Etre acteurs-auteurs & actrices-auteures des études trans

Étiquette : Sofect

Du cissexisme comme système

Article mis en avant

Pauline Clochec
Militante féministe, lesbienne, trans,
docteure en philosophie et ATER à l’ENS de Lyon

Crédit : Una mujer fantástica, film chilien de Sebastián Lelio, 2017.

 

DU CISSEXISME COMME SYSTÈME

 

Cet article est issu d’une communication donnée dans le cadre de l’atelier « Réflexions sur le cissexisme  et la transphobie», organisé à l’ENS de Lyon par les associations féministes et LGBTI « Les salopettes » et « ArcENSiel », le 15 février 2018. Il s’adresse d’abord prioritairement aux personnes trans, dans la mesure où l’identification et la connaissance critique de ce qu’est la transphobie me semblent utiles à deux égards : psychologique et politique. Psychologiquement, la connaissance des mécanismes souvent insidieux de la transphobie peut permettre de ne pas intérioriser ceux-ci, et donc de se vivre comme étant réellement, pleinement et légitimement de notre sexe. Politiquement, cette connaissance peut nous aider à savoir qui sont nos ennemis, qui sont nos vrai.e.s ou nos faux/sses allié.e.s, quelles doivent être les cibles de nos luttes. Les luttes trans sont en effet traversées de contradictions et de polémiques induisant l’adoption de conduites et tactiques divergentes vis-à-vis de nos interlocuteurs/trices et adversaires, et dont je vais donner trois exemples. Premier exemple : faut-il collaborer avec la SoFECT[1], comme le fait principalement, à Lyon, l’association le Jardin des T, ou s’opposer à elle, comme le font – à mon sens à juste-titre – la majorité des associations trans, comme Chrysalide, toujours pour rester sur le terrain lyonnais ? Second exemple : nous faut-il revendiquer seulement une simplification des démarches de changement d’état civil, donc en restant dans le cadre de la législation française sur l’état civil, comme l’a fait l’association ACTHE[2], ou au contraire revendiquer une déjudiciarisation complète du changement d’état civil rompant avec le principe d’indisponibilité de l’état civil, comme continue à le faire l’ANT[3], parmi d’autres associations. Enfin, troisième exemple : quel rapport devons-nous avoir à la police, et à l’association LGBT de celle-ci, Flag : un rapport de dialogue comme l’a soutenu notamment l’ANT, ou au contraire d’exclusion comme l’a soutenu – encore une fois à mon avis à juste titre – le collectif Existrans lors de l’organisation de la marche de 2017. L’identification et la connaissance de la transphobie est donc constitutive de la détermination de cibles et de stratégies dans les mouvements trans, pluralité de stratégies que l’on peut sans-doute en partie résumer par une opposition entre réformistes et des révolutionnaires.

Dernière précision, avant de poursuivre mon propos. Personnellement, parmi la multiplicité de réalités subsumées sous le terme parapluie « trans », je traite principalement de ce que je connais en tant que concernée, à savoir du cissexisme visant les personnes dites transsexuelles, ou « transsexuées » pour reprendre le terme, plus heureux et moins historiquement polémique, utilisé par Laurence Hérault[4], et non pas des personnes qui, parmi les non-binaires, agenres, bigenres, etc. n’effectuent pas une transition physique. Je traite donc des oppressions spécifiques que rencontrent les personnes qui, comme on le dit encore souvent, « changent de sexe[5] », ou, pour l’exprimer plus exactement réalisent physiquement le sexe qui est le leur. Ce choix ne relève pas d’un jugement de valeur « truescum » selon lequel seul.e.s les transsexuelles seraient des « vrai.e.s trans » ! Une telle restriction de mon propos répond seulement au fait que, premièrement, je parle de ce que je connais le mieux et en première personne, et que, deuxièmement, j’estime que les revendications spécifiques aux personnes transsexuées, notamment en termes de libre accès aux traitements, ou de libre choix des médecins, ne doivent pas être noyées dans une approche queer se concentrant sur la seule « identité de genre » au détriment de revendications juridiques et médicales.

Transphobie ou cissexisme ?

Ces précisions liminaires étant faites, j’en viens à mon propos, à savoir l’analyse du cissexisme en tant que système. La plupart d’entre nous ont déjà été confronté.e.s à des slogans du type «  À bas le cis-tème ! » ou « Fuck le cis-tème ! », soit à l’Existrans, soit dans des bandes dessinées de Sophie Labelle[6]. Ces slogans ne sont pas qu’un jeu de mot. Ils indiquent, ou du moins défendent la thèse, que la transphobie est un système, et en l’occurrence un système social. Dire que la transphobie est un système, c’est dire qu’elle n’est pas seulement ni d’abord un trait psychologique et individuel. À l’inverse, ce trait psychologique est déterminé par la transphobie comme réalité collective et institutionnelle. Autrement, que des personnes cis cherchent à soigner leur transphobie en consultant un.e psy (si tant est que celui/celle-ci ne soit pas transphobe !) ne fera en rien disparaître la transphobie comme fait social global.

La transphobie fait système, premièrement, en ce qu’elle traverse l’ensemble de la société. Elle contient ainsi des composantes juridiques (l’indisponibilité de l’état civil), médicales (la médicalisation et psychiatrisation de l’accès aux hormones et aux opérations, le caractère arbitraire de l’attribution des Affectations Longue Durée permettant le remboursement des traitements, etc.), culturelles (la représentation minorisante des personnes trans au cinéma, par exemple, avec des films comme Le père Noël est une ordure ou, plus récemment, Si j’étais un homme ou encore Danish Girl[7]), et économiques (l’accès à l’emploi et à un logement, par exemple). Toutes ces composantes contribuent à une marginalisation et une stigmatisation des personnes trans, ne serait-ce que dans leur vie quotidienne. Ces composantes forment système dans la mesure où elles se renforcent réciproquement : par exemple l’accès à l’emploi est rendu plus difficile lorsque vous ne disposez pas de papiers correspondant à qui vous êtes et vous trouvez face à un.e employeur.e dont toute la représentation des personnes trans provient des films cités plus haut. La transphobie est systémique, deuxièmement, au sens où elle est institutionnalisée – que ces institutions soient formellement légales ou pas (par exemple la SoFECT est une institution médicale corporative[8] qui n’est pas reconnue par l’État comme comme exerçant la prise en charge officielle et monopolistique des personnes trans, quoiqu’elle cherche à s’arroger ce rôle). Elle l’est à travers le droit et à travers la médecine principalement qui fonctionnement actuellement en dépossédant les personnes trans de la détermination de leur sexe et de leur état civil. La transphobie n’est donc pas seulement un phénomène culturel qu’il s’agirait de modifier en « changeant les esprits » à coup d’émissions télévisées, aussi bien intentionnées soient-elles. Il s’agit d’abord d’un ensemble d’institutions objectives. Cela signifie, pour faire une rapide expérience de pensée, qu’il ne suffirait pas d’assassiner quelque dirigeant de la SoFECT pour en finir avec la transphobie médicale. Cette transphobie dépasse les seuls agents qui l’exercent, et ceux-ci sont largement interchangeables. C’est donc à l’existence même de la SoFECT qu’il s’agit de s’en prendre.

La conséquence terminologique de ce caractère social et institutionnel est qu’il me semble plus approprié de parler de « cissexisme » plutôt que de « transphobie », du fait du caractère trop psychologisant de ce dernier terme, qui fait référence à une peur irrationnelle. Dans nos sociétés patriarcales le cissexisme est d’abord un ensemble d’institutions, de rapports objectifs et de représentations. S’il est bien sûr aussi une peur, une haine et/ou un mépris, ces phénomènes subjectifs ne sont pas des déviances irrationnelles et individuelles par rapport à une norme sociale qui serait, elle, pleine de tolérance. Le cissexisme est une actualisation de la norme patriarcale : la peur, la haine, le harcèlement, les meurtres, les assassinats et les agressions des personnes trans sont des représentations et des comportements absolument normaux dans nos sociétés. On peut contester que ces traits soient rationnels au nom d’une idée plus haute de la raison mais ils appartiennent cependant au type de rationalité ou à la logique propre de nos sociétés.

Un exemple : le cissexisme psychiatrique

Un exemple de ce caractère systémique du cissexisme est la prétendue prise en charge psychiatrique des personnes trans. En effet, comme beaucoup d’entre nous l’ont expérimenté, il est très difficile d’obtenir une ordonnance de THS[9] sans avis psychiatrique. En effet, même si l’on passe auprès de praticien.ne.s libéraux (endocrinologues, généralistes ou encore sages-femmes et gynécologues), il est rare d’obtenir cette ordonnance sans pouvoir arguer d’un avis psychiatrique indiquant que nous n’avons pas de « trouble mental » autre que ce que les psys et le DSM IV identifient toujours comme un trouble mental à savoir la « dysphorie de genre » et, désormais, l’ « incongruence de genre », selon les catégorie du DSM[10]. C’est cet avis psychiatrique qui est requis pour justifier le THS en indiquant que nous présentons « une problématique transidentitaire réelle » (ce sont les termes employés par la commission du GRETTIS pour autoriser votre accès aux hormones et à une SRS[11]). De la sorte, les personnes trans n’êtes pas estimées assez lucides et pour avoir accès à leur propre corps et à leur propre sexuation, conforme à votre sexe. Par ignorance et/ou par hostilité vis-à-vis de la transsexuation, les médecins mêmes libéraux demandent dans leur grande majorité, pour se défausser de toute responsabilité, d’être couvert par un.e psychiatre qui opère une prétendue expertise de l’identité de la personne requérante afin de juger si oui ou non il est légitime que celle-ci prenne des hormones – pour ne pas même mentionner de tou.te.s les généralistes et endocrinologues qui, ne demandant même pas d’avis psychiatrique, repoussent directement les personnes trans (« ah non, nous les trans on fait pas ça », m’a répondue un jour au téléphone une endocrinologue lyonnaise).

Le caractère systémique du cissexisme est pleinement manifeste dans ce conditionnement du THS à une prétendue expertise psychiatrique. Ici, peu importe ce que les psychiatres ont dans la tête – qu’iels soient transphobes ou bienveillant.e.s. Ce qui est cissexiste, c’est l’obligation même qui est faite de passer par un.e psychiatre pour avoir accès aux hormones (et aux opérations). C’est que ce passage devant un.e psychiatre ne soit pas une option laissée à l’appréciation de la personne trans, mais soit élevé au rang de condition nécessaire. Cette condition, qui n’est pas légale mais seulement coutumière, quoique la SoFECT fasse tout pour la faire légaliser, est cissexiste théoriquement et pratiquement. Elle l’est théoriquement car elle présuppose que la conscience de soi des personnes trans est insuffisante pour leur permettre de déterminer leur propre corps. Les personnes trans sont ainsi pathologisées en tant que jugées psychologiquement troublées et incapables d’une lucidité suffisante sur elleux-mêmes. Elle est cissexiste pratiquement car elle instaure des délais avant la prise d’hormones, voire introduit la possibilité d’un refus que la personne trans ait accès au THS. Ce ne sont donc pas seulement les pratiques psychiatriques vexatoires comme le Real Life Test, mais leur condition même de possibilité à savoir le conditionnement du THS et de l’opération à une prétendue expertise psychiatrique qui sont pleinement cissexistes – et à ce titre à prendre pour cible.

Généralement, afin de justifier leur présence obligatoire dans le protocole, les psychiatres de la SoFECT usent du doux terme d’ « accompagnement ». Le problème est que, conceptuellement, la réalité sociale de cette psychiatrisation ne correspond pas à un accompagnement, c’est-à-dire à une aide contingente dans laquelle la personne concernée demeure autonome. La pratique sociale et juridique qui correspond à cette psychiatrisation est bien plutôt la tutelle. La psychiatrisation est une variante de la tutelle où les psychiatres jouent un rôle de mandataires judiciaires. Dans un cas de tutelle, un.e mandataire judiciaire gère les comptes bancaires et les biens d’une personne jugée mentalement incapable de le faire. Similairement, dans le cas de la psychiatrisation des personnes trans, une tierce personne instituée comme experte est en charge à la place de la personne trans de la décision et de la gestion d’affaires concernant cette dernière. Celles-ci ne sont pas ici ses biens mais, d’une part, son corps, et, d’autre part, son état civil – dans la mesure où, jusqu’à la loi « Justice au XXIème siècle » promulguée à l’automne 2016, un avis psychiatrique était nécessaire aux modifications du prénom et de la mention du sexe à l’état civil, et que cette exigence demeure bien souvent favorisée, désormais en toute illégalité, par bon nombre de mairies et de Tribunaux de Grande Instance. Par la psychiatrisation, les personnes trans sont donc placé.e.s dans un état de tutelle dont les tuteurs sont les psychiatres – état de tutelle qui est peut-être plus radicale encore que celle exercée par les mandataires judiciaires dans la mesure où c’est l’accès non à une propriété leur étant extérieure, mais à leur propre corps, sous sa dimension sexuée, dont les personnes trans sont dépossédé.e.s par cet état de tutelle.

Cissexisme et sexisme

Tentons d’appliquer aux cis une telle démarche : indépendamment du sexe d’appartenance revendiqué par une telle personne cis, en l’occurrence son sexe assigné, celui-ci serait soumis à une prétendue vérification psychiatrique par diagnostic différentiel, la personne étant mise sous bloqueurs hormonaux an attendant. À ceci près qu’un tel traitement ne sera jamais infligé à un.e cis, justement parce qu’iel est cis – c’est-à-dire qu’il y a identité entre son sexe assigné à la naissance et le sexe qu’ile revendique. Ce sexe est donc, par cette assignation native, considéré comme une réalité et non une vue de l’esprit pathologique ou comme un artifice. C’est ce que Julia Serano nomme le « privilège cissexuel[12] ». Sur quoi repose ce privilège cissexuel fixant le sexe et niant qu’il relève d’un processus de sexuation au moins partiellement précédé par le genre comme système socioculturel[13] ? Il repose sur l’un des fondements du sexisme et du patriarcat, à savoir l’identification de la biologie à un destin. Il doit y avoir alignement entre le sexe assigné à la naissance et le sexe revendiqué et d’appartenance sociale (ainsi qu’avec la sexualité). Si vous naissez avec pénis vous êtes un homme, c’est la réalité biologique de votre sexe et vous le resterez : votre féminité trans ne sera qu’une illusion ou quelque chose d’intérieur, et vous serez donc traité.e comme un.e déviant.e.

Tout cissexisme est donc sexiste, et inversement, tout sexisme suppose un système social de cissexisme pour éviter que des individus ne brouillent par leurs transitions la fixité et prétendue naturalité de la hiérarchie sociale entre assigné.e.s hommes et femmes. En conséquence politique de cette articulation nécessaire entre sexisme et cissexisme, la lutte trans doit nécessairement être féministe, et le féminisme doit être, entre autres, trans – et non pas « inclusif »[14]. Si à la différence des présupposés de féministes différencialistes[15] et des TERFs[16], on soutient, à la suite de Beauvoir, que « On ne naît pas femme : on le devient[17] », et à la suite de Butler se fondant ici sur Beauvoir, que la thèse selon laquelle « la biologie n’est pas un destin » est « La prémisse fondamentale du féminisme[18] », alors la conséquence de cette critique sociale du genre est que la transsexuation est une existence pleinement légitime et réelle, et que la lutte contre le système cissexiste doit viser les fondements sexistes de celui-ci.

La seconde conséquence théorique et politique concerne ce qui est à entendre par « sexe » et la façon dont il s’agit de le déconstruire. Ce qu’indique, d’une manière généralement philosophique, la thèse selon laquelle la biologie n’est pas un destin, et, d’une manière plus matérielle, la possibilité de la transition, c’est que le sexe n’est pas un donné fixe mais bien plutôt un processus de sexuation, processus individuel mais aussi évolutif sur lequel l’action humaine a prise[19]. Par conséquent, une critique du système de genre utile dans le cadre des luttes des personnes transsexuées ne consiste pas à soutenir qu’il n’y a que du genre et que tout est une question d’identité ressentie. Elle doit plutôt consister à pointer que le sexe biologique est lui-même matériellement modifiable : de ses cinq composante (chromosomes, organes génitaux, gonades et gamètes, répartition hormonale et caractères sexuels secondaires), quatre sont modifiables par une transition. Par conséquent : si le sexe biologique même n’est pas un donné primaire et intangible mais un processus de sexuation, relatif à un milieu, et dont les divers stades (principalement le stade fœtal et la puberté) ne sont pas forcément en cohérence entre eux, alors il n’y aucune raison de ne pas considérer que les transitions (hormonales, chirurgicales) ne sont pas une voie parmi d’autres de ces processus de sexuation. Il s’agit donc de considérer la transition comme un mode normal de sexuation, à partir d’une conception non-substantialiste du sexe biologique.

Le sexisme se fonde sur la négation, si ce n’est sur le refoulement, de cette plasticité de la sexuation. Prendre conscience, faire connaître cette plasticité, et souligner qu’une personne transsexuée ne suit pas qu’un processus intérieur mais est bien, matériellement et biologiquement, du sexe qu’elle revendique, c’est un travail que nous devons assumer envers nous-mêmes et plus largement dans la société.

Classes ou ordres de sexes ?

Ce que permet d’éclairer la conscience du caractère intrinsèquement cissexiste du sexisme, c’est que les sexes ne sont pas seulement à comprendre comme des classes mais aussi comme des ordres[20]. Une société de classes permet en effet une mobilité sociale d’une classe à l’autre, même si ce n’est qu’à titre d’exception légitimante ou d’alibi. À l’inverse, une société d’ordres[21] interdit (ou limite maximalement) les passages d’un groupe à l’autre, ces groupes étant divisés selon un critère de dignité naturelle (naturelle car héréditaire). La différence du patriarcat avec les sociétés d’ordres d’Ancien régime réside dans l’endogamie des ordres. En effet, à l’inverse de ces sociétés, à des fins reproductives, le patriarcat organise une collaboration contrainte des sexes : l’hétérosexualité[22]. Selon cette compréhension du patriarcat comme société d’ordres, les personnes transsexuées se trouvent au bas des ordres, voire en dehors d’eux, dans la mesure où, d’une part, iels transgressent le tabou social de la fermeture des ordres, et où, d’autre part, n’étant pas estimés comme appartenant pleinement à leur sexe d’assignation ni à leur sexe réel, iels se voit attribuer la dignité la plus basse[23].

Si donc le genre est non seulement un système d’exploitation entre classes mais aussi un système de hiérarchisation symbolique et de domination entre ordres, système dont la prétendue naturalité est venue contribuer à renaturaliser un ordre social dont la fondation naturaliste avait été mise à mal par l’ébranlement des ordres d’Ancien régime à partir de la fin du XVIIIe siècle, alors les personnes trans ne peuvent être systématiquement considérées et traitées que comme des parias à cet ordre[24]. Les conditions de possibilités de l’existence de ces parias doivent être, si ce n’est interdites, du moins limitées le plus possible. Encore une fois, cette limitation n’est pas un archaïsme issu de préjugés anciens en voie de dépérissement, elle est une structure nécessaire de nos sociétés. Nous n’aurons qu’un accès concédé, octroyé par un pouvoir ne dépendant pas de nous, à nos propres corps tant que nous vivrons dans cette société d’ordres et de classes qu’est le patriarcat. Pour autant, la simple lutte anti-patriarcale reste aveugle et partielle si elle ne prend pas pour cible le cissexisme et n’est pas aussi menée par les personnes trans.


NOTES

[1] Société française d’études et de prise en charge de la transidentité.

[2] Association Commune Trans et Homo pour l’Égalité.

[3] Association Nationale Transgenre.

[4] Cf. Laurence Hérault, « La chirurgie de transsexuation : une médecine entre réparation et amélioration »,  in Thomas Bujon, Christine Dourlens, Gwenola Le Naour (dir.), Aux frontières de la médecine, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2014.

[5] Cf. par exemple l’ouvrage coécrit par Stéphanie Nicot, ancienne présidente de l’ANT puis de la Fédération LGBT : Alexandra Augst-Merelle, Stéphanie Nicot, Changer de sexe. Identités transsexuelles, Paris, Le Cavalier Bleu, 2006, ou, à l’opposé, le pamphlet cissexiste de feu l’ancienne présidente d’honneur de la SoFECT, Colette Chiland, Changer de sexe. Illusion et réalité, Paris, Odile Jacob, 2011.

[6] C’est ainsi le titre de l’un de ses albums : Sophie Labelle, À bas le cis-tème ! 2015.

[7] Cf. l’excellente critique du film « The Danish Girl : un mélo transphobe » sur le site Le cinéma est politique, http://www.lecinemaestpolitique.fr/the-danish-girl-un-melo-transphobe/ Pour une critique des représentations des personnes trans au cinéma et plus largement dans les médias, cf. Julia Serano, Whipping Girl. A transsexuel Woman on Sexism and the Scapegoating of Feminity, New York, Seal Press, 2007, p. 35-52.

[8] Ce caractère corporatif, mais aussi les stratégies néolibérales de la SoFECT ont été soulignées par Karine Espineira, « Le bouclier thérapeutique : discours et limites d’un appareil de légitimation », Le sujet dans la Cité, 2011.

[9] Traitement Hormonal de Substitution.

[10] Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux, classification valant souvent comme référence des pathologies psychiques, publié et régulièrement travaillé par l’Association Américaine de Psychiatrie.

[11] Sexual Reassignation Surgery.

 [12] Cf. Julia Serano, Whipping Girl. A transsexual Woman on Sexism and the Scapegoating of Feminity, Berkeley, Seal Press, 2007, « Dismantling Cissexual Privilege », p. 161-193.

[13] Non seulement au sens subjectif où il n’y aurait d’accès qu’interprétatif au corps et au sexe, comme le soutient notamment Judith Butler, dans Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2006, p. 71, mais aussi au sens objectif où les systèmes socioculturels de genre auraient des effets corporels à long terme et que le sexe n’est pas un donné fixe mais un processus de sexuation susceptible de modifications.

[14] Cette nécessité a été souvent théorisées depuis plusieurs années sous la catégorie de « transféminisme ». Pour des discussion de cette catégorie, cf. Karine Espineira, « Un transféminisme ou des transféministes ? Réflexion sur l’émergence d’un mouvement transféministe en France », in Karine Bergès, Florence binard, Alexandre Guyard-Nédelec (dir.), Féminismes du XXIe siècle : une troisième vague? Rennes, PUR, 2017, et Noomi Grüsig, « Transféminisme à la française : enjeux et embûches », Cahiers de la transidentité, n° 5, 2015.

[15] Cf. par exemple Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, Paris, Folio, 2015.

[16] Trans Exclusionnary Radical Feminists.

[17] Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, t. II, L’expérience vécue, Paris, Gallimard, 1976, p. 13.

[18] Judith Butler, Trouble dans le genre, op. cit., p. 104-105.

[19] Cf. par exemple Priscille Touraille, Hommes grands, femmes petites : une évolution coûteuse. Les régimes de genre comme force sélective de l’adaptation biologique, Paris, MSH, 2008.

[20] Simone de Beauvoir conceptualise les sexes comme des castes et non des classes sociales. Sur ce sujet, cf. Françoise Picq, « Simone de Beauvoir et “la querelle du féminisme” », Les Temps Modernes, 2008, vol. 1, no 647‑648, p. 179. Il nous semble que le concept d’ordre, ayant pour critère celui de la dignité, et non celui de la pureté religieuse comme celui de caste, est plus à même de rendre l’hermétisme des sexes.

[21] Pour la conceptualisation classique de la société d’ordres, cf. Roland Mousnier, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, Paris, PUF, 1969, et Georges Duby, Les Trois Ordres ou L’Imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978.

[22] Sur l’hétérosexualité obligatoire, cf. l’article fondateur d’Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne », in Adrienne Rich, La contrainte à l’hétérosexualité et autres essais, Lausanne, Mamamélis et Nouvelles Questions féministes, 2010.

[23] Les personnes trans paraissent ainsi moins être catégorisées comme un troisième sexe que définies par défaut par rapport aux deux ordres et classes de sexe majorisés. Cependant, pour une discussion de ce dénombrement, cf. l’article de Lisa Millbank, « La ternarité de genre : Comprendre la transmisogynie » interprétant la place sociale des personnes trans comme celle d’une troisième classe infériorisée, celle des « freaks ». Cet article a été traduit en français par Delphine Christy sur le blog « Questions trans-féministes » (http://questions.tf/traduction-la-ternarite-de-genre-comprendre-la-transmisogynie/) et initialement publié sur le blog de l’autrice, « A Radical TransFeminist » (https://radtransfem.wordpress.com/2011/12/12/genderternary-transmisogyny/).

[24] Sur ce sujet, cf. Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas, « Les trans comme parias. Le traitement médiatique de la sexualité des personnes trans en France », Genre, sexualité et société, n° 11, printemps 2014.

Sofect, du protectionnisme à l’offensive institutionnelle

K. Espineira, M-Y. Thomas,  A. Alessandrin

Sofect.png


Sofect, du protectionnisme à l’offensive institutionnelle

Rappel des faits

Fin juin 2013, l’université Paris 7 annonce la création d’un DIU (Diplôme Inter-Universitaire) de prise en charge du « transsexualisme ». Ce diplôme, en lien avec les universités de Lyon, Marseille de Bordeaux, c’est-à-dire en lien avec les principaux protocoles hospitaliers, est labélisé par la SOFECT (SOciété Française d’Étude et de prise en Charge du Transsexualisme), instance elle-même largement discutée. On y retrouve tous les praticiens français -ou presque- dont des noms connus et controversés comme Mireille Bonierbale, Colette Chiland, Marc-Louis Bourgeois et d’autres en provenance des sciences humaines. Enfin, quelques associations sont aussi citées comme intervenantes (on reviendra sur leurs caractéristiques).

Par ce papier, nous entendons porter un regard critique, et quelque peu désabusé, sur la manière dont le « transsexualisme » tel que défini par la SOFECT s’institutionnalise en France, à l’opposé de ce que souhaitent, de ce que font, les personnes et les associations trans. De ce point de vue, les dernières revendications de l’Existrans ou de STP semblent bien éloignées du programme de ce DIU. De même, les espoirs ouverts par les récentes conclusions de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) apparaissent en contradiction avec les positions défendues par les intervenant.e.s et organisateurs/trices de ce diplôme.

Le contexte est générateur par défaut de cette nouvelle annonce : promesses électorales non tenues, recul de la gauche présidentielle au moment du mariage pour tous, affairisme de HES[1], division des associations, violences de minorités réactionnaires contre les minorités sexuelles. Dans le déclin de la puissance étatique par émiettement, les places sont vacantes pour remplir ce rôle. La présidente d’honneur, C. Chiland,  déjà auteure très prolifique, transformait des luttes civiques en « propagande nazie » dans la plus parfaite indifférence. Or cette stratégie rappelle celle d’une Mercader agitant des « hérésies » et en appelait au suicide « que les trans devraient s’accorder »[2]. La même propose aujourd’hui des colloques sur les « violences à l’école » mais nul enfant trans à l’horizon des « pratiques genrées » et « violences entre pairs »[3]. Le « devenir homme ou femme » s’exemple de l’exception trans, nourrissant une vision sexologique du monde. L’analyse réellement universaliste de Françoise Sironi[4] nous met en face : utopie ou dystopie.

Une institutionnalisation sujette à controverse

La constitution de ce DIU sonne comme l’institutionnalisation d’une clinique du « transsexualisme » pourtant critiquée par de nombreuses recherches récentes (Sironi 2011, Alessandrin 2012, Espineira, 2012, Segev 2012) qui mettent en cause la maltraitance et l’obsolescence des protocoles français. Aux côtés des chercheurs, de nombreuses associations mettent elles-aussi en avant la nécessité de porter un regard critique sur la SOFECT et sur les protocoles, non seulement sur les relations patients-praticiens qui s’y déroulent mais, plus généralement, sur le monopole qu’exercent ces protocoles aux niveaux du droit, de la sécurité sociale et des représentations sociales pathologisantes qu’ils véhiculent. Plus problématiques sont les différents noms qui apparaissent dans la liste des formateurs. Colette Chiland, présidente d’honneur de la SOFECT, à qui le diplôme laisse 2h30 d’interventions sur l’histoire du transsexualisme en France, 2h30 sur « les troubles de l’identité sexuée chez l’adolescence » et 2h30 sur « les troubles de l’identité sexuée chez l’enfant ». La même Chiland écrivait en 2005 qu’il était « déconcertant, effrayant, non pas qu’il aurait été une caricature de femme, un travelo sans talent, il n’était rien, ni homme ni femme, il attirait l’attention en se présentant comme un repoussoir à la relation » ? Ou en 2003 que « tous souffrent. Ils en sont même si pathétiques qu’ils finissent par entrainer avec eux les médecins dans un affolement de la boussole du sexe »… Autre intervenante de ce DIU, Mireille Bonierbale, présidente de la SOFECT, à qui le DIU propose, 1h de présentation, et 5h sur les organismes (WPATH, CNAM, HAS … et SOFECT). Cette dernière ne s’était-elle pas interrogée en 2005, avec N. Morel Journel et B. Mazenod, tous deux présents dans ce DIU, sur les « épidémies de transsexualisme » qui suivaient les émissions télévisées à ce sujet ? De même n’avait-elle invoquée à ses côtés le prêtre et psychologue Tony Anatrella pour rappeler que « il n’est pas possible d’être humain sans être homme ou femme et que ne sachant plus quoi privilégier, la société peut aller vers une régression. Ainsi l’éducation androgyne fabrique des asexués qui se rabattent sur des pulsions partielles, la violence étant souvent au-devant de la scène » …

Le soubassement d’une vision sexologique de la société et des devenirs n’est autre que le socle théologique. L’enjeu vise à démontrer que l’enseignement au sein ce DIU pluridisciplinaire et multi-site, ne restitue en rien les controverses qui animent les communautés scientifiques et militantes, nationales et internationales, à ce sujet. Mais, au contraire, qu’il restreint son point de vue aux seules équipes existantes en France.

Quelques aperçus sur la formation

Fort de cette « pensée sexologique » (Bonierbale) du monde, on renoue avec la sexologie début XXe siècle proposant des « pré-requis en sexologie » et ses « aspects psychologiques et psychopathologiques » (Bonierbale -Session 1). D’emblée, la formation y inscrit une « neurobiologie des comportements sexuels » (C. Boulanger) et une « éthique en sexologie » et propose des lectures sur le « comportement sexuel et ses bases étiologiques » (M. Aubry) pour se prolonger avec des « types d’attachements et construction de l’affectivité et de la sexualité (M. Chollier). En un mot, réaffirmation d’une pensée où sont proposés une formation sur le « développement psychosexuel de l’enfant » et une « construction de la personnalité, crises et cycle de vie » (C. Pénochet – Session 2). Mieux : sur « Les différents concepts de désir, de l’imaginaire, de la séduction et l’érotisme et du sentiment amoureux (C. Pénochet). Enfin, le programme (Session 2) s’élargit : « Culture, religion et sexualité » (G. Durand).

Ces diverses préludes sont complétées en Session 3 et 4 par un programme sur les sciences sociales : « Le féminisme et l’évolution des représentations de la sexualité » (Bonierbale) et « Le genre ; concepts actuels de Genre, identité de Genre, identité sexuelle, identité sociale, rôles sexuels, homosexualité » (Bonierbale, A. Gorin). Comment ces deux champs interviennent-ils pour proposer une réponse sociologique et politique distincte, voire concurrente, d’une « pensée sexologique » ? L’analyse de l’inégalité structurelle de société permettant la psychiatrisation des exceptions culturelles s’oppose ici frontalement à une pensée théologique en la dépolitisant.

La session 5, fort de tous ces « pré-requis » généraux, peut débuter  sur « La plainte sexologique, le symptôme sexuel et la demande du patient, l’anamnèse » (M.H. Colson). Il s’agit de réaffirmer le trouble dans un champ précis et lui seul afin de pourvoir à la disparition programmée d’une psychiatrie sans psychiatres, et d’un trouble sans malades. Comment faire revenir ce public insaisissable sous la houlette institutionnelle ? Sous cette question, l’aspect juridique : comment maintenir une indisponibilité de l’état de la personne (et de son corps) permettant l’indisponibilité des caractéristique de l’état civil ? En un mot, comme restaurer une invariabilité totale ?

Sarkozy aussi avait fait de « l’ouverture »

Il reste cependant quelques points « d’ouverture » dans ce DIU. Le mot « ouverture » n’est pas anodin. Il rappelle la politique du début de mandat de Nicolas Sarkozy, lorsque ce dernier avait fait entrer au gouvernement des élus non UMP. Il en va de même pour ce DIU. L’une des premières ouvertures est associée aux « aspect paramédicaux et infirmiers ». A cet endroit précis, aucun nom de praticien hospitalier n’est visible. Nous ne sommes pas certains que cet enseignement sera bel et bien ouvert à des professionnels externes à la SOFECT ou aux protocoles Français (sur ce sujet, comme sur l’ensemble de la formation, la dimension internationale, c’est-à-dire la dimension comparative, est absente).

Autre élément « d’ouverture », la présence d’association. 4 associations, qui doivent confirmer leur présence, semble participer à ce DIU : Le PASTT (Groupe de prévention et d’action pour la santé et le travail des transgenres, Mutatis Mutandis, Collectif Trans Europe et l’ORTrans. Nous aimerions revenir sur au moins deux des associations pressenties (Mutatis Mutandis et le Collectif Trans Europe) et rappeler qu’aucune des associations de ce DIU ne participe à l’Existrans (dont la liste des signataires est disponible sur le lien en première page). C’est dire que ce DIU s’entoure d’’association ami.e.s ou tout du moins d’associations moins critiques. Ceci n’est pas sans rappeler ce qu’écrivait Colette Chiland : « Depuis quelques années s’est développé un mouvement transgenre ou trans qui se définit comme n’ayant plus rien à voir avec le transsexualisme calme, bien élevé et caché, attendant poliment que les juges et les professionnels médicaux leur donnent le traitement bienfaisant dont ils avaient besoin pour poursuivre leur vie dans l’ombre de la société normale » (2006). Mépris et populiste viennent remplir cet échec de la psychiatrie à juguler et faire disparaître le fait trans que commentait P-H. Castel dans La métamorphose impensable. Sur les associations Trans-Europe et Mutatis Mutandis, on serait en mesure de se poser la question de l’existence propre de ces associations qui, pour l’une, repose uniquement sur une présidente active (notamment sur les réseaux sociaux), et pour l’autre vient de connaître une schisme interne avec la création de l’association trans 3.0.

Enfin, peut-être pourrait-on entrevoir une réelle ouverture du côté des humanistes (au sens de « sciences humaines ») présents dans ce DIU tels le sociologue Éric Macé (à qui l’on doit des textes critiques vis-à-vis du concept de transsexualisme ou de la SOFECT). Si l’on pourrait croire qu’une critique « du dedans est aussi forte qu’une critique « du dehors », le nombre d’heures laissées aux sciences humaines sur l’ensemble de la formation n’inaugure rien en termes d’une réelle « ouverture »

Du bouclier thérapeutique au principe de précaution : qu’en disent les « usagers »[5]

Because difference is not disease.
Because nonconformity is not pathology
Because uniqueness is not illness[6] 

Quelques mois avant l’annonce du DUI, des acteurs de terrain ont appris que le Conseil National Professionnel de Psychiatrie (FFP : Fédération Française de Psychiatrie) s’alignait sur les positions de la Sofect pour contester la classification soumise à consultation. Nous parlons du processus de révision de la Classification Internationale des Maladies, de l’Organisation Mondiale de la Santé. Autre champ institutionnel, autre champ de bataille dans lequel la SOFECT semble influente et où la parole des usagers à peine à porter.

La FFP comme la Sofect estiment que la contestation des usagers s’inscrit dans une « confusion des registres sociologiques et culturels et des registres médicaux ». La création du DIU tient-elle de la contradiction, du paradoxe ou de la stratégie ? Associations et collectifs trans comme associations et conseils de psychiatrie n’ignorent plus les positions des uns et des autres prenant le plus souvent la forme d’un débat terminologique : gender identity et identité sexuelle, transsexualism et transsexualité, apport des Gender studies et des épistémologies féministes, etc. D’un côté le « Bouclier thérapeutique[7] » (un appareil de légitimation) est déployé dans le déni, tandis que de l’autre est avancée l’idée d’un parcours de vie spécifique plus ou moins politisé et théorisé.

En 2004, année de la classification ALD 23 (Affection Longue Durée, dans la nomenclature de la Sécurité Sociale en France), à l’initiative du Groupe Activiste Trans (GAT) est convoquée une Assemblée Générale des associations et collectifs trans qui votent la « dépsychiatrisation ». Nul n’ignore que les trans demande une déclassification sans démédicalisation et par conséquent sans « déremboursement ». Nous parlons donc plus largement d’une dépathologisation, terme qui va suivre des routes inattendues.

Les acteurs de la psychiatrie en responsabilité de la prise en charge des personnes trans y voient une problématique exclusive à leur travail clinique comme suit : « une erreur de la nature » avancée par le ou la patiente, « trouble » ou « incongruence » qui exige un traitement palliatif impliquant un « principe de précaution ».  Cette dernière notion est questionnante. Le principe de précaution a été avancé lors du Sommet de la Terre (« Sommet de Rio » : Conférence des nations Unies sur l’environnement et le développement, du 3 au 14 juin 1992) et il n’est pas formulé, dans un sens scientifique : « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ». Ce qui pourrait passer pour une nouvelle inscription dans le bouclier thérapeutique peut cependant être repris par les « usagers » à leur compte.

Détaillons en premier lieu les problèmes avancés par les médecins pour qui il s’agirait de dépister : une maladie mentale (du domaine des psychoses) ; des vulnérabilités (psychologiques, environnementales, médicales) ; des risques de santé (opérations, prises d’hormones) ; des attentes irréalistes et « regrets post-traitement » ; des fragilités sociales (« banalisation du genre » comme un « choisi »).

Le même principe de précaution envisagé cette fois depuis les « associations d’usagers » impliquerait un autre processus de « dépistages » : les effets symboliques, psychologiques et sociaux des définitions médicales (stigmate, opprobre, pathologisation) ; la « standardisation » de la prise en charge (un diagnostic unique) ; la « transsexualisation globale » des personnes trans d’autres cultures et de tous âges[8].

D’un côté on craint que le « transsexualisme » – non plus considéré comme « trouble mental » – vienne rejoindre l’homosexualité qui, elle, n’a pas de liens avec les soins médicaux. Les « usagers » (dans le cas français comme avec les associations et collectifs[9] : OUTrans[10] – Paris, Chrysalide[11] – Lyon, STS[12] – Strasbourg, l’ANT[13] – Nancy, SC et l’Observatoire Des Transidentités[14] – Marseille, ou encore Trans 3.0[15] – Bordeaux, ou comme GATE[16], STP[17] et TGEU[18] entre autres structures internationales) disent pourtant sans ambiguïtés la diversité des parcours de vie trans et des « demandes » qui ne correspondent pas à « l’offre » des tenants de la prise en charge. La revendication contre la « stérilisation forcée »[19] devrait être considérée avec sérieux et non disqualifiée sous le prétexte d’une « banalisation du genre ». L’argument selon lequel que seule une psychiatrie expérimentée serait apte au diagnostic différentiel est largement remit en cause par les travaux du psychologue clinicien Tom Reucher on l’a vu, mais aussi par la pratique du terrain comme avec le groupe santé trans de Lille qui a valeur d’exemple quand le parcours de vie passe par l’intervention d’une bienveillance médicale. Depuis trois ans des médecins de toutes spécialités, en collectif, sans l’aide de la psychiatrie, travaillant de concert avec des associations locales, le centre LGBTIQF « J’en suis, j’y reste », la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, ont accompagné près de 45 personnes dans leurs parcours médicaux et sociaux. Cette expérience de terrain ne doit pas être minimisée. Un autre point qui plaide en faveur du « principe de précaution » depuis une posture trans : le « protocole » à  sens unique isole peut être aussi les personnes du social. Une écologie des milieux responsable ne l’ignore pas.

Bien que la Sofect et ses alliés s’en défendent, l’analyse des discours démontrent que des professionnels de la santé, tout scientifiques qu’ils soient dans leur champ de compétence ou se prétendant comme tels, ne sont pas non plus isolés de « leur monde » et à l’abri des imprégnations symboliques de leur éducation, de leur vécu, de leur culture et des structures socio-sémio-historiques.

L’épisode récent d’un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (décembre 2011,  communiqué le 7 mai 2012), est à cet égard significatif[20].

Le rapport lui-même a suscité approbations et désapprobations sur le terrain, mais reprend de très précieux éléments comme les recommandations Hammarberg (2009) qui se réfèrent aux principes de Yogyakarta (ou Jogjakarta, 2007). L’introduction en particulier nous rappelle le « bouclier thérapeutique ». C’est en effet, dit ce rapport, après les propositions du 27 avril par le ministère devant les seules associations présentes, qu’un comité de consultation (représentants médicaux, associatifs et administratifs) s’est réuni à deux reprises (28 septembre et 10 novembre 2010), tandis que se crée la Sofect « fédérant les équipes hospitalières publiques et quelques psychiatres libéraux ». Le rapport ajoute : « Les travaux ont été interrompus sur le constat d’un dialogue impossible entre représentants désignés par les associations et par les médecins, dialogue à peine initié au travers de ces deux seules réunions (…) Face à l’impossibilité de poursuivre la discussion et au blocage de la situation, le Ministre de  la Santé a saisi l’Inspection Générale des Affaires Sociales (…) » [21]. Sous le terme « blocage », il faut lire lobbying ou lutte d’influence de la part d’une des parties. On apprend en effet que des représentants de la Direction Générale d’Offre de Soins étaient devenus membres de la Sofect durant les rencontres. Et le rapport de poursuivre : « La création de la Sofect est alors apparue pour les associations comme pour les représentants de l’État, comme une tentative de préempter le débat, de s’octroyer le monopole de la prise en charge des trans en définitive, de tuer dans l’œuf l’ouverture recherchée au départ »[22].  Sans l’étude attentive de la parole des experts de la question trans dans les médias comme dans la littérature scientifique, serions-nous capables  de saisir de tels enjeux idéologiques, au-delà ou en deçà des descriptions techniques ?

Nous incluons bien entendu les questions de Genre dans ces enjeux idéologiques, et faisons nôtres ces propos du sociologue Jean-Claude Kaufmann quand il écrit : « Le débat démocratique est très souvent beaucoup moins une recherche sans a priori de nouvelles connaissances qu’un affrontement aveugle entre groupes d’opinions fermés »[23]. Tentative, parmi d’autres, d’arraisonnement de la question trans ?

« Défaire le genre », c’est aussi défaire les modélisations. “Changer son image d’abord”, dit-on en marketing. Les colloques de ces dernières années en France, centrés sur l’identité de genre (examen compris de la transidentité) ont à peu près tous ignoré l’expertise transidentitaire, hormis quelques témoignages en tables rondes. La journée d’études organisée par l’OMS le 17 décembre 2010 fait exception sinon tournant : le poing sur la table  de Tom Reucher, Maud-Yeuse Thomas ou Vincent Guillot face aux représentants de la Sofect. Un amphithéâtre de La Sorbonne était ce jour-là le théâtre – le vase clos – d’enjeux de savoirs et de pouvoirs : experts trans de la question trans contre experts de la prise en charge[24].

La Sofect telle une machine électoraliste sait s’adapter, rapidement et sans bruit. Quand on pointe ses résistances aux sciences sociales, elle recrute des acteurs en sciences sociales. Quand on lui reproche de ne pas tenir compte des associations et collectifs, elle s’allie des associations dont nous avons dits que leur représentativité est plus que discutable. Mutatis a connu un schisme et ses positions homophobes, entre autres positions condamnables, l’ont isolé. Trans Europe repose sur une page Facebook avec des milliers d’ « amis » faisant office de « membres » et de caution, avec une personnalité aux commandes, au fort relationnel, qui l’impose partout. Enfin Ortrans est connue pour avoir été formée par la frange la plus conservatrice de feu l’ASB. Les choix de la Sofect interrogent beaucoup. Ces associations de « gentils usagers » qui représente-elle ? Des « transsexuel-l-e-s utiles et dociles » ? De même, quand les associations demandent une formation du corps médical, la Sofect ne dit rien mais agit. Coupant l’herbe sous le pied de l’associatif elle propose sa version de la formation et là où elle se révèle fine stratège c’est que la moindre de ses initiatives porte toujours la marque institutionnelle.

Nous disons bien que la Sofect est une machine de guerre, telle une entreprise forte de ses actionnaires qui attendent d’elle soit efficace. Et elle l’est. Peu importe les moyens, seul le résultat compte. Elle sait encaisser, faire le dos rond et repartir mieux armée. Les associations et les « usagers en colère » se retrouveront toujours en porte à faux, toujours en déficit de crédibilité face aux pouvoirs publics, face à l’institutionnel, « la marque d’une grande marque » dirait-on dans un cadre ultralibéral. L’ouverture aurait été d’oser approcher et associer les associations et les collectifs les plus actifs. Les outils d’auto-support sont aujourd’hui et portés un peu partout en France (SAS et Arc-en-Ciel à Toulouse, OUTrans à Paris, Chrysalide à Lyon, Trans 3.0 à Bordeaux, STS à Strasbourg, l’ANT à Nancy, le GEST à Montpellier, sachant que plusieurs des associations de cette liste non exhaustive ont des actions qui couvrent plusieurs régions). Comment ne pas penser au collectif de médecins et d’associations de Lille ? La Sofect répliquera qu’elle ne trouve pas l’occasion d’un dialogue. Non, ce n’est pas le dialogue le problème, c’est l’incapacité de la Sofect à accepter et à composer avec d’autres discours que le sien. Le désaccord a été, est et sera toujours disqualifiant tant que qu’elle ne se départira pas de l’idée de « fabriquer des transsexuels » trouvant grâce aux yeux des médecins.

L’état des lieux de l’associatif français, pour se cantonner à lui seul, montre que sur le terrain, on trouve des courants hétérogènes, parfois contradictoires, des réseaux pluriels, mobilisés au nom d’idéologies et de constructions identitaires souvent adverses. Cette plasticité correspond donc bien plutôt, quant aux transsexuels et transgenres, au mode herméneutique de l’invention de soi. On prend ainsi peu à peu la mesure d’une transidentité co-construite, institutionnalisée par exemple entre journalistes et trans, chacun « donnant des gages » à l’autre pour s’entendre, à défaut de se comprendre et respecter. Le sociologue Miquel Missé estime que le modèle médical de la transsexualité (ce que nous appelons l’ « institué transsexe », Espineira, 2012) est normatif et « qu’il conditionne les personnes trans dans leur façon d’être dans leur vie et dans leur corps. Le fait de penser la transsexualité comme un trouble mental oriente les personnes trans vers la condition de malades, de patients. Cela les condamne à se lire depuis cette position [note de traduction : « position » au sens de condition] »[25]. Missé souligne encore à travers une référence à l’un de nos écrits ce que les personnes trans attendent de leur médecin : « Nous demandons aux médecins de redevenir des médecins. S’ils se préoccupent de nous, que ce soit pour nos taux d’hormones ou l’évolution de nos cicatrices, mais non pas pour mesurer si nous sommes suffisamment hommes ou femmes, ou pour ce qui pourrait se passer si nous décidions de n’être aucun des deux »[26].  

Parler de la Sofect est toujours un exercice périlleux sauf à la considérer comme une formation militante qui étudie aussi les personnes trans sous cet angle. Elle le prouve à chacune de ses initiatives qui sont toujours une réponse graduée aux mouvements associatifs. Il est bien question de savoir et de pouvoir.

Conclusion : ceci n’est pas la formation demandée par les associations !

On aura souvent entendu les associations trans demander une formation aux praticiens en charge des opérations et des transitions. Mais ce diplôme « d’expert en transsexualisme » est loin des attentes associatives qui se voient une fois de plus mises à l’écart de ces formations, lesquelles excluent d’emblée les controverses, pourtant violentes, qui animent l’espace des transidentités. En ce sens, nous exprimons une crainte ainsi qu’une déception. Une crainte d’abord : celle de voir des futurs acteurs professionnels formés par une SOFECT très largement critiquée. Une déception enfin : que la force de frappe institutionnelle de la SOFECT n’aie pour contradicteurs qu’un archipel d’associations trans non-unifiées.

Reste le fond : quelle vision de société quand celle-ci accepte les violences inhérentes à la fabrique d’exceptions quasi ethniques dont on sait aujourd’hui, avec les faits entourant le mariage universel, ce qu’il en coûte socialement ? Comment parler encore d’éthique dans le déni du pluralisme ? Non seulement, la « métamorphose » est devenue pensable mais encore, elle s’enseigne. L’on nous rapporte qu’in vivo, l’on rit et se gausse de ces « castrés, mutilés et châtrés » volontaires que l’on fait mine d’accompagner (« Choisir son sexe au XXIe siècle », Colloque Bordeaux, septembre 2013). Derrière le savoir, le mépris. L’éthique médicale a fondu sous l’impact de l’épreuve au réel et se fait pouvoir. Le métasavoir qui visait à rendre impossible de telles transformations s’est avéré un piège mortel pour des milliers de transidentités, et s’est retourné sur son inertie : il s’agit désormais de les rendre possible au risque de produire plus de « transsexes » qu’il y en a. Mais nous savions déjà tout cela. 

Programme : URL : http://www.fmc-marseille.com/upload/du-med/etude-sexualite-diu-prog.pdf

Site ressources : http://www.fmc-marseille.com


ERRATUM (décembre 2013)

Suite à la publication de notre article sur le DIU de « transsexualisme », nous apprenons que l’association ORTrans, contrairement à ce que le site internet du DIU annonçait ne participait pas à cette formation. L’association ORTrans rappelle ainsi que :

– nous n’avons aucun lien avec l’association Sofect.

– nous condamnons les équipes hospitalières qui verrouillent le système de santé et de prise en charge des personnes trans.

– à l’inverse nous travaillons pour le libre choix du médecin (pour que, par exemple, un chirurgien hospitalier soit accessible à toute personne, quelque soit la forme de son parcours).

– ainsi que pour qu’une formation sur le sujet trans soit enseignée par/accessible à tout médecin sensible à ce thème (libéral ou hospitalier dès l’instant que sa pratique est respectueuse de la diversité des profils trans et que sa compétence est reconnue).


[1] À qui nous donnons par cet écrit de nouvelles raisons de figurer sur leur liste-noire.

[2] Patricia Mercader, L’illusion transsexuelle, Ed. L’Harmattan, 1994.

[3] Patricia Mercader, Genre et violence dans les institutions scolaires et éducatives, URL : http://www.univ-lyon2.fr/actualite/actualites-scientifiques/genre-et-violence-dans-les-institutions-scolaires-et-educatives-496703.kjsp.

[4] Françoise Sironi, Psychologies des transsexuels et des transgenres, Ed. Odile Jacob, 2011.

[5] La base de ce chapitre provient d’un article adressé à l’Organisation Mondiale de la Santé : « Une brève histoire d’une révision (ce qui se fait et se défait) ? », Karine Espineira, avril 2013.

[6] Kelley Winters, GID Reform Advocates, http://gidreform.org/

[7] Karine Espineira, « Le bouclier thérapeutique, discours et limites d’un appareil de légitimation », Le sujet dans la Cité, « Habiter en étranger : lieux mouvements frontières », Delory-Momberger C., Schaller J.-J. (dir.), Revue internationale de recherche biographique, n° 2, Téraèdre, Paris, 2011, p. 189-201.

[8] Lire  « Minding the body: situating gender identity diagnoses in the ICD-11 », de Jack Drescher, Peggy Cohen-Kettenis Peggy et Sam Winter  (2012) et « Controversies in Gender Diagnoses », de Jack Drescher, LGBT Health, vol. 1, n° 1, 2013.

 International Review of Psychiatry; Early Online, 1-10

[9] Liste non-exhaustive, il existe d’autres groupes et associations. On voit à travers les villes citées que l’ensemble du territoire est couvert.

[10] En ligne, URL : http://outrans.org

[11] En ligne, URL : http://chrysalidelyon.free.fr

[12] En ligne, URL : http://www.sts67.org

[13] En ligne, URL : http://www.ant-france.eu/ta2-accueil.htm

[14] En ligne, URL : https://www.observatoire-des-transidentites.com

[15] En ligne, URL : http://trans3.fr

[16] Global Action for Trans* Equality. Ici aussi je dois me situer en précisant que j’ai participé aux derniers travaux du Gate Expert Group. En ligne : http://transactivists.org

[17] Stop Trans Pathologization, campagne internationale pour la dépathologisation. Je dois de préciser que je fais partie de l’équipe de coordination depuis 2010. En ligne : http://www.stp2012.info/old/

[18] Transgender Europe. En ligne : http://tgeu.org

[19] Depuis 2010, L’Existrans, l’ANT et la plupart des associations françaises considèrent cette question, tout comme STP-2012 à l’international entre autres.

[20] Précisons que je n’ai pas été entendue quoique recommandée comme personne ressource par plusieurs acteurs du terrain (au moment du contact établi avec l’IGAS, fin octobre 2011, la consultation était close.

[21] IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales), Évaluation des conditions de prise en charge médicale et sociale des personnes trans et du transsexualisme, rapport établit par Hayet Zeggar et Muriel Dahan, décembre  2011, p. 11.

[22] IGAS, op. cit. p. 55.

[23] Jean-Claude Kaufmann, L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Armand Colin, Paris, 2004, p 322.

[24] Arnaud Alessandrin, Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas, Transidentités, histoire d’une dépathologisation, Ed. L’Harmattan, 2012.

[25] Miquel Missé, Transexualidades : Otras miradas posibles, Egales, 2013, p. 52. J’ai traduit ce passage de l’espagnol.

[26] (Espineira 2010 : 4), Miquel Missé, op. cit. p. 51.


Mise en ligne : 4 octobre 2013.

Réponse à la SOFECT

Réponse à la SOFECT

logo conseil de l'Europe

 

Résumé

Le 17 Décembre 2010 et le 18 Mars 2011 ont eu lieu deux journées d’études dans lesquelles nous avons pu publiquement entendre les positions défendues par la SOFECT (Société Française D’Étude et de prise en Charge du Transsexualisme) dans les interventions successives de Colette Chiland et de Mireille Bonierbale, les présidentes d’honneur et présidente de la SOFECT. C’est alors avec un immense regret que  nous observons l’élaboration consciente d’une politique de « vulnérabilisation » des Trans. Thomas Hammerberg, commissaire aux droits de l’homme au Conseil de l’Europe indiquait ainsi dans son communiqué (2006) :

« Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient s’attaquer plus vigoureusement à la transphobie et à la discrimination envers les personnes transgenres dont la situation a longtemps été ignorée et négligée. Pourtant, ces personnes font face à des problèmes caractéristiques, extrêmement concrets. Elles sont particulièrement exposées, dans tous les domaines de la vie, aux discriminations et à l’intolérance ainsi qu’à une violence directe. Dans certains pays d’Europe, elles ont d’ailleurs été victimes d’actes criminels inspirés par la haine qui, pour certains, sont allés jusqu’au meurtre.[1] »

Rappelons :

1/ que le transsexualisme ne relève pas de la psychiatrie dans ce sens qu’il n’y a ni “trouble” ni “maladie mentale”

2/ la solution médicochirurgicale apporte une réelle satisfaction aux personnes concernées et facilite leur intégration;

3/ la majorité des personnes effectuent leurs opérations à l’étranger pour des raisons de qualité de celles-ci

4 : Le bilan humain d’une telle psychiatrisation est lourd pour une population déjà discriminée

5/ l’absence de contrôle extérieur, notamment étatique, fait douter de la légitimité éthique d’une psychiatrisation sans respect de la personne[2];

6/ l’argument d’une objectivité de la démarche en psychiatrie s’effectue dans une délégation politique aveugle, sans l’écoute du tissu associatif et des propositions émises par Thomas Hammerberg pour une harmonisation médicale et juridique au niveau européen.

 

RÉPONSE A LA SOFECT

 

« Cousant l’inconnu au connu (Dieu, chef ou père : c’est du connu), ils faisaient du tissu […]

Bon ou mauvais, il fallait toujours qu’il y eût tissu.

Mais fallait-il vraiment ainsi toujours tant d’indécente assurance ? »

H. Michaux[3], « Passages », 1963.

 

Introduction

 

Le 17 Décembre 2010[4] et le 18 Mars 2011[5] ont eu lieu deux journées d’études dans lesquelles nous avons pu publiquement entendre les positions défendues par la SOFECT[6] (Société Française d’Etude et de prise en Charge du Transsexualisme) dans les interventions successives de Colette Chiland et de Mireille Bonierbale, respectivement présidente d’honneur et présidente de la SOFECT. Disons le d’emblée : ces journées furent pour nous une réelle surprise. Alors que tout venait dire à la SOFECT et à ses membres l’urgence du changement, il s’est décliné sous nos yeux une succession d’arguments dont le seul objectif était… de ne rien changer. Nous devons aussi avouer que ces arguments ont de quoi surprendre. D’un point de vue sociétal comme scientifique, ils ne constituent pas une base de réflexion plastique mais plutôt un bilan clinique contestable et rigide sous-tendu par une différenciation entre ce qui relève de la médecine donc du « vrai » et ce qui relève des « sciences humaines » et du « militantisme » donc du « relatif » voire du « dangereux ».

 

L’idée de ces journées pourrait se résumer ainsi : Peut-on dépsychiatriser sans démédicaliser ? Peut-on déstigmatiser les variances de genre ?

Sous cette forme, il s’agit avant tout de discuter cette distinction entre ce qui serait un « devenir Trans » et un devenir « Cisgenre ». Pourquoi la prise en charge du premier relèverait-elle de la psychiatrie et du pathologique alors que les devenirs Cisgenres sont-eux encouragés ? Relisons Béatrice Préciado[7] et ses artefacts,  les « sujets silicone », les « sujets viagra » (purs produits « à l’échelle globale » de « l’ère pharmacopornographique ») qui nous suggèrent combien les cisidentités sont elles mêmes prises en charge dans des maillages « biopolitiques »[8] dirait Foucault, sans pour autant être assignées à la pathologisation et à la stigmatisation d’un parcours psychiatrique contraignant auquel s’adosse le droit.

 

Nous verrons que d’une part que la médicalisation des parcours Trans peut ne pas être synonyme de dépsychiatrisation. D’autre part que les retours experts des personnes concernées reconfigurent notre manière d’appréhender les questions Trans. Aussi, si les frontières entre le normal et le pathologique s’amenuisent, peut-on encore traiter de la question Trans comme le fait actuellement la Sofect ?

 

– Le militant et le savant

L’histoire du rapport « patients / médecins » sur la question Trans est l’objet d’une inversion récente. Elle fut longtemps présentée comme la proposition d’une offre médicale face aux demandes de médicalisations. Et, en effet, les premiers protocoles français tendaient à répondre à une double demande : celle liée à la médicalisation des personnes Trans sur le territoire puis celle liée à leurs prises en charge, c’est-à-dire à un remboursement. La demande créait alors l’offre. Aujourd’hui, dans un contexte national aux offres de soins réduites, il semblerait que ce soit l’offre médicale qui ait créé les termes et les finalités de la demande (« opérations », « transsexualisme ») excluant de la sorte toutes les autres formulations de médicalisations qui ne rentreraient pas dans un cadre psychiatrique et binaire.

Comme les populations atteintes du VIH[9], les populations Trans exclues des protocoles de soins (comme celles qui y ont accès d’ailleurs) deviennent des « expertes par appartenance »[10] qui viennent opposer, telles des minorités actives[11], des contre-expertises[12] aux experts « par profession » qui tentent alors de maintenir une hiérarchie hermétique entre un savoir dit « profane » et un savoir dit « expert »[13]. Dans cette lutte pour la reconnaissance des expériences et des expertises, la maîtrise des mots devient un enjeu majeur, tout comme la capacité des différents groupes à mobiliser des éléments factuels et scientifiques, locaux comme internationaux.

Ce que nous souhaitons rappeler ici (et il est étonnant de devoir encore le souligner) c’est que la capacité d’expertise ne saurait-être liée uniquement à l’acquisition d’un diplôme, ni même à une prétendue objectivité de celui/celle qui le possède.

Un des arguments pourtant soutenu par la SOFECT est qu’il y aurait dans ce militantisme, quelque chose de l’ordre de « l’incompris ». Etre médecin c’est être sérieux et les gesticulations associatives ne sauraient faire plier un savoir qui tient sa légitimité, non seulement d’une reconnaissance étatique (même implicite), mais plus largement de l’idée d’un sexe et d’une binarité immuables, complémentaires.[14]

C’est justement parce que les choses sont sérieuses que nous, chercheurs, militants, nous proposons une autre grille de lecture à la société dans son ensemble et aux praticiens de la SOFECT en particulier. Ces derniers, en ignorant les demandes et les critiques des personnes concernées, des nombreuses associations (Cf la dernière AG des associations Trans d’avril 2010) contribuent à rendre invisible et inaudible une population parfois stigmatisée médicalement et ostracisée socialement. C’est alors reconnaître que les catégories psychiatriques ont des effets directs sur les conduites individuelles et collectives en termes de stigmatisation notamment : « s’entendre dire que votre vie genrée vous condamne a une vie de souffrance est en soi inexorablement blessant » « c’est une parole qui pathologise et la pathologisation fait souffrir »[15]. La timidité avec laquelle la SOFECT reconnaît, toujours à demi-mots, que les catégories qu’elle défend sont des labellisations contraignantes nous paraît ne pas coïncider avec une prise en compte décente (pas seulement une prise en charge) de la place du patient, sans oublier que la légitimation de fond transite par l’idée d’une thérapeutique adaptée.

En indiquant le poids de la stigmatisation dans le champ thérapeutique de la prise en charge, les représentants associatifs ont alertés les praticiens. Dés lors, les membres de la Sofect présents le 17 décembre 2010 auraient dû tenir compte de ces indications pour un bilan éthique raisonné et non partisan. Au lieu de cela, la Sofect apparaît comme un militantisme déguisé, inversant la balance des positions usuelles. Face aux accusations de stigmatisation, qui justifient les propositions de la CIM et de l’OMS, elle insiste plutôt sur la stigmatisation dont elle serait victime. Ainsi, C. Chiland :

« La solution militante est que les mesures prises pour les minorités deviennent la loi générale. On peut adopter une direction différente et proposer un travail incessant d’information et de décentration culturelle. Aller à contre-courant de l’ethnocentrisme sera, certes, plus difficile que l’intoxication par des propagandes qui vont dans le sens de l’ethnocentrisme : songeons aux nazis qui ont réussi à faire adhérer presque tout un peuple à l’idéologie raciste. »[16]

Reconnaître les revendications du terrain, c’est aussi reconnaître la dimension « experte » des demandes qui sont adressées à la SOFECT. « They carry the results with them » note Howard Becker à propos de ceux dont le savoir est considéré comme « profane » et qui viennent compléter et/ou concurrencer les savoirs installés. La question de l’objectivité des uns face aux subjectivités des autres n’est alors pas une question qui se pose aussi aisément tant la porosité des expertises (qu’elles soient expérientielles[17] ou professionnelles) est réelle. Il faut alors dénoncer cet argument d’autorité qui consiste à dire qu’en étudiant ce que l’on est on perd en objectivité. Le neutre ne peut se résumer aux positions cisidentitaires, blanches, mâles et occidentales (j’oublie hétérosexuelles et en bonne santé). Le point de vue féministe ou Trans n’est en rien plus partial que les points de vue professionnels présentés comme neutres. L’expert doit donc impérativement dire ce dont il parle mais aussi d’où est-ce qu’il parle. Ainsi, il situe le discours à l’échelle d’une recherche, de son contexte et des interactions qu’elle inclut. Dans son manifeste Cyborg, Donna Haraway nous incite à étudier « les situations particulières » en se situant comme des « hackers » d’une division répartissant les savoirs finis (donc disqualifiés) d’une part et « l’objectivation » d’autre part. Or, nous dit-elle, les connaissances sont des « traces de passages rendues visibles par des champs de force ». Se sont donc des savoirs situés, contextualisés et qui n’existent qu’en lien avec le chercheur qui les visibilise. Il s’agit d’identifier et de reconnaitre « une multiplicité de savoirs locaux ou minoritaires » nous dit Preciado dans son savoirs-vampire@war[18] qui préconise alors, comme site de production du savoir, la frontière entre universalisme scientifique et relativismes culturels.

On le voit bien : la SOFECT ne peut prétendre à une objectivité privative qui disqualifierait les autres lieux de production du savoir. [19]

 

– Changements mondiaux et fixité française

Considérons que les critiques émises par la SOFECT aux militants comme aux sciences humaines soient scientifiquement recevables. Par quelle magie ? On ne sait pas… Mais faisons comme si. Nous pourrions alors suspecter la SOFECT d’avoir peur de ses pairs européens et internationaux qui, à statut, compétence et diplôme égal, ne sont pourtant pas tendre avec nos praticiens nationaux. Détrompons-nous, il n’en est rien. Résumons : l’Association Américaine de Psychiatrie[20] émet des propositions de réécritures du DSM[21] (future DSM V) qui tendent d’une part à rompre avec les cadenas serrés de la dysphorie de genre (la liste des symptômes associés à ce qu’ils nomment une « non congruence de genre » est allégée et les symptômes sont décorrélés les uns aux autres) et à reconnaître l’existence de « genres alternatifs » (ouvrant la voie à une reformulation des liens sexe et genre). Parallèlement à cela, la CIM, sous l’égide de l’OMS, propose elle aussi une réécriture des ses catégories. Les pistes qui se dessinent alors sont les suivantes : si le DSM ne dépsychiatrise pas (les systèmes de soins locaux ne permettant pas toujours une prise en charge sans aval psychiatrique) la CIM, elle, pourrait proposer une « médicalisation sans pathologisation », c’est-à-dire une déstigmatisation médicale des parcours Trans. 

L’observatoire Des Transidentités propose en lecture libre une somme de textes issus de la première rencontre de décembre 2010 entre la SOFECT, les membres de l’OMS, les chercheurs et militants sur la question Trans. A la lecture de ces textes il est frappant de voir combien un « consensus » semble s’être établit autour de cette proposition : la combinaison des réécritures de la CIM et du DSM permettrait une dépsychiatrisation sans démédicalisation des parcours Trans[22].

 

Notons d’ailleurs que cette demande n’est pas le fruit unique des personnes Trans. La question de « l’autisme » aussi connait, via des associations, un développement de nouvelles modalités d’expressions et d’actions, entre les institutions et les professionnels, dans des contres expertises. Dans ce rôle, on se souviendra à nouveau des associations de lutte contre le VIH (ACT UP).

 

Pourtant, la réponse de la SOFECT est claire : le DSM ne dit rien quant aux suivis des personnes Trans. De plus, il n’est pas reconnu par tous les praticiens. Par conséquent, il semblerait que la SOFECT ne soit pas inquiétée [L1]  ni même intéressée par les changements en cours à l’échelle de la planète. Le parallèle historique proposé par Jack Dresher[L2] (présent le 18 Mars 2011 à Bordeaux)[23] avec l’homosexualité ne semble pas, lui non plus, avoir d’impact sur la position de l’association. Selon elle, l’inscription de l’homosexualité dans le DSM, puis sa suppression, n’a rien à voir avec la transsexualité.

Considérons que les critiques émises par la SOFECT aux militants Trans, aux psychiatres internationaux et à l’OMS, comme aux sciences humaines au passage, soient scientifiquement recevables. Par quelle magie ? On ne sait pas. Mais faisons comme si. Nous pourrions alors suspecter la SOFECT d’avoir peur du droit Européen qui semble s’opposer point par point aux pratiques de nos praticiens nationaux. Détrompons-nous, il n’en est rien.

Résumons : T. Hammarberg (conseiller européen aux droits de l’Homme) remet l’année dernière un rapport intitulé « Identité de genre et droits de l’homme »[24] qui met en lumière l’absence lacunaire de textes ou de volonté politique des pays membres de l’Union Européenne sur la question Trans. De la question des Droits de l’Homme à celle de la lutte contre les discriminations, ce texte novateur soutient que les personnes Trans, opérées ou non, doivent pouvoir obtenir un changement d’état civil sans l’obligation d’être stérilisées. Marquant à la fois l’importance de l’arène juridique dans la question Trans aujourd’hui et la reconnaissance de corps aux formes et aux fonctions diverses, librement consenties par l’individu, ce texte met au centre de la problématique la question des Droits Humains.

Il est suivi d’un texte intitulé « Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre »[25], dans lequel le Conseil de l’Europe émet un certain nombre de recommandations et appelle les états membres à prendre des dispositions en faveur de la lutte contres les discriminations et pour faciliter les parcours Trans. Là encore, le Conseil de l’Europe souligne l’importance d’accéder aux demandes de changement d’Etat Civil indépendamment du sexe anatomique du requérant.

Repris par les associations Trans, ces textes ne semblent pas non plus inquiéter la SOFECT. En l’absence d’un droit contraignant, tout est permis. Mieux : tant que le droit national ne s’émancipe pas des considérations psychiatriques pour dire ce que peuvent-être les parcours Trans, la psychiatrie garde la main mise sur une population étiquetée transsexuelle au sein de ses protocoles mais aussi, par répercutions, sur les « autres Trans » (très largement majoritaires) qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas accéder à des protocoles nationaux.

Conclusion  

Tout se passe alors comme si la SOFECT voulait sauver une « chasse gardée » autour du concept de transsexualisme et autour des personnes qu’il saisit. En voulant continuer, tout en s’isolant, à s’occuper des personnes transsexuelles les plus vulnérables, la SOFECT maintient un monopole qui se délite sous l’effet des parcours qui s’internationalisent et sous la pression d’un droit Européen, épée de Damoclès de la psychiatrie française en charge des personnes Trans.

Sous-tendu par ce projet : le maintien d’une certaine fixité des rapports sociaux de sexe. Au « danger » Trans doit être opposé un « principe de précaution ». Pour l’individu d’une part, qui devient étranger à lui-même et pour la société d’autre part, aveuglée (selon la Sofect) par l’illusion de la perméabilité des genres.

Cela nous rappelle tristement le film « Harvey Milk » dans lequel, selon un principe de précaution religieux, les homosexuels étaient tenus à distance de l’enseignement. De peur d’une faute (celle du pédophile, alors forcément homosexuel) on privait tous les autres de droits.

 

Dans un contexte de soins où l’autonomie de l’individu s’amenuise lorsque sont activées des logiques de solidarités interpersonnelles (sécurité sociale…), il ne faut pas perdre de vue ce patient « expert » que la SOFECT résume trop souvent au « patient malade ». De ce point de vue, la notion de « consentement éclairé » votée lors de la dernière AG des associations Trans est un élément décisif[26]. Elle permet de corréler l’exigence de preuve qui rassure l’organisme de remboursement avec l’exigence de prise en compte des patients-acteurs. Elle permet aussi de dissocier la question de la médicalisation et de la prise en charge de la question psychiatrique qui préoccupe tant les personnes Trans.

Au total, il semblerait que la SOFECT, par la bouche de ceux/celles qui l’ont représentée lors de ces deux journées, joue son va-tout : celui du soutien étatique dans une opération de main-mise sur les transsexuels-patients et d’exclusion des Trans-acteurs. Dans un contexte politique changeant (rappelons les propositions et les débuts de discussions lorsque madame Roselyne Narquin Bachelot était encore ministre de la santé)  les demandes de dépsychiatrisation restent alors sans réponse.

C’est avec un immense regret que nous observons l’élaboration consciente d’une politique de « vulnérabilisation » des Trans.


[1] https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?id=1476821&Site=CM

[2] Dans les recommandations aux Etats membres du Conseil de l’Europe, est souligné la formation des praticiens et la dignité des personnes (10. Dispenser aux professionnels de santé, notamment aux psychologues, psychiatres et médecins généralistes, une formation sur les besoins et les droits des personnes transgenres et l’obligation de respecter leur dignité).

[3] Henri Michaux, 1963, « Passages », Gallimard, p.148.

[4] « Comment classifier /déclassifier sans stigmatiser ? », organisé par le CCOMS Lille, France et le CERMES3, Université Paris Descartes. Notre compte-rendu sur l’ODT, http://observatoire-des-transidentites.over-blog.com/.

[5] « Les catégories psychiatriques et les effets », organisé par l’université de Bordeaux et le centre Emile Durkheim, Université Bordeaux II.

[6] http://www.transsexualisme.info/

[7]  Béatrice Préciado, Testo Junkie, Grasset, 2008

[8] Michel Foucault, 1976, « L’histoire de la sexualité » Tome1 « la volonté de savoir », Gallimard.

[9] S. Epstein, 2001, « Histoire du sida ». Tome1 « Le virus est-il bien la cause du sida ? » et Tome 2 « La grande révolte des malades », Paris, Les Empêcheurs de penser en rond.

Lire aussi : I. Löwy, 2000, « Entre contreexpertise et consommation avertie : le mouvement associatif antisida et les essais thérapeutiques », Mouvements, n°7.

[10] H. Becker, 2002, « Les ficelles du métier » Paris, La Découverte.

[11] V. Bedin et M. Fournier (dir.), « Serge Moscovici », La Bibliothèque idéale des sciences humaines, Editions Sciences Humaines, 2009.

[12] T. Reucher, 2008, « Quand les Trans deviennent experts », Multitude

[13] Yves Lochard, Maud Simonet, 2009, « Les experts associatifs, entre savoirs profanes, militants et professionnels », Sociologie des groupes professionnels (dir. D. Demazière), La découverte.  p.274

[14] Lire à propos du « syndrome de toute puissance » des personnes transsexuelles, le dernier livre de Colette Chiland « Changer de sexe, illusion et réalité » Odile Jacob, 2011.

Lire sur la « complémentarité des sexes » : J. P. Mialet « sex aequo : le quiproquo des sexes » A. Michel, 2011.

[15] Judith Butler, 2009,  « Le transgenre et les “attitudes de révolte” », dans Monique David-Ménard (sous la direction de), Sexualités, genre et mélancolie : s’entretenir avec Judith Butler, Paris, Campagne première.

[16] Son intervention, suite de la journée d’études avec le CCOMS à la Sorbonne en décembre 2010, cite ce passage de son propre livre, Sois sage, ô ma douleur.

[17] J. Wresinski, 1974, « Le rôle des associations non gouvernementales », Droit social, n° 11, p. 176-182.

[18] B. Preciado « savoirs_vampire@war », Expertises : politiques des savoirs, Multitudes n°20, 2006.

[19] D. Haraway, 2007, « le manifeste cyborg », EXILS

[20]www.dsmV.org

[21]DSM : Diagnostic and statistical manual. CIM : Classification internationale des maladies

[22] http://observatoire-des-transidentites.over-blog.com/

[23]Drescher, J., Queer diagnoses:  Parallels and contrasts in the history of homosexuality, gender variance, and the Diagnostic and Statistical Manual (DSM).” Archives of Sexual Behavior.

[24] Texte disponible sur le site de l’association Trans-aide

[25] Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2010 (17e séance) et disponible en intégralité sur : http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta10/FRES1728.htm

[26] Retrouvez tous ces points sur le site de l’association OUTRANS

Infogérance Agence cmultimedia.com