Cahiers de la transidentité

Vol. 4


Tableau noir : les transidentités et l’école

 

 

Pour cette quatrième édition, l’O.D.T. interroge les relations des transidentités à l’école. Comment celle-ci se comporte à leur égard ainsi qu’à l’égard de la diversité de genre ? De la France au Brésil, du Luxembourg au Canada, l’observation et l’analyse sont sans appel : l’effacement de la diversité de genre permet l’effacement des transidentités. Il s’ensuit ce «tableau noir » que cette somme d’articles explore et soumet à la lecture.

Ce livre a été coordonné par Maud-Yeuse Thomas, Karine Espineira et Arnaud Alessandrin.

Avec les contributions de : Caroline Dayer, David Latour, Maud-Yeuse Thomas, Karine Espineira, Arnaud Alessandrin, Johanna Dagorn, Eric Debarbieux, Sylvie Ayral, Erik Schneider, Gabrielle Richard, Line Chamberland, Maria Rita de Assis César, SOS Homophobie, Vincent Buraud de Contact Aquitaine et Isabelle Collet.

 

 

Crédits : Graphisme de l’ouvrage : Karine Espineira

 Illustration de Joachim Fablet

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« Transformer des garçons en filles » : les dérapages transphobes du débat sur le genre

Que n’avons-nous pas entendu concernant l’enseignement du genre à l’école ? Les oppositions se sont faites entendre à coup d’arguments homophobes et sexistes, mal informés et malintentionnés. Mais si les propos homophobes de « la manif pour tous » ou du « printemps français » à destination des programmes scolaires ont été combattus, ne serait-ce que (trop) timidement, les propos transphobes sont restés impunis. L’école est toujours, en France comme au Brésil, au Luxembourg et au Québec le lieu « gender blind » pour les transidentités. Et pour cause, puisqu’ils émanaient à la fois des traditionnels groupes « anti-genre » mais aussi de la majorité gouvernementale (et parfois même de leurs alliés) et des prétendus savoirs et pratiques médico-légaux diffusés depuis les thèses violemment homophobes d’Ambroise Tardieu (vers 1850). On le voit, ces thèses ne sont pas nouvelles. Trois positions et trois sites de pouvoir, une opposition unique : celle de la transition et du changement de genre érigés en limites absolues de la lutte contre l’homophobie et le sexisme à l’école. La tolérance certes, mais une tolérance amputée de quelques un.e.s. 

Dans un échange informel dont la vidéo circulera vite sur Internet, une candidate (FN)[1] accuse le gouvernent socialiste, et par là Najat Vallaud Belckacem qu’elle cite nommément, de vouloir changer les petits garçons en petites filles (oui, toujours dans ce sens, comme on soulignerait une perte). A la fin de son intervention filmée (le savait-elle ?), cette candidate  conclue que la ministre des droits de femmes aurait sans doute aimé « s’appeler Robert », caricaturant ainsi la lutte contre les stéréotypes de genre à l’école et jetant l’opprobre, une nouvelle fois, sur les potentielles transitions de genre que la société, y compris l’école, connait mais continue de taire.

Les trans, et les intersexes dans une moindre mesure, ont quelques fois été mobilisés dans ce débat contre l’enseignement du genre. Stoller, Butler et Money sont alors revisités, et avec eux les exemples trans ou intersexes, afin démontrer, science à l’appui (la science que l’on critique étant souvent la même que l’on mobilise), les dangers (imaginaires) de cet enseignement.

Toutefois, aucune voix ne se fit entendre pour dénoncer ces propos. Bien au contraire, on assistait, à gauche aussi, à une défense molle des lois proposées en soulignant à qui voulait l’entendre qu’elle ne permettait pas « aux filles de devenir des garçons » (là encore dans ce sens). Transphobie, simple ignorance, volonté de faire taire l’opposition : il en restera en tout cas une nouvelle scène d’invisibilité ou les figures trans et inter ne sont appelées qu’à titre d’épouvantail. De fait, l’abandon progressif des avancées promises par le candidat Hollande et son panel de « lois sociales » n’existe plus. Les programmes ABCD viennent d’être remisés, consacrant par là, outre la violence aux invisibles, la violence faite à l’Etat et ses prérogatives. Mais avaient-elles seulement une chance d’exister quand le terme de trans lui-même est retiré du rapport de Techenné ? Et comment combattre quand on on ne sait tout simplement pas de quoi l’on parle, poursuivant un discours fantasmé sur la « dysphorie de genre », énième substitut au « trouble du développement » ?

Nous souhaitons par ces lignes souligner le fait qu’une bonne intention (celle de lutter contre les inégalités et les stéréotypes filles / garçons) ne peut se faire sans inclure les populations qui en sont les premières victimes, peut-être pas en chiffre mais en intensité, à moins de considérer que les questions trans et intersexe s’inscrivent précisément, sans jamais déborder, dans les limites d’une binarité des genres, entérinée comme un fait de nature ou un allan de soi historique. Ce qu’elle n’est pas et que chaque article réanalyse à la lumière des champs disciplinaires qui se croisent ici, sur le lieu même de cette fabrique d’écoliers, mais aussi, de savoirs et de connaissances, de lumière et de justice.

Ces appels à une école plus inclusive sont d’autant plus urgents que l’annonce de l’abandon de l’ABCD de l’égalité sonne comme l’abandon plus large des politiques affichées et volontaristes de lutte contre discriminations à l’école ; politiques qui plient sous l’effet conjugué de la peur et de l’inefficacité. L’école ne joue plus son rôle d’égalité des chances et en revient à un rôle de reproduction sociale. On sent même des volontés de tirer l’école vers un ordre plus traditionnel et patriarcal. Doit-on réellement accepter cette régression ?

[1] http://lelab.europe1.fr/une-candidate-fn-a-lyon-sur-najat-vallaud-belkacemet-et-la-theorie-du-genre-ca-releve-de-la-psychiatrie-elle-aurait-reve-de-s-appeler-robert-12965

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SOMMAIRE

 

INTRODUCTION

« Transcolarité » (Caroline Dayer)………………………………….…………. p. 13

 

TABLEAU NOIR : LES TRANSIDENTITES ET L’ECOLE

« Transcolarité : commencer par en parler »

(Arnaud Alessandrin, Maud-Yeuse Thomas, Karine Espineira)……………. p. 21

« Une volonté politique ? »

Entretien avec J. Dagorn et  E. Debarbieux  (ODT)……………………………. p. 23

 « La transphobie en milieu scolaire ».

(David Latour) ……………………………………………………… ………….  p. 27

« Transidentités : l’épreuve scolaire »

(Arnaud Alessandrin) ………………………………………….…………….     p. 39

« Angles morts et contexte Gender blind » 

(Karine Espineira) …………………………………………………………….    p. 51

« L’école par l’exemple, retour d’expériences »

(Maud-Yeuse Thomas) …………………………………………….………….   p. 53

«  En finir avec la fabrique des garçons. Entretien avec Sylvie Ayral »

(ODT) ……….……………………………………………………….………….   p. 55

« Comparaisons à l’international : Brésil, Québec, Luxembourg »

(Arnaud Alessandrin, Maud-Yeuse Thomas, Karine Espineira)  …………   p. 63

« Vu du Luxembourg » 

(Erik Scheider) ………………………………………………….………………   p.69

« Violences homophobes, violences transphobes »

(Gabrielle Richard, Line Chamberland) ………………………………………  p. 75

« Scolarisation trans au Brésil »

(Maria Rita de Assis César) ………………….…………………..….………… p. 93

« Entretien avec Vincent Buraud – Contact Aquitaine »

(ODT)……..…………………………………………………………….………… p.101

« Entretien avec SOS homophobie »

(ODT)…………………………………………………………….………………   p. 105

 

CONCLUSION

« Entretien avec Isabelle Collet »

(ODT)……………………………………………………………………………… p. 111

 

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CAHIER DE LA TRANSIDENTITÉ

 

Transidentités, histoire d’une dépathologisation (2013 – Volume 1)

Identités intersexes : identités en débat (2013 – Volume 2)

Corps trans, corps queer (2014) – Volume 3)

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Mise en ligne : 16 juillet 2014

Tableau noir : les transidentités et l’école
Tableau noir : les transidentités et l’école