deux temps opposés : le cycle actuel d’un lien social émietté par l’ultralibéralisme aggravant les inégalités structurelles et le gouffre entre les vies viables et les autres, ces « restes du monde » en pays démocratiques. En ce sens, Conchita est un « nom-symbole » économique. Dans le contexte français, il rappelle le surnom donné aux femmes de ménage espagnoles et portugaises du temps où leurs pays d’origine étaient sous dictatures. Il était fréquent dans les « blagues de comptoirs » ou les plaisanteries des caricaturistes. Ce nom-symbole a-t-il glissé vers la subminorité des folles, interne à la communauté homo et se voyant plus ou moins réhabilitée ? Plus simplement, est-il le nom que l’on appose pour quelques temps encore à un personnage que l’on peut endosser dans quelques lieux très protégés en fréquentant les « grands du monde » en posant pour eux ? Mais la comparaison s’arrête-là quand «Conchita» cesse de représenter pauvreté et vulnérabilité, entre dans le spectacle médiatique et les jeux de la renommée. La rue n’est nullement l’espace du quotidien pour les trans car l’espace public est un théâtre de guérilla de genres et de gages à la normalité devant être visibles. L’espace public est un lieu de danger, pour la vie même des personnes trans. Vies dont la valeur et le sens ont été arraisonnées par l’injonction à la normalité qui les place dans une situation de passing plus contraint que choisi. La justice nécessaire et préalable pour répondre à la question trans a reculée en renforçant le mécanisme d’assignation à une identité de « l’état civil ». Ici la symbolique d’un-e Conchita ne mène à rien d’autre qu’à capter l’attention et parfois un certain agacement. Après la proposition de loi de Michèle Delaunay, remplacée par la proposition d’Esther Benbassa, suite aux promesses du candidat Hollande en 2006, l’année 2014 est bien plus un faux espoir trahi, préalable d’un oubli que commentent les quelques groupes de travail trans qu’une année « trans & paillettes ».

Trans vs radfems ou l’écume des ultraminorités

Un autre exemple de visibilité nous a été donné par Canal +, le 2 janvier 2015, dans un sujet présenté par Ariel Wiseman. Ici, le propos n’est pas centré sur le rapport tendu du «peuple trans» en bute aux « injustes institutions » ni dans les rapports aux médias qui exposent les vies trans. Il est orienté dans les rapports dits conflictuels entre les transgenres et les féministes radicales (les « Radfems ») dont on apprend que leur opposition est née avec le livre de Janice Raymond, L’empire transsexuel ([1979], 1981). Que découvre-t-on ? Et qui peut comprendre ce qui se dit là? Pour nous, ayant lu cet ouvrage politique parmi tant d’autres ouvrages légitimant sa portée politique radicale en s’en prenant à plus ou aussi faible que soi, nous sommes au comble du paradoxe contemporain : une ultraminorité (les « transgenres ») mènent un combat contre une autre ultraminorité (les « radfems ») et inversement. Combat d’arrière-garde ou événement contemporain confortant l’idée d’un « présent liquide » (Bauman, 2007) et l’émiettement du lien social en des microgroupes sociaux s’entre-déchirant et questionnant le vivre-ensemble ? Le journaliste insiste sur des exemples de ce combat où, à chaque conférence des féministes radicales, des militant-e-s transgenres « plantent leur tente » en marge des événements. À l’heure où une partie de la militance trans interroge le transféminisme et le féminisme « troisième génération » comme stratégie sociopolitique d’ensemble[10], la focale sur le conflit, la renvoie dans le réseau télévisuel sans mémoire ni contexte : qui a lu Raymond parmi les téléspectatrices-teurs ?

Un ouvrage de trente ans pour un combat minuscule ? La présentation n’est pas dénuée de tout contenu : cette lutte nécessaire illustre la conception de fond essentialiste où le fait d’être trans impliquerait un passage d’un « sexe à l’autre » – ce qui est très largement partiel puisqu’il ne concerne au mieux que 20 à 25% de la population dans les pays riches – où, pour les radfems comme pour la quasi-totalité des discours psy, politiques, « une femme trans reste un homme » ; mieux, dans cette voix/voie pro-essentialiste : « quelqu’un qui a eu une bite reste un homme ». Le discours des radfems rejoint celui de la psychiatrie des mœurs qui, à l’abri de la Sofect, milite ouvertement contre la « théorie de genre » et la féminisation des titres et noms. Curieusement, pour les FtMs, le propos est absent ou renvoyé à une homosexualité féminine inassumée tandis que la MtFs est renvoyée à l’essentialisme du XIXe finissant, mêlant mœurs, religion, croyances et savoirs à la manière d’un Ambroise Tardieu[11] ou d’un Otto Weininger[12]. Tout cela indique que ces discours et luttes émanent d’un contexte de luttes politiques produisant d’autres luttes politiques dans un apartheid permanent où les individus sont ce que sont leurs luttes et les chocs de leurs chaos respectifs sur les écrans et agendas des théories.

Outre le fait que l’on se demande qui a la culture nécessaire, ne serait-ce que pour savoir de qui et de quoi l’on parle dans ce conflit transgenre vs radfems, l’on se demande de quel sujet l’on nous parle, comment l’aborder, quel retour s’opère là ? Une nouvelle fois, la présence de figures minoritaires précipitent le sujet dans un sinistre défilé de conflits dont on peut saisir l’acuité d’une lutte mais non la diversité de la population transidentitaire et des féminismes en lutte, leurs difficultés propres face aux institutions, à dire leur existence en partant de leurs récits et termes. L’on suggère que les MtFs, vexées d’être désignées par leur « sexe de naissance », s’en prennent au nécessaire combat féministe. Inversement, face à l’actualité du maintien des inégalités structurelles de la société patriarcale-capitaliste, le féminisme lesbien pourrait être renvoyé à une prédation datée. Certes, l’ouvrage de Raymond l’est, mais il accule le féminisme à un bocal de vengeances où l’on s’en prend à aussi faible au profit des véritables prédateurs.

L’écho de ces luttes est-il l’ultime scène des débats démocratiques ? Il faut avoir un œil exercé pour ne pas verser dans l’un ou l’autre camp, être apte à en saisir l’acuité de ces combats trop minuscules pour être pris en compte des institutions et, à minima, avoir lu l’ouvrage incriminé et les analyses données dans le sillage de Raymond jusqu’à aujourd’hui, et notamment le texte phare de Sandy Stone[13] qui proposait deux réponses en une : l’attaque d’un contre-empire et un manifeste posttranssexuel (déjà). La société actuelle, entre replis nationalistes et précipités ultralibéralistes, exigeait de nouvelles grilles de lecture et des espace-temps d’information ne se réduisant à une pure communication de luttes passées, présentes et à venir. Plus que jamais, l’arraisonnement des vies singulières à des conflits d’époque et d’egos d’auteurs reconduisent les erreurs d’hier dans un contexte de colonisation généralisée. Sa conséquence étant un régime de prédation sous la forme de théories pathologistes comme les notions de maltraitance théorique (Sironi, 2011) et de panoptisme (Foucault, 1975) nous l’indiquent.

Si l’année 2014 est trans, nous pourrions l’analyser en termes d’une visibilité plus respectueuse des vies trans et de leur diversité, et non pas simplement une « meilleure visibilité » dans les médias, simple poudre aux yeux. À certains égards, nous pourrions dire que c’est l’année trans des médias. Pour nous, c’est bien plutôt l’année, sinon d’un recul du moins d’un retour à une attente après l’espoir. Celle-là même qui nous fait voir les suicides récents de jeunes personnes trans et notamment celui de Leelah Alcorn[14] et d’Andi Woodhouse[15] ; suicides que certain.es d’entre nous entendent, non sans raison, comme un double meurtre, effaçant le prénom et genre vécus postmortem. Pourquoi faut-il encore ces suicides et effacements dans une logique de médiatisation dont l’impact draine encore le pire ? Les raisons sont nombreuses. En France, promesses de campagne du candidat Hollande non tenues, violences des « Manifs » mêlant populisme et religieux, travail de fond des collectifs associatifs relégué à néant et bénévolat précaire ; travail réflexif et théorique inaudible ; violences institutionnelles s’ajoutant à la pauvreté économique et l’isolement social, voire la mutité individuelle et sociale ; violence des équipes hospitalières regroupées sous le label de la Sofect ; effacement total des existences intersexes réduites à des « erreurs de la nature » par la même pensée sociobiologiste et religieuse. Pour aborder de front les sujets trans dans leur profondeur et leur complexité, il faudra plus que le nom d’un-e Conchita barbu-e, adulée ou haïe sur nos écrans. Sinon une loi protectrice des plus vulnérables, une politique de dévulnérabilisation des opprimé-e-s. Peut-être suite à une loi démocratique, dirait l’Argentine. L’union sacrée après « Charlie » va-t-il rendre cela possible une fois les feux retombés ?

Notes

[1] « Conchita Wurst, Laverne Cox… Pendant toute l’année 2014, les transgenres ont occupé le devant de la scène », Marine Le Breton, 28/12/2014, http://www.huffingtonpost.fr/2014/12/28/conchita-wurst-laverne-cox-annee-2014-transgenres-devant-scene_n_6364936.html.

[2] « 11 ways 2014 was the biggest year un Transgender History », Samantha Allen, 23.12.2014, http://www.rollingstone.com/culture/features/11-ways-2014-was-the-biggest-year-in-transgender-history-20141223.

[3] Slate, 13.05.2014, http://www.slate.fr/life/86997/toilettes-transgenres.

[4] « Paris sur Arte : Fallait-il faire jouer une femme trans’ par une actrice cisgenre ? », Christophe Martet, 17.01.2015, http://yagg.com/2015/01/17/paris-sur-arte-fallait-il-faire-jouer-une-femme-trans-par-une-actrice-cisgenre-par-christophe-martet/, (en ligne).

[5] 21.11.2014, http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/21/video-conchita-wurst-heroes-clip_n_6198642.html.

[6] 05.05.2014, http://www.huffingtonpost.fr/2014/05/05/conchita-wurst-drag-queen-candidat-eurovision_n_5267858.html.

[7] 05.05.2014, http://www.aufeminin.com/news-loisirs/eurovision-2014-conchita-wurst-censuree-dans-certains-pays-d-europe-s417847.html.

[8] 28.12.2014, http://www.aufeminin.com/news-loisirs/conchita-wurst-de-nouveau-candidate-a-l-eurovision-2015-s1175796.html.

[9] 16.10.2014, http://www.liberation.fr/societe/2014/10/16/trans-la-marche-amere_1123301

[10] Revue, Comment s’en sortir, http://commentsensortir.org/2014/09/10/conference-penser-les-transfeminismes-avec-sandy-stone/.

[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Ambroise_Tardieu.

[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Weininger

[13] Sandy Stone, The Empire Strikes back : a posttranssexual manifesto (L’empire contre-attaque : un manifeste postranssexuel), 1991, http://en.wikipedia.org/wiki/Sandy_Stone_(artist).

[14] « Le suicide d’une ado transgenre de 17 ans émeut l’Amérique », L’Express.fr, 31.12.2014, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/le-suicide-d-une-ado-transgenre-de-17-ans-emeut-l-amerique_1636637.html.

[15]Revue Gaystarnews, 02.01.2015, http://www.gaystarnews.com/article/vigil-be-held-trans-man-who-jumped-his-death-pittsburgh020115?utm_content=buffer8bbe7&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=buffer.

 Mise en ligne : 29.01.2015
Source : Figaro Madame (http://madame.lefigaro.fr/societe/laverne-cox-transgenre-couverture-de-time-300514-857402)

Source : Figaro Madame (http://madame.lefigaro.fr/societe/laverne-cox-transgenre-couverture-de-time-300514-857402)

Précédent

Les Marches trans&Inter 2014. Des transidentités à l’utopie d’une société égalitaire

Suivant

Une lecture queer d’un film de Soukaz

1 Comment

  1. Merci pour cet article .

Infogérance Agence cmultimedia.com