Le TDOR, Jour du souvenir trans

Maud-Yeuse Thomas
chercheuse indépendante 

Karine Espineira
Université Paris 8

Le T-DOR, Jour du souvenir trans

 

Avertissement. Ce texte publié à l’occasion du T-Dor comporte une vidéo (fin d’article) d’une grande violence. Elle illustre la transphobie en acte.

Le TDOR, Jour du souvenir trans

Le T-Dor ou jour du souvenir des personnes trans assassinées pour raison de transphobie a été créé aux USA en 1998. Il a lieu le 19 novembre.

A Marseille, le T-Dor est co-organisé par SOS homophobie, l’ODT, le T Time, Polychromes, Aides. Il se déroule aux cinéma Les Variétés à Marseille. L’atelier Transexpress sera suivi du film de Sophie Hyde, 52 Tuesdays (2013) Lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/52_Tuesdays.

D’autres TDor auront lieu en France[1].

Pour la énième année, nous allons présenter le T-Dor à Marseille en tirant à nouveau la sonnette d’alarme sur les conditions de vie des personnes trans. Combien de morts et de suicidées depuis le T-Dor de 2015 ? Quelles politiques publiques ont-elles été mises en place depuis le début des années 2000 quand l’associatif Trans en souligne les urgences depuis la décennie 1990 ?

Nous pouvons décrire plusieurs morts :

  • La mort, brutale et violente des agressions aboutissant au décès
  • l’absence de chiffres
  • des récits de vie ramenés à une subjectivation visant à les nier et les psychiatriser
  • un enterrement au prénom d’assignation effaçant plus encore la personne
  • des discours biopolitiques qui nous objectivisent et nous invisibilisent.

Alors que nous préparions ce T-Dor, un ami nous avertit du décès de S., probablement dû à un suicide. Nous l’avions rencontré, il a y quelques années, lors de formation dans une école de travailleurs sociaux. S. tenait une boite de nuit ouverte à toutes les sexualités et expressions d’identité de genre. Elle se définissait comme travesti, représentait pour tout le monde, une joie de vivre intense et une force de vie incomparable. Son décès nous apparaît d’autant plus incompréhensible mais, devant le constat d’une société où la transphobie est quotidienne, son suicide est la conséquence d’une vie rendue invivable.

En 2014, le suicide de Leelah Alcorn a fait le tour du monde.

Nous nous demandons comment faire face, comment faire avec cela, quelles réponses le permettraient dans un contexte d’aggravation des plus vulnérables, notamment les personnes trans prostituées sans papiers[2].


[1] Sur le site de SOSHomophobie : https://www.sos-homophobie.org/TDOR2016. Ouesttrans organise deux Transexpress pour le TDor à Quimper et Rennes ; en ligne : https://www.facebook.com/events/561081484098116/. Trans inter action organise un Tdor à Nantes; en ligne https://www.facebook.com/trans.inter.act/.

[2] Communiqué de presse, Acceptess transgenres, 08.11.2016, en ligne : https://www.facebook.com/notes/acceptess-transgenres/tdor-2016-justice-pour-niurkeli-assassinée/1676805252609874


Le TDOR, Jour du souvenir trans

Lors de la première Existrans en 1997, nous étions 20. C’était il y a 20 ans. L’Existrans 2016 s’est achevé à Paris sur un constat d’échec, de recul et de mépris. Mépris des existences trans, maintien d’une psychiatrisation malgré le décret Bachelot (2009) et les efforts des associations pour un changement d’état civil (CEC) libre et gratuit en mairie.

La raison de ces meurtres et de ces « pousse-au-suicide » tient globalement à la transphobie globale, aux violences institutionnelles, à l’instar du sexisme et racisme, partout dans le monde avec une prévalence en Amérique centrale et du Sud (78% des meurtres selon Transrespect[1]).

La raison de ces meurtres réside dans une violence contrecarrant l’essor de sa visibilité sociale, théorique et symbolique. Plus personne n’ignore qu’il y a pas de maladie ou de « dysphorie » ; qu’il n’y en a jamais eu. Mais les discriminations et violences s’ajoutant au harcèlement théorique n’ont jamais cessé. Aux violences physiques, sexuelles et symboliques, s’est ajoutée la violence symbolique et théorique de discours et pratiques biopolitiques sur le «transsexualisme ».


[1] en ligne : http://transrespect.org/en/idahot-2016-tmm-update/


Un pape nous a encore récemment condamné.e.s et excommunié.e.s, sous le regard indifférent des laïcs. Nous ne ferions pas partie de l’humanité ou à la marge de celle-ci. Traduisons : en marge de la conception créationniste auquel s’est greffée une conception objectiviste reposant sur « la nature ».

En réponse au travail des collectifs d’associations trans pour le CEC, l’Etat a réimposé cette frontière au nom d’une « justice du XXIe siècle ». En fait, une conception naturaliste où l’organe sexuel d’un individu détermine ce qu’il sera dans son avenir. En bref, on ne devient pas, on nait.

Une forme de justice s’est imposée à une philosophie de l’existence en se donnant pour base éthique l’exclusion de certains individus.

Il n’y a pas de meilleur anathème que la normativité juridique et religieuse érigée en rituel «anthropologique ». Il conditionne, permet et justifie la psychiatrisation dont la fonction politique est de nous déplacer en-deçà de l’appartenance à l’humanité. Ce geste est nécessaire pour que quiconque, n’importe qui, se sente légitime pour discriminer et parfois pour tuer[1].

Cette autorisation de tuer se raconte d’ailleurs elle-même : les violeurs et tueurs disent qu’ils ont eu peur, que leur monde était ébranlé. Leur peur tue, leur peur justifie. Ils ne sont jamais poursuivis. On a là l’ultime mort des trans : le meurtre de personnes trans n’existe pas.

Mise en ligne : 15.11.2016


[1] Boy dont cry de Kimberley Pierce sur Brandon Teena (1999) ; en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boys_Don%27t_Cry_(film).


Avertissement : Cette vidéo contient des scènes très violentes. Source : 36ª Delegacia de Polícia Civil – Santa Cruz – https://www.facebook.com/36delegacia/videos/1743485365912125/

Affiche du film Boy dont cry.

Affiche du film Boy dont cry.