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Droits des femmes, droits des trans

Droits des femmes, droits des trans : CEC et Droit à l’avortement

Karine Espineira

Crédit : Sophie Labelle

Préambule

La contribution suivante contient des extraits d’une étude menée depuis 2016 sur les politiques transféministes dans plusieurs régions du monde. Cette étude est en attente de publication, elle est soumise à droit d’auteur.

L’intérêt de publier cet extrait dans le dossier de l’ODT consacré au fondationnalisme biojuridique, n’est pas d’opposer « un camp » par rapport à un autre ou de jouer la carte du groupe le plus discriminé, voire même de jouer contre son propre camp, mais de montrer que les luttes pour les droits sont et créent des tensions selon les contextes sociaux appréhendés. Droits des femmes et droits des trans sembleraient se concurrencer si l’on se contente d’une lecture rapide des événements et l’on passerait ainsi côté des effets des dispositifs de contrôle des corps et des identités, qu’ils soient législatifs, juridiques, moraux, religieux, etc. Pour comprendre une partie des conflits entre des groupes opprimés, dont la logique voudrait qu’ils soient alliés, la question à poser est : « à qui profite le conflit ? ». Celle-ci n’est pas dénuée de sens, aussi triviale puisse-t-elle paraître au plus fort des tensions.

S’il semble aisé de pointer en direction du quidam anti-avortement et/ou anti-trans, comment presser là où ça fait mal, sans provocations et violences gratuites, si nous nous recentrons dans nos relations inter-groupes ? Il semble nécessaire de pointer en direction des membres de groupes eux-mêmes opprimés et de parvenir à accepter qu’il existe des « anti-quelque-chose » ou des « anti-ce-qui-n’est-pas-comme-eux » partout. Comment expliquer les débordements de féminismes radicaux anti-trans par exemple ? Peut-être faut-il aussi envisager des débordements lexicaux du côté des trans sous prétexte de légitime défense ? Qui fait donc ici le jeu du patriarcat ? Un camp ou l’autre ? Ou plus simplement, le patriarcat bénéficie-t-il de l’existence même d’un tel conflit ? Nous parlons de tensions entre des personnes opprimées ou en lutte pour leurs droits au sein d’une organisation sociale, ou plutôt un système socio-politique (lire Christine Delphy), dans lequel les pouvoirs sont cumulés, favorisant la domination d’une classe de genre sur l’autre. Dans un système binaire, nous parlons de l’oppression des femmes. Dans un système débinarisé, nous pouvons inclure d’autres populations, dont les personnes trans qui en refusant l’assignation, certes font et défont du genre, mais contestent avec force le même système d’oppression tout en souhaitant apporter leurs analyses à la pensée féministe. Certaines féministes approuvent cet engagement à leurs côtés, d’autres pas. Tout comme il existe des personnes trans féministes et d’autres pas.

Osons les mots des conflits à décrire, car nous parlons de griefs et de reproches, de rancœurs et de rancunes, de haines et de dégoûts viscéraux, de violences physiques et symboliques envers les personnes dont les demandes de droits bousculent des conceptions naturalistes, essentialistes, normatives, rigoristes, religieuses, morales, traditionalistes et nationalistes, des corps, des identités et des sexualités.

CEC et Droit à l’avortement

Nous ne pouvons pas aborder tous les droits pour chaque partie mais deux s’imposent tant dans l’actualité internationale que dans des questionnements entres féministes et personnes trans : le droit à l’avortement et le droit au changement d’état civil. Depuis la loi en Argentine, une question à multiples facettes nous a souvent été posée : pourquoi les droits des trans avec le CEC[1], des gays et des lesbiennes avec le mariage et l’adoption, mais pas le droit des femmes à l’avortement ? On verra aussi que la visibilité actuelle des questions trans, dans les médias comme dans l’agenda politique LGBTIQ[2], est parfois considérée comme se réalisant aux dépens de la visibilité ou de l’intérêt pour les luttes féministes, et des lesbiennes féministes particulièrement. Cette idée nous conduit à envisager l’exercice suivant : comparer de façon empirique l’évolution des droits des personnes transgenres et les droits des femmes. D’emblée, il semblerait que les droits de ces dernières progressent moins vite. Du droit de vote à l’égalité salariale en passant par la parité, le droit à l’avortement et à la contraception, on doit constater que les femmes luttent depuis la fin du XIXsiècle [pour faire court] et ces droits ont été acquis progressivement et de façons inégales selon les régions du monde. Il semble qu’il n’existe aucun pays respectant strictement l’ensemble de leurs droits.

L’histoire du droit à l’avortement, à elle seule, montre qu’un droit n’est jamais un acquis ad vitam æternam et que des sociétés qui légifèrent en faveur des transidentités sont encore intransigeantes vis-à-vis du droit à l’avortement. Trois exemples : le 2 avril 2015, Malte adopte une loi progressiste sur l’identité de genre (Gender Identity, Gender Expression and Sex Characteristics Act)[3] mais le pays interdit totalement l’interruption volontaire de grossesse ; le 15 juillet 2015, l’Irlande fait de même avec la loi Gender Recognition Bill tandis que l’avortement n’est envisagé que sur demande et accordé dans certains cas ; le 9 mai 2012 la loi Argentine (Ley de Identidad de Género), première de ce type, faisait les titres de la presse mondiale ; pourtant, quatre ans plus tard, dans l’Argentine de 2016, les femmes luttent toujours pour obtenir le droit à l’avortement, encore interdit ou restreint dans la zone Amérique Latine et Caraïbes.

Pour autant, la situation des personnes trans n’est pas enviable partout et les trois cas de lois progressistes soulignés ne doivent en aucun cas laisser penser que la situation est devenue idéale du jour au lendemain. Par exemple, en 2015 l’Argentine comptait toujours de nombreux exemples d’agressions et de meurtres de personnes trans (Marcela Chocobar, Fernanda Olmos, ou Diana Sacayán l’une des figures historiques du mouvement trans argentin). Notons que le pays voisin, le Brésil, est par ailleurs le pays où l’on compte le plus d’assassinats de femmes comme de femmes trans (486 entre 2008 et 2013 selon l’organisation non gouvernementale Transgender Europe[4]). En 2014, la sociologue Berenice Bento a d’ailleurs proposé le terme de transféminicide pour désigner la politique généralisée et intentionnelle d’élimination de femmes trans dans un pays où le parlement a fini par reconnaître le féminicide le 3 mars 2015 ; l’Institut Sangari[5] et la Faculté latino-américaine de sciences sociales (FLACSO) indiquent que 43 654 femmes ont été assassinées au Brésil entre 2000 et 2010[6]. La « carte de la violence » (Waiselfisz, 2011 : 1) au Brésil indiquait un taux d’homicide de 4,25 pour 100 femmes, et qu’entre 1998 et 2008 plus de 42 000 femmes avait été assassinées (entre 3500 et 4000 par an). Dans son article Brésil, pays du transféminicide : une expression de la place du féminin dans nos sociétés (2014), Bérénice Bento parle d’une « violence plus cruelle à l’égard du féminin » car « le féminin représente ce qui est dévalorisé socialement », précisant : « quand ce féminin est incarné dans des corps nés avec un pénis, il se produit un débordement de la conscience collective, structurée autour de la croyance que l’identité de genre est l’expression du désir de chromosomes et d’hormones ». Femmes et femmes trans sont tuées par des individus pour lesquels le féminin est dévalorisé et pour lesquels il vaudra toujours moins que le masculin.

Du côté des femmes trans dont on ne finit de leur reprocher d’être nées « mâle » ou « avec un pénis », on sait qu’elles ont fait appel aux techniques médicales depuis le début du XXe siècle avec les références à Dora Dorchen ou Lili Elbe, qui toutes deux furent suivies à des degrés divers par Magnus Hirschfeld, et que les politiques trans sont récentes (1990 et 2000). De plus, si l’on retient le critère du changement d’état civil comme la clé des accès à la santé, à la prévention, au logement ou encore à l’emploi, les mouvements trans ont obtenu leur principale revendication dans un certain nombre de pays depuis 2012 : Argentine (2012), Belgique (2017), Bolivie (2016), Canada (2016), Colombie (2015), Danemark (2014), Grèce (2017), Irlande (2015), Malte (2015), Mexique (2015). Certaines avancées, probablement à relativiser, remontent au début des années 2000 avec le Gender Act au Royaume-Uni (2004), la Ley de identitad de genéro en Espagne (2007), la Loi relative à la transsexualité en Belgique (2007), la Lei de identidade de gênero au Portugal (2009), la Ley derecho a la identidad de género en Uruguay (2009). Si l’on prend ces mêmes pays aux mêmes périodes sur la question de l’avortement, nous obtenons :

Argentine : L’avortement est considéré comme un délit sauf en cas de viol, de danger pour la santé de la mère ou de malformation du fœtus. Comme dans d’autres pays, la pénalisation oblige les femmes à s’engager dans l’avortement clandestin[7].

Canada : L’avortement est illégal jusqu’en 1969, puis permis en cas de danger pour la vie de la femme. En 1988, l’arrêt Morgentaler dépénalise l’avortement à l’échelle fédérale. Depuis, plusieurs tentatives de restreindre le droit à l’avortement ont échoué comme avec le projet de loi Mulroney en 1989.

Colombie : L’avortement est partiellement autorisé, depuis sa dépénalisation en 2006 après cinq tentatives de loi depuis 1979. On retient encore trois situations connues : le viol, la malformation du fœtus et le pronostic vital ou la grossesse mettant en danger la santé et/ou la vie de la femme[8].

Danemark : L’avortement est légalisé en 1986, jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée ; c’est-à-dire en l’absence de règles, ce qui correspond à 10 semaines de grossesse.
Au-delà, l’avortement est autorisé si la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme sont menacées.

Irlande : En 1983, le pays a adopté un article dans sa constitution pour protéger la vie de l’embryon et de la femme. Lors du traité de Maastricht en 1992), l’Irlande a négocié une mention garantissant qu’aucune disposition des traités européens n’affecterait l’application de l’article de la constitution sur le droit à la vie des êtres à naître.

Malte : l’avortement est illégal. Considéré comme un délit, il est passible de 18 mois à 3 ans de prison.

Mexique : L’avortement dépend des différents États. Si depuis 2007, la ville de Mexico a légalisé l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse, plusieurs états interdisent l’avortement (comme la Basse Caroline depuis 2008, rejoignant les états du Sonora, et de Chihuahua). En 2009, l’État de Colima rejette pour sa part une tentative de légalisation.

Royaume-Uni : l’avortement est légalisé avec l’Abortion Act en 1967 avant de se voir restreint en 1990 avec le Human Fertilisation and Embryologie Act. Comme en Italie, au Luxembourg et en Finlande, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol, sur indications médicales ou difficultés socio-économiques.

Espagne : l’avortement a été légalisé en 2010. En 2015, le pays interdit l’avortement aux mineurs après avoir risqué un recul significatif en 2014 et un retour à la situation d’avant 1985 et 2010. L’Espagne, comme Chypre et la Pologne n’autorisent l’avortement qu’en cas de risque pour la santé ou la vie de la femme et en cas de viol.

Belgique : Depuis 1990, la loi dite « loi Lallemand-Michielsen » a dépénalisé l’avortement sous conditions dont le délai maximum de la 12e semaine, l’état de détresse constaté, etc.

Portugal : Suite au référendum de 2007, les femmes obtenaient le droit d’avorter aux frais de l’État jusqu’à la dixième semaine de la grossesse, mais en 2015, le parlement restreint à nouveau le droit à l’avortement tandis que la loi sur l’identité de genre de 2009 se voit améliorée.

Uruguay : Il faut attendre 2012 pour que le Sénat propose un projet de loi dépénalisant l’avortement (jusqu’à douze semaines et sous certaines conditions) ; le pays rejoint Cuba et la Guyane qui étaient jusqu’alors les seuls pays à avoir dépénalisé l’avortement dans la zone Amérique Latine et Caraïbes[9].

Ce comparatif ne prend pas en compte de nombreux pays dans le monde[10]. En France par exemple, malgré des velléités de mouvements conservateurs, le droit à l’avortement a toujours été très défendu depuis la Loi Veil de 1975. En revanche, le pays est réticent à légiférer sur la question de l’état civil depuis les propositions du Sénateur Caillavet dans les années 1980. La loi « Justice du XXIe siècle », votée le 12 octobre 2016 et décrite comme facilitant le changement d’état civil pour les « trans » et son décret d’application (n° 2017-450 du 29 mars 2017), est très loin des lois promulguées en Argentine, en Irlande, à Malte ou encore au Canada. Le cas de la Pologne est aussi intéressant, car le pays a failli suivre le mouvement des lois progressistes pour les transgenres le 7 août 2015, mais le veto du président Andrzej Duda a stoppé net la promulgation d’une loi pourtant votée par le parlement. On retiendra que le pays a restreint l’avortement en 1993 après l’avoir autorisé sous certaines conditions durant le régime communiste (depuis 1956). Le débat s’est à nouveau enflammé depuis 6 octobre 2016 avec le rejet de la proposition de loi visant à interdire totalement l’avortement.

Si nous relevons des tendances et conjuguons les moindres constats au conditionnel, il nous paraît éclairant d’engager ce comparatif. Nous savons aussi qu’il y a aussi des pays où les droits des trans et des femmes sont quasi inexistants. En Malaisie, au Koweït et au Nigeria par exemple, l’avortement est soit illégal soit très restreint et l’on pénalise aussi le fait « d’imiter »[11], ce qui revient à pénaliser toute expression de transidentité.

Le leurre des ultimes frontières ou derniers tabous

Un tel panorama ne doit pas laisser penser que les droits des trans effacent les droits des femmes, quoique l’argument soit central dans les conflits entre des mouvements transgenres, transféministes et féministes radicaux. Dans nos précédentes études sur la construction médiatique des transidentités, il n’a pas été rare de rencontrer les expressions « derniers tabous » et « ultime frontière » pour parler du changement de sexe, de l’atteinte aux lois de la nature (la sexuation) ou d’éthique en rapport avec la question de la libre disposition du corps. Les « opérations des transsexuels » paraissaient ainsi limite indépassable quant à ce qui pouvait être pensé comme transformation corporelle ou atteinte à l’intégrité corporelle. Au-delà des effets symboliques et des effets de médiatisation, il nous semble qu’au final « la question transsexuelle » a été plutôt banalisée malgré l’aspect spectaculaire toujours lié aux opérations chirurgicales dans les imaginaires sociaux et médiatiques. En revanche, il semble que les questions liées à la procréation et la filiation (contraception, avortement, PMA, AMP, GPA) semblent être toujours des enjeux civilisationnels plus importants qui convergent vers le corps de la femme. Si pour faire usage de discours médiatiques nous devions adopter les expressions d’ultime frontière ou de dernier tabou, ce serait pour parler du corps des femmes et non du corps des trans au regard des outils législatifs que de nombreuses sociétés mettent en place et en œuvre pour contrôler la procréation et la filiation. De nos jours, les corps trans qui défraient encore la chronique sont ceux qui procréent[12] à l’image de Thomas Beatie, sacré « premier homme enceint » dans les médias[13].

L’évidence du constat accompagne aussi le schéma risqué de faire des personnes et de leurs conditions de vie des objets dont on ne dessine plus que les contours. Si on comprend qu’à l’échelle d’une vie les personnes trans considèrent que le droit n’avance jamais assez vite, à l’échelle de l’histoire de telles prises de hauteur semblent aussi nécessaires pour contextualiser et analyser des événements de cette même histoire.

Avec Paisley Currah nous avons cette approche en commun. Dans l’introduction du volume III de la revue Transgender Studies Quaterly intitulé Trans/Feminism (n° 1-2, 2016 : 1), l’auteur indique que ces dernières décennies, les mouvements transgenres et leurs revendications semblent avoir avancé à une vitesse étonnante quand d’autres questions comme celles des mouvements des femmes avancent plus lentement (égalité salariale), voire connaissent des régressions comme l’accès à l’avortement. Dans l’opinion publique, les « transgender rights » sont perçus comme avançant rapidement et dans le bon sens mais ils sont aussi souvent compris (à tort) comme étant aussi des « woman rights ». Dans le contexte états-unien, Paisley Currah analyse ce phénomène comme la conclusion de luttes culturelles au cours de ces quarante dernières années. Les discours libéraux des années 1970, valorisant l’inséparabilité entre les mouvements pour la liberté sexuelle et de genre, ont été mis en pièces et ont été reconstitués suivant la logique d’une identité politique affirmant et revendiquant la reconnaissance de minorités sexuelle et de genre, mais pour lesquelles la misogynie qui structure la vie des femmes reste en grande partie inintelligible, car à l’extérieur du périmètre du projet libéral d’inclusion[14]. S’appuyant sur les travaux de Jones & Cox (2015 : 42, 3), Paisley Currah indique qu’aux États-Unis, 72 % de la génération du millénaire (années 1980-2000) est favorable aux lois anti-discriminations en faveur des transgenres et que près de 73 % de cette génération est favorable aux gays et lesbiennes, mais que seulement 55 % de cette génération estime que l’avortement devrait être légal (22 %) ou autorisé dans certains cas (33 %).

Miche Riquelme, de l’association transféministe chilienne OTD Chile, donne un autre exemple : « Il ne s’agit pas tant des pays qui ont adopté des lois progressistes concernant l’identité de genre en Amérique latine, mais je crois en effet qu’il y a plus d’ouverture à légiférer sur ce thème que sur l’avortement. Je peux parler de la réalité chilienne. Ici il y a effectivement plus d’ouverture sur la question trans que sur l’avortement. Tu peux même rencontrer des personnes trans contre l’avortement. C’est dément, mais elles existent et elles ne sont pas rares »[15]. Les rapports annuels de Amnesty International sont prolifiques en statistiques dont celle des personnes favorables à l’interdiction de l’avortement. On pense à l’Irlande ou encore à l’Argentine, deux pays ayant légiféré aussi bien sur le mariage gay (ou pour tous et toutes), l’adoption ou encore le changement d’état civil déclaratif, et dont les populations étaient encore en 2013 et 2014, majoritairement opposées à la légalisation de l’avortement. Mais il semblerait que la tendance s’inverse concernant l’Irlande d’après le rapport 2015 d’Amnesty. Au Chili par exemple, le législateur a débordé son opinion publique en avançant vers la dépénalisation partielle de l’avortement en 2017.

La question de l’évolution des droits est centrale car si des solidarités vont de soi, des concurrences semblent pourtant émerger du sentiment de dépossession de la critique féministe des rapport sociaux de sexe (le genre), des différents groupes d’action collective, en lutte et mobilisés.

Ce que nous proposons, c’est d’engager une réflexion sans violences sur les droits de tou.te.s, d’éclairer les alliances et les solidarités comme les malentendus et les conflits qui prennent parfois la forme de « guerres de territoires ». Les lignes suivantes constituent un aperçu de cette réflexion qu’il faut resituer dans un contexte plus large, celui de l’existence de personnes et de leurs droits face aux imaginaires institués tels la non-disposition des corps et des états-civils. Il ne faut lire nulle provocation « intellectuelle » dans l’idée qu’on ne doit pas cantonner la notion de « non-disposition » à la seule question trans d’une part ou à la seule question de l’avortement d’autre part. Puisque, pour nous inspirer de Cornelius Castoriadis, c’est l’institution imaginaire de la société (1975) que nous devons interroger collectivement, tout en indiquant que ce travail d’interrogation est aussi un processus très intime.

Tel un inventaire à la Prévert, proposons quelques questions : Comment expliquer que l’on puisse être un homme ou une femme politique et mépriser les classes dites populaires ? Être un migrant discriminé et être xénophobe envers d’autres nationalités de réfugiés ? Être trans et être homophobe ou anti-avortement ? Être homosexuel.le et être transphobe ? Être ouvrier-ouvrière et être fan des têtes couronnées ou des puissant.e.s de ce monde ? Être médecin et se laisser aller à un refus de soin ? Être croyant.e et adhérer à l’idée que des gens n’ont pas le droit d’exister ? Être une personne cumulant le plus de privilèges possibles et imaginables et pourtant mépriser l’ensemble des personnes et des être vivants de la planète ? De cette liste de questions ou d’interminables exclamations, plus ou moins triviales, il ressort une montagne de contradictions entre ce que nous croyons être, ce que nous pensons devoir être, et ce que nous sommes dans la somme de nos actions. Sommes-nous condamné.e.s à être à la fois discriminé.e.s et discriminant.e.s ?

 

Notes :

[1] Changement d’État Civil.

[2] Lesbienne, Gays, Bis, Trans, Intersexes, Queers.

[3] Le changement d’état civil est accepté sur auto déclaration. La loi supprime toute obligation d’opération de réassignation sexuelle, de traitement hormonal, de stérilisation, d’évaluation psychiatrique.

[4] [En ligne], http://tgeu.org/. « Voir » notamment la page Trans Murder Monitoring, http://tgeu.org/tmm-idahot-update-2015/. (Consulté le 13.09.2016)

[5] Julio Jacobo Waiselfisz, « Caderno Complementar 2 – Mapa da violência 2011: homicídios de mulheres no Brasil », Mapa da Violência 2011. Os Jovens do Brasil, J. J. Waiselfisz, Brasília: Ministério da Justiça, Instituto Sangari, 2011, [En ligne], http://mapadaviolencia.org.br/pdf2011/homicidio_mulheres.pdf. (Consulté le 11.09.2016)

[6] Roger Flores Ceccon, Lilian Zielke Hesler, Stela Nazareth Meneghel, « Femicídios: Narrativas de crimes de Gênero », Seminário Internacional Fazendo Gênero 10 (Anais Eletrônicos) , Florianópolis , 2013, [En ligne], http://www.fazendogenero.ufsc.br/10/resources/anais/20/1387481817_ARQUIVO_RogerFloresCeccon.pdf. (Consulté le 11.09.2016)

[7] Felitti Karina, « L’avortement en Argentine : politique, religion et droits humains », Autrepart, n° 70, vol. 2, 2014, p. 73-90.

[8] Fabiola Miranda-Pérez, Angélica Gómez-Medina , « Quelle reconnaissance des droits sexuels et reproductifs au Chili et en Colombie ? », Autrepart, n° 70, vol. 2, 2014, p. 23-39, [En ligne], http://www.cairn.info/revue-autrepart-2014-2-page-23.htm. (Consulté le 25.08.2016)

[9] Lire : Niki Johnson, Alejandra López Gómez, Graciela Sapriza, Alicia Castro y Gualberto Arribeltz, “(Des)Penalizacion Del aborto en Uruguay:  Practicas, actores y discursos, Abordaje interdisciplinario  sobre una realidad compleja”, 2011, [En ligne], http://209.177.156.169/libreria_cm/archivos/pdf_31.pdf. (Consulté le 19.09.2016)

[10] Lire entre autres ouvrages :  Les droits reproductifs 20 ans après le Caire, Autrepart, Revue de sciences sociales du Sud, n° 70, vol. 2, 2014.

[11] Neela Ghostal, Kyle Knight, « Droits en transition », Human Right Watchs, Rapport mondial 2016, [En ligne], https://www.hrw.org/fr/world-report/2016/country-chapters/285171. (Consulté le 16/09-2016)

[12] Laurence Hérault (dir.) L’expérience transgenre de la parenté, P.U.P., 2014.

[13] Lire : Laurence Hérault (dir.), L’expérience transgenre de la parenté, P.U.P., 2014. Karine Espineira, « Étude comparative des traitements médiatiques de Thomas Beatie et Rubén Noé Coronado : Enfanter en homme », p. 27-39.

[14] Paisley Currah, « General Editor’s Introduction », Trans/Feminism, Talia M. Bettcher & Susan Stryker (ed.), TSQ: Transgender Studies Quaterly, Duke University Press, vol. 3, n° 1-2, 2016, p. 1-4, p. 1. (Ma traduction)

[15] Entretien du 3 mars 2016. « Entrevista/Entretien con Michel Riquelme y OTD Chile », traduit de l’espagnol par Karine Espineira, Observatoire des transidentités, publié le 01.05.2016, [En ligne], https://www.observatoire-des-transidentites.com/2016/05/entrevista-entretien-con-michel-riquelme-y-otd-chile.html.

Scolarisation Trans au Brésil

Maria Rita de Assis César 

UFPR-Brésil/CNPq[1]


Scolarisation Trans au Brésil 

 

Entre le 20/11/2011 et le 31/10/2013, 95 personnes ont été assassinés au Brésil. Qu’avaient-elles en commun ? Le fait d’être des personnes travesties et transsexuelles.[2] Le Brésil présente des taux très hauts d’assassinats des personnes travesties et transsexuelles, même en dépit de problèmes très sérieux dans le système de notification de tels méfaits, et en dépit de l’absence d’études plus approfondis sur le sujet. Il y a des nombreuses hypothèses pour essayer d’expliquer l’importance de ces chiffres, et les informations ainsi que des réflexions critiques, viennent des mouvements sociaux LGBTT (Lesbiennes, Gays, Bissexuels, Travesties et Transsexuels). La vulnérabilité sociale, économique et juridique dans laquelle se trouvent les personnes travesties et transsexuelles, aussi bien que la violence sociale brésilienne envers la population LGBTT, et les très faible indice de scolarisation, constituent des facteurs importants. Due à l’absence de reconnaissance de leurs droits, manifesté par la négation de leur identité sociale, par la violence fréquemment dirigée envers la population LGBTT, et par l’absence d’une loi qui criminalise l’homo-phobie (trans-phobie et lesbo-phobie y comprises)[3], leurs vies sont tuées à même les rues, les bars, les trottoirs ou chez-eux. Au Brésil, les papiers d’identification officiels ne reconnaissent pas l’identité civile en concordance avec leur genre choisi. Par ailleurs, le changement de l’identité civile est un processus juridique presque impossible, il est onéreux et dure des années, l’identification des victimes de la violence contre les personnes travesties et transsexuelles se montre très difficile, et fréquemment elles sont comptées sans distinction dans les statistiques générales des assassinats.

Paradoxalement, il y a au Brésil un nombre substantiel de mouvements sociaux qui représentent les personnes trans, en général des mouvements liés à d’autres mouvements LGBTT. Dans la dernière décennie, surtout durant le gouvernement du président Luis Inácio Lula da Silva (2003-2009), une importante relation de partenariat s’est établie entre le gouvernement et les mouvements sociaux LGBTT. Certains dirigeants de ces mouvements ont étés placés à des postes dans des ministères et secrétariats, de même qu’ils étaient aussi reconnus et consultés pour l’élaboration de politiques publiques d’éducation, de santé et de justice. Un secrétariat spécial pour les droits humains a été institué et doté du statut de Ministère, et il a incorporé un important nombre des revendications LGBTT. En partenariat avec le ministère de la santé, le secrétariat spécial pour les droits humains a produit un document politique interdisciplinaire appelé « Brésil sans homo-phobie – Programme de Combat à la violence et à la discrimination contre les GLBT et pour la promotion de la citoyenneté homosexuelle ». [4]

Dans le champ de la Santé publique, des avancées ont eut lieu pour la population trans. Les rapports déjà existants avec d’autres groupes LGBTT, surtout ceux concernés au combat du HIV/SIDA, ont rendu possible un dialogue entre le ministère de la santé et les mouvements trans. Ces rapports ont produit un protocole d’accueil et d’attention dirigé à cette population spécifique. Le système public de santé a été ouvert pour que les personnes trans puissent réaliser leurs processus de transsexualisation, comme les traitements hormonaux et des chirurgies de redéfinition sexuelle, surtout pour les femmes trans (BRASIL, 2009)[5]. Il est important de signaler que l’accueil aux personnes trans dans le système public de santé, aussi bien que leur accès au programme de transsexualisation, est encore réalisé de manière très faible et inégal selon les régions du Brésil. Il est aussi important de remarquer que les mouvements élaborent des nombreuses critiques à cause de l’inclusion des personnes trans dans des protocoles médico-psychiatriques de nature pathologique. L’accueil par des professionnels qui n’ont pas reçu une formation spécifique et dirigée aux thématiques LGBTT est aussi fortement critiqué.

En dépit de ces problèmes, l’accueil à des personnes trans dans le champ de la santé publique est devenu progressivement meilleur, et les demandes des mouvements sociaux LGBTT commencent à être entendues. Cependant, dans le champ éducationnel les progrès sont encore peu significatifs et des recherches récentes démontrent que l’éducation reste encore une immense barrière à franchir. Des données de recherches réalisées dans les universités brésiliennes, aussi bien que des recherches informatives réalisées par les mouvements sociaux, démontrent que la population travestie et transsexuelle reste encore à des très bas niveaux de scolarisation. Ce déficit de scolarisation est directement associé aux préjugés dont les personnes trans souffrent dans les institutions scolaires brésiliennes, ce qui constitue un des principaux motifs de leur abandon de l’école[6]

L’accès à des institutions d’enseignement et le droit à l’éducation sont des importantes revendications des mouvements trans. L’accès et la permanence à l’école constituent un défi à affronter aussi bien par les mouvements que par l’institution scolaire. Dans les dernières années, avec les gouvernements Lula et Dilma Roussef (2010-2014), le système éducationnel brésilien a été grandement élargi dans tous les niveaux du processus de scolarisation et les taux de scolarisation aux niveaux secondaires et universitaires, comme jamais dans l’histoire brésilienne. En plus de l’augmentation significative de l’offre éducative, notons l’implémentation des politiques affirmatives et de soutien à la population la plus pauvre, comme l’attribution des ressources financières à des familles dont les enfants fréquentent l’école (bourse famille). Finalement, le droit à l’éducation a été considéré comme un droit fondamental assuré par la constitution et par des moyens financiers qui ont permis à la population pauvre d’aller et de rester à l’école.

Au cours de l’année 2008, la première conference nationale LGBTT a été réalisée par le secrétariat spécial pour les droits humains qui a été promue par le programme « Brésil sans Homo-phobie » (Brasil, 2004)[7]. Dans cette conference, une attention spéciale a été dédiée au thème de l’éducation, et des relations conflictuelles entre l’école et la population LGBTT. Concernant l’éducation, beaucoup de délibérations ont étés formulées, et, parmi elles, une d’elle, spécifiquement vouée à la difficulté de l’accès et de la permanence de la population trans dans les institutions scolaires. La proposition numéro 4 a délibéré sur la nécessité de « proposer et d’adopter des mesures législatives, administratives et organisationnelles considérées nécessaires pour assurer aux étudiants l’accès et la permanence dans tous les niveaux et modalités de l’enseignement, sans aucune discrimination pour des motifs d’orientation sexuelle et de l’identité de genre » (Brasil, 2008, p. 209).

Profitant des récentes politiques d’inclusion sociale et éducationnelle, en plus de revendiquer le droit constitutionnel à l’éducation, les mouvements LGBTT se concentrent aujourd’hui sur le déficit de scolarisation de la population trans et parfois associent ce problème aux sujets de la prostitution et de la vulnérabilité qui s’ensuit. Selon quelques mouvements, l’éducation serait l’alternative pour placer les personnes travesties et transsexuelles dans le marché formel de travail, en les sortant des rues. D’autre part, il y a aussi des mouvements sociaux plus récents qui, prenant appui sur des recherches universitaires, développent des réflexions moins moralisatrices sur la prostitution, questionnant aussi les relations entre prostitution, baisse de scolarité et manque d’opportunité dans le marché de travail. Comme la prostitution est une expérience significative pour une partie importante de la population travestie et transsexuelle, l’attribution d’autres significations à cette pratique constitue une stratégie visant à affronter les préjugés. Des recherches montrent que, même scolarisées et insérées dans le marché formel de travail, un certain nombre de travesties et de transsexuels continuent à exercer la prostitution. Il s’agit d’un thème qui requiert encore des études plus approfondies.

« L’école a été le pire lieu de ma vie, beaucoup plus pire que les rues. » C’est une phrase prononcée dans une recherche réalisée avec des travesties et des transsexuel(e)s autour de leurs histoires de scolarisation (SANTOS, 2010). Cette phrase n’est pas du tout exceptionnelle dans la narration des personnes trans. Le trauma que l’école a produit démontre clairement le décalage actuel entre les politiques d’inclusion scolaire et les pratiques de discrimination qui sont quotidiennes. L’accès à l’école est un droit assuré par la constitution et la permanence dans l’univers scolaire devrait être garantie par des politiques d’inclusion. Cependant, l’école demeure un lieu de violence et d’exclusion. Pourquoi ? Certainement parce que l’institution scolaire demeure un lieu disciplinaire, normalisateur et moralisateur des corps et des conduites. S’agissant des identités de genre et des orientations sexuelles non normatives, les préjugés et la violence à l’école sont très bien documentés dans des recherches et des statistiques.

Avec un programme d’études et des pratiques scolaires hétéronormatives, l’école devient un lieu insupportable pour la population LGBTT. Les actions éducationnelles qui abordent la diversité sexuelle sont encore très timides, et aujourd’hui les politiques publiques d’éducation sont confrontées à l’action de nombreux députés d’orientation religieuse fondamentaliste, issus surtout des sectes évangéliques, lesquels empêchent et bloquent les politiques vouées au combat contre la violence envers la population LGBTT. Pendant le gouvernement Dilma Roussef, le nombre de députés d’orientation religieuse a augmenté et on observe une diminution des politiques de combat aux préjugés envers la population LGBTT.

Mais d’autre part, par le moyen des partenariats entre les mouvements LGBTT, les secrétariats de gouvernement et les ministères, quelques avancées ont étés obtenues. Le ministère de l’éducation a crée un secrétariat spécial qui aborde l’alphabétisation des adultes, des questions ethnico-raciales et des questions de genre et de diversité sexuelle. Ce secrétariat a également crée des politiques de formation continue pour des professeurs de l’enseignement autour des relations de genre et de diversité sexuelle, comme le cours Genre et Diversité à l’École – GDE -, lequel est en train d’être offert dans plusieurs villes brésiliennes.[8] Au Brésil, l’éducation basique, c’est-à-dire le processus initié dans l’éducation infantile jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire, est sous la responsabilité des provinces brésiliennes[9]. Dans les trois dernières années, les partenariats entre les mouvements sociaux et les états brésiliens ont aussi produit un ensemble des lois provinciales qui visent à assurer l’entrée et la permanence des personnes trans dans l’institution scolaire.

Dans certains états brésiliens, parmi lesquels les états du Paraná, Rio Grande do Sul, Paraíba, Piauí, São Paulo, Sergipe, Espírito Santo et Rio de Janeiro, il y a déjà des législations provinciales qui assurent le registre des élèves sous leur “nom et prénom social”, c’est-à-dire en accord avec l’identité de genre, dans la documentation scolaire (GAZETA DO POVO, 2009). Il y a aussi des normes et des lois qui orientent l’utilisation des toilettes en accord avec l’identité de genre. Le registre scolaire sous le “nom et prénom social”[10], aussi bien que l’usage des toilettes en accord avec l’identité de genre, sont une des principales demandes des mouvements trans concernant l’école. L’utilisation du prénom civil au détriment du “prénom social” est reconnue comme un important facteur d’embarras des personnes trans dans l’univers scolaire. L’usage des toilettes est aussi mentionné dans les récits des personnes trans comme un élément d’angoisse et de violence. « Je suis femme, comment est-ce que je peux utiliser les toilettes masculines ? » Ou alors, « Moi, je me sens très embarrassée et en plus il y a le risque d’être un cible de la violence ». (Santos, 2010). En face de la présence de la population trans à l’école, et dans l’absence d’une législation concernée à la question, parfois se produisent des fausses solutions, comme l’utilisation des toilettes des professeurs et fonctionnaires ou même la confection des toilettes spécifiques pour la population trans.

Il est important d’observer qu’à l’intérieur de l’institution scolaire l’usage du “prénom social” apparaît comme un facteur de perturbation de l’ordre, et en l’absence d’une législation adéquate, les autorités scolaires concervant le fonctionnement ordinaire des normes de genre ne permettent pas leur emploi. Le prénom dans l’institution scolaire est une identité fondamentale, il est l’objet constant de scrutation et d’attention, aussi bien pour les professeurs et les équipes institutionnelles que pour les élèves eux-mêmes. Des récits provenant de sources diverses autour de l’expérience transsexuelle à l’école démontrent que le refus de la part des professeurs et directeurs d’accepter l’usage du prénom social est une des raisons principales de l’évasion scolaire de la population trans. Face à l’impossibilité d’effectuer le changement du nom et du prénom civil, la reconnaissance du prénom social est vue comme la principale forme de constitution subjective dans l’expérience contemporaine de la transsexualité. Des documents scolaires, tels que les listes de présence, les examens et même le simple appel dans la salle des classes, emploient des prénoms qui se trouvent toujours déjà placés à l’intérieur du système des règles normatives concernant les relations entre corps-sexe-genre. Comme l’expérience transsexuelle et travestie sont justement celles qui mettent en échec ce système normatif, elles ne peuvent pas avoir lieu dans des institutions comme l’école, et cela en dépit des transformations dont elle a récemment été l’objet. Ainsi, l’école ne peut reconnaître que les subjectivités qui se sont engendrées à l’intérieur de ce système normatif associant corps-sexe-genre et les replace dans des positions strictement binaires (Cesar, 2010).

Dans les derniers mois de 2013, les mouvements sociaux trans revendiquent une modification dans la législation qui assure l’utilisation du “prénom social” où elle existe. Dans les états disposant de cette législation, ce droit est encore restrictif à des citoyens qui ont 18 ans ou plus. Les mouvements argumentent qu’une partie significative de la population trans est composée par des jeunes gens entre 14 et 17 ans, et en conséquence, ne sont pas considérés par la loi. Ainsi, dans divers états brésiliens, ces mouvements formulent des demandes pour le changement de cet aspect de la loi. Cette nouvelle demande est bloquée par ceux qui, dans les parlements et dans le système judiciaire, défendent une conception plutôt asexuée de l’enfance. Le débat vient de s’installer et il apportera certainement des conséquences importantes pour la réflexion sur les relations entre école, transsexualité, enfance et jeunesse. Il est certain que la législation essaie aujourd’hui de considérer la population trans qui vient de retourner à l’institution scolaire après de nombreuses d’années, à cause de la violence, de l’exclusion et de la discrimination. Tout cela est dû aux effets des revendications des jeunes et des mouvements LGBTT pour une éducation libérée des préjugés, contre les discriminations envers l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et les législateurs ne peuvent plus les ignorer. De ce point de vue, on attend d’importants changements en ce qui concerne les vieilles idées autour de l’enfance, de la jeunesse et de l’école. Et tous ces changements sont vraiment bienvenus…

 


BIBLIOGRAPHIE :

BRASIL. SECRETARIA ESPECIAL DOS DIREITOS HUMANOS. Anais da Conferência Nacional de gays, lésbicas, bissexuais, travestis e transexuais – GLBT. Direitos Humanos e Políticas Públicas. O caminho para garantir a cidadania GLBT. Brasília, 2008.

BRASIL. MINISTÉRIO DA SAÚDE. SECRETARIA DE GESTÃO ESTRATÉGIA E PARTICIPATIVA. Saúde da população de gays, lésbicas, bissexuais, travestis e transexuais. Brasília, 2008b. Disponível em: <http://oglobo.globo.com/pais/arquivos/GLBTT.pdf>. Acesso em 02 mar. 2009.

Alves, 1983.

BRASIL. Conselho Nacional de Combate à Discriminação. Brasil sem homofobia. Programa de combate à violência e à discriminação contra GLTB e promoção da cidadania homossexual. Brasília: Ministério da Saúde, 2004.

CESAR, Maria Rita de Assis. (Des)governos… biopolítica, governamentalidade e educação contemporânea. In:  ETD – Educação Temática Digital, Campinas, n.12, p. 224-241, 2010. 

GAZETA DO Povo. Travestis pedem o uso de nome social nas escolas. Disponível em:<http://portal.rpc.com.br/gazetadopovo/vidaecidadania/conteudo.phtml?tl=1&id=851892&tit=Travestis-pedem-uso-de-nome-social-nas-escolas>. Acesso em: 03 mar. 2009.

SANTOS, Dayana Brunetto Carlin. Cartografias da transexualidade: a experiência escolar e outras tramas. Curitiba: Programa de Pós-Graduação em Educação/UFPR, 2010. Dissertação (Mestrado em Educação).


[1] Professeur à la Faculté d’Éducation et au Programme de Post-graduation en Éducation de l’Université Fédérale du Paraná – UFPR. Coordinatrice du LABIN – Laboratoire de l’investigation des corps, genre et subjectivité en Éducation. Chercheuse du CNPq – Conseil National de la Recherche Scientifique.

[3] Il y a un Projet de Loi – PLC no. 122, de 2006, qui vise à criminaliser la discrimination due à l’orientation sexuelle et l’identité de genre.Voir : http://www.plc122.com.br/entenda-plc122/#axzz2neqIUKzo

[4] Pour en savoir plus, voire : http://bvsms.saude.gov.br/bvs/publicacoes/brasil_sem_homofobia.pdf

[5] Voire : http://bvsms.saude.gov.br/bvs/saudelegis/sas/2008/prt0457_19_08_2008.html

[8] Voire : http://gde.virtual.ufc.br

[9] Politiquement, le Brésil est organisé comme une république fédérative composée par des provinces ou des états. Chaque état a un ensemble de responsabilités politico-administratives, parmi lesquelles l’éducation basique. Le financement, la réglementation et les professeurs sont sous la responsabilité des états et chaque état a un ensemble de lois et des normes qui régissent l’éducation.    

[10] Ici, on nomme « prénom social » le prénom socialement utilisé par l’élève.


Mise en ligne : 31 janvier 2014.

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