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Étiquette : Sexe

Recension : Mon corps a-t-il un sexe?

Maud-Yeuse Thomas

Université Paris 8

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Recension :
Mon corps a-t-il un sexe ? Sur le genre, dialogues entre biologies et sciences sociales

Sous la direction d’Évelyne Peyre et Joëlle Wiels

D’emblée , la 4e de couverture nous met dans le bain : « Sexe» est l’un des mots de la langue française que les gens sans distinction de classe, de religion, d’apparence ou de profession, utilisent avec grand intérêt, qu’ils soient accoudés au zinc d’un bistrot ou à la paillasse d’un laboratoire de biologie moléculaire. Deux mises en scène distinctes, sociale ou scientifique; deux scénarios différents: d’un côté, les histoires d’amour ou d’imaginaire sexuel, de l’autre, les recherches biologiques. Sous ce mot de «sexe», notre langue, si riche, produit une polysémie bien fâcheuse. » Quel est ce sens polysémique, tout à la fois le plus petit dénominateur commun d’une organisation binaire de société et du rôle sexuel que nous effectuons dans la procréation et la sexualité ? Qui répond et comment répond-on ?

L’ouvrage interroge cette polysémie sexuée et sexuelle en faisant « le point sur les connaissances concernant le sexe biologique et ses variations, dont on sait désormais qu’il ne permet pas de séparer les individus en deux catégories bien distinctes. » Ici, l’ouvrage rejoint les débats des études de genre dans une évaluation de « l’impact du genre sur le développement du corps des êtres sexués et sur la construction de leur identité ». L’ouvrage opte pour une pluridisciplinarité ouverte et questionnante, non seulement entre des positions opposées mais en réinterrogeant les sciences biologiques à l’endroit de la vision nature-culture avec, par exemple, l’article sur l’alternaturalisme de Hoquet et Keutzer sur le genre et les animaux.

Il cherche à apprécier dans quelle mesure les croyances liées au genre (bicatégorisation mâle-femelle stricte, supériorité masculine, etc.) construisant le corps ont pu influencer les recherches menées sur les sexes biologiques (Hoquet repère 7 sens pour définir le sexe). Cette « fâcheuse polysémie » est généralement évacuée pour une reconduite généralisée et générique d’une différence oppositionnelle, binaire et « incommensurable » des « sexes », pour une unicité que le « sexe » ne contient nullement –sauf sur les sites de recouvrement sexe-genre partout où « l’idéologie différentialiste » les a déposés, à partir du XVIIIe. Ce qui a figé un clivage naturalisme vs antinaturalisme dans une idéologie binaire, désormais interrogé et constituant un terrain à part entière.

Les témoignages de personnes intersexes et transgenres apportent sur la question de l’identité sexuée un éclairage complémentaire qui bouscule les « réponses » que donnent la médecine et le droit reconstruisant deux catégories sexuées et sexuelles bien distinctes dans lesquels le genre, comme « processus de construction d’une différence des sexes hiérarchisée » (Marqué) disparaît dans la matérialité même du corps, tandis que l’éthologie (Kreutzer) et la bio-anthropologie (Peyre) le font apparaître. Le double processus d’assignation et d’état civil, lieux symboliques s’il en est de la fixité de « l’incommensurabilité des sexes » ne sont nullement naturels mais politiques. S’agissant des identités femme et homme, on soulignera qu’il s’agit des rapports sociaux de genre, de sexualité, de construction oppositionnelle ou mixte d’un corps-mouvement, de voix, de rapports au travail, à la filiation, à l’alimentation, à la plasticité du cerveau comme des os du squelette, aux fantasmes comme aux projections imaginaires, etc. Toutes choses que cet ouvrage cherche à réévaluer en sollicitant toutes les disciplines scientifiques sollicitant des savoirs plus anciens. Leurs descriptifs très documentés sur la période historique courant du XVIIIe au XXe sont sans ambiguïté. Le comparatif fait surgir, quasiment à chaque phrase, « l’arrière-fond historique » construisant la fabrique sexobinaire et les clivages ordonnant des espaces disciplinaires stricts questionnés sous divers angles et concepts : Hoquet avec le concept d’alternaturalisme, Marqué avec celui du corps comme mouvement socialisé, le rapport de la voix et du sexe (Legrand, Ruppli) intériorisant le genre et fabriquant du corps.

L’opposition des « sexes » est d’abord une opposition historique, s’établissant dans le long temps du XVIIIe au XXIe dans un changement de régime majeur (de la vision biblique aux rationalités scientifiques multiples se concurrençant) et dissimulant ses échafaudages par l’évidence de sa naturalité et normalité. A la manière dont Elsa Dorlin a fait apparaître une « matrice des races », les auteur.es font apparaître une matrice des « sexes » dont le principal travail de déconstruction et reconstruction d’une représentation plurielle réside dans l’observation fine d’une fabrique du corps sexué et genré binairement et sa naturalisation après coup. La binarité sociologique s’accompagne donc d’une binarisation de ce corps entièrement déterminé par les manifestations du « sexe » dans un maillage si étroit que même les plus érudits d’entre nous ont bien du mal à mettre à distance l’échafaudage dans ses dimensions reliant le travail scientifique de l’imaginaire sociohistorique. Catherine Vidal met en garde sur « l’impact des savoirs scientifiques », reposant concrètement ce que la polysémie du « sexe » et sa « réduction au biologique » apportent à l’ordre des genres et sa police invisible, soit l’obligation à la dimension politique de l’hétérosexualité excluant l’homosexualité et la dimension socioculturelle du régime cisgenre, excluant d’autres modes, dont le mode trans et intergenre.

La force de l’ouvrage réside dans le fait qu’il réinterroge le siècle des Lumières, l’établissement de rationalités spécifiques, destinées à être le moteur de la reproduction sociale via un « état des connaissances » semblant valider le prédicat sexué (Planté), en les faisant dialoguer. Le comparatif des savoirs sur les os, le squelette, le cerveau et l’alimentation renvoie bien à une sexualisation montante des représentations liée à sa hiérarchisation et son rapport à de nouveaux clivages que le XXe occidental va généraliser : le rapport nature/culture double surplombant de la condition hommes/femmes, où le premier forge une bicatégorisation du second en le renforçant jusqu’à nier la « diversité de la nature » (Kreutzer) en la binarisant à son tour. Dans cette optique, « la société modèle notre anatomie » (Peyre) dans des représentations mettant en scène des parties du corps ou sa totalité, censée montrer une « nature » différentielle et essentielle, masculine vs féminine, en créant des tiers absents. Or, si il y a bien une différence, elle n’est pas essentielle ni essentialiste et la déconstruction est d’abord scientifique, rampant là avec le clivage sciences vs militances et réinterrogeant la causalité scientifique. De proche en proche, l’examen montre toute la polysémie dudit « sexe » et sa profonde ambivalence : la nouvelle société est toujours basée sur la supériorité de la culture et de l’hégémonie d’un type particulier de masculinité et va forger les corps sexués adaptés à son régime et idéologie, rompant là avec les croyances des siècles passés et sa théologie chaud/froid tout en reproduisant une hiérarchie symboliste. Chaque grand chapitre suggère une essentialisation préliminaire et fondatrice de ce qui va devenir la « différence des sexes » au XXe, inscrivant dans le marbre de la loi dès le début du XIXe siècle, bien avant la distinction nature/culture et la grande division des rationalités scientifiques sciences naturelles/sciences sociales. Le siècle des Lumières n’est pas scientifique mais médical et idéologique, suggèrent tou.te.s les auteur.e.s, précédant et préparant le pansexualisme freudien où, avec l’invention du psychisme, c’est au tour de l’imaginaire sexuel et de l’organisation sociétale de suivre le même exemple.

Ainsi, le « sexe » des os, du squelette, des hormones, des organes génitaux, du cerveau, de la force musculaire et de la taille, etc., semblait pouvoir construire un corps sexué-sexuel unitaire mais au prix d’une objectivation dudit corps laissant l’imaginaire premier et fondateur (Castoriadis) sans objet. Au terme du premier chapitre, l’on se demande ce qu’il reste de cet imaginaire sans cesse récupéré par la permanence des métaphores sexuelles et la reconduction des « marqueurs idéologiques » (Marquié) ajoutant de la fixité à l’habitus corporel et masquant le travail des résistances (Marquié citant Certeau aux côtés de Bourdieu :164). A mon sens, son analyse pose la question complémentaire au titre de l’ouvrage : mon corps a-t-il un genre ? Oui mai lequel ou lesquels ? On ne peut que deviner le silence de ces « autres » non nommés, marqué.es par une transgression mortifère mise en scène, non créatrice, dont la société binaire aura énucléé l’imaginaire.

Le 2e chapitre commence par une formulation lacunaire, montrant tout son échafaudage : « Le sexe envahit tout le corps ». Un envahissement, loin du postulat d’Héritier malgré ou à cause d’une « valence différentialiste des sexes » en laissant au sexe la fonction mythologique de poser un ancrage absolu. Au passage, l’on comprend que le pansexualisme freudien n’est que la conséquence du pansexualisme corporel, inventé par les médecins depuis le XVIIIe et rompant avec le continuum sexué où la femme n’était qu’un « homme inachevé » (Laqueur, 1992).

En introduisant l’apport des trans et intersexes, la séparation des « individus en deux catégories bien distinctes », vole en éclat mais non l’organisation instituée d’une polarisation binaire où la « nature » est entièrement recomposée à distance des lois patriarcales. Comment dépasser ces institués ? La reconstruction du biodimorphisme par l’investigation quasi policière des transgressions accaparaient l’ensemble des savoirs et avec eux, tout l’espace imaginaire et l’édification de la relation entre hiérarchisation sociale et naturalisation de celle-ci dans la nouvelle société des savoirs. La dénonciation de cette idéologie plaçant le masculin en dominant et le féminin dans un statut ancillaire, pointe l’effacement des franchissements de genre et le discours médical sur l’homosexualisme et l’intersexualisme au XIXe avant l’invention du transsexualisme au XXe dans une filiation discriminante. Mais ces récits sont restés minoritaires, voire aveuglés par la lutte des anti et naturalistes, longtemps effacés des échafaudages idéologiques binaires. La lumineuse conclusion, « pour ne pas conclure » de Christine Planté consiste à (se) remettre au travail en se confrontant à une nouvelle « révolution copernicienne du sexe » (Gonthier). Utile ouverture aux savoirs démentant certains certitudes et expertises comme matière des inconscients culturels, consistant à réévaluer les liens entre science, marqueurs idéologiques, processus de tris et oublis de l’histoire et dans la manière même dont la science binarise par habitude (Gontier : 315, à propos du travail de Peyre), politisation des rapports entre une majorité et des minorités fantasmées que démentent des méta-analyses sur les prédispositions psychologiques (Cosette : 258) ou cognitives factices (Vidal : 91), entre « neurosexisme » et « neuro-éthique » (Vidal : 102). Comment puis-je me penser si je suis « autre », questionne Cendrine Marro (281) et quel impact sur ma vie saisie par un état civil invariant construisant un « corps juridique » (Nicot : 286 ; Reigné : 302) ? Comment se « dire simplement », (Guillot : 296), lorsque l’absence de médiations est totale, facilitant ainsi la construction d’une majorité symboliste autant que déterministe. Or, c’est précisément cette production de déterminismes majoritaires qui emportait toutes les faveurs au travers l’évidence du naturel et le naturel de l’évidence (Detrez) où l’hypothèse d’une bisexualité psychique servait avant tout à reconduire une binarité en cours d’édification, telle une Babel. La parole experte des minoritaires, aussi capitale que le projet scientifique pour rétablir ce qui est d’ordre du sociopolitique, imaginaire inclut, est rarement entendue comme une participation à l’imaginaire et pris dans une hiérarchie nullement abolie. Ce n’est pas la science qui a construit la binarité sociodimorphique mais l’imaginaire d’une classe économiquement dominante au XIXe. Mais les sciences n’ont-elles pas validé, par oubli et omission, la reproduction biosociale ? L’apport majeur de cet ouvrage permet donc de réévaluer cette question : ce n’est pas la science qui crée la différence homme/femme mais la valide ou la réfute, non sans un effort sur elle-même. Elle ne se contentait pas simplement de dire la différence mâle/femelle en interrogeant le contexte nature/culture. Désormais et fort des études de genre, elle souligne l’intrication sexe-genre comme sexe/genre, voire du point de vue situé de cet « autre » non aligné (Marro) introduisant du trouble dans le sexe (Fassin), ouvre l’horizon imaginaire imbibant les sciences analysant la nature comme une production de l’imaginaire urbain du XIXe finissant au XXIe commençant.

Table
Introduction, par Evelyne Peyre et Joëlle Wiels

Première partie: Construction du corps sexué
L’histoire du sexe ou le roman de la vie, par Evelyne Peyre
La détermination génétique du sexe: une affaire compliquée, par Joëlle Wiels
Développement et fonction des organes génitaux, par Pierre Jouannet
La détermination du sexe chez l’humain: aspects hormonaux, par Claire Bouvattier

Deuxième partie: Le sexe envahit tout le corps
Le cerveau a-t-il un sexe?, par Catherine Vidal
Le squelette a-t-il un sexe?, par Evelyne Peyre
Le bassin osseux: splendeurs et misères de la clé de voûte du corps humain, par July Bouhallier
La voix a-t-elle un sexe?, par Mireille Ruppli
Corps dansant, sexe et genre, par Hélène Marquié
Orlando barocco: variations sur le sexe d’un personnage lyrique, par Raphaëlle Legrand

Troisième partie: Cultures/natures: la femelle et le mâle
«Sélection sexuelle» et différenciation des rôles entre les femelles et les mâles chez les animaux, par Franck Cézilly
Des animaux en tout genre, par Michel Kreutzer
Alternaturalisme, ou le retour du sexe, par Thierry Hoquet

Quatrième partie: De l’identité aux représentations
L’évidence du naturel et le naturel de l’évidence, par Christine Detrez
Différences psychologiques entre femmes et hommes et rôles sexuels: un lien factice?, par Louise Cossette
L’identité: une construction personnelle aux prises avec les normes de genre, par Cendrine Marro
Sexe, genre et état civil: vers des droits humains nouveaux?, par Stéphanie Nicot
Me dire simplement, par Vincent Guillot
La notion juridique de sexe, par Philippe Reigné
De la révolution copernicienne du sexe, par Josiane Gonthier

Pour ne pas conclure, par Christine Planté
Postface : du genre au sexe, par Eric Fassin

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Mise en ligne : 6 avril 2015

Ce texte est soumis aux droits d’auteurs.

Ecrire le « queer-disability »

Chris Gerbaud

Master en philosophie éthique, Master en sociologie
Chargé de cours vacataire en IRTS et IFSI`


De l’extraordinaire à l’ordinaire : écrire le « queer-disability »

En creux – et cependant en son cœur – se dessine dans Queer disabilities, mon texte autobiographique, un véritable « oubli » : le lien intrinsèque unissant handicap et situation queer.

L’handicapé privé de sexe ?

Il existe fort peu de témoignages personnels en la matière ; et, de fait, cette liaison entre sexualité et handicap est-elle peut-être trop minoritaire, trop « hors-normes », trop située à la « marge de la marge », pour reprendre les termes employés par Marie-Hélène Bourcier lors d’un séminaire tenu à l’EHESS en 2008, pour qu’on s’y intéresse de plus près.

Pourtant, à bien y regarder, cette connexion, baptisée « handiqueer » ou « transqueer » par Maud-Yeuse Thomas, ne pourrait-elle pas permettre d’approfondir la réflexion sur les discriminations ordinaires – celles liées au handicap d’une part et celles liées au corps queer de l’autre ? Qu’en est-il, par exemple, des discriminations à l’œuvre dans la société française comparées à la société américaine ?

Autrement dit, une minorité pourrait être perçue par un faisceau plus général ? Serait-ce là la peur universelle de l’altérité ? Un lien établi culturellement ferait-il sonner le glas d’une « montruosité », figure féérique comme l’indique Georges Canguillem[1] (« du merveilleux à rebours mais du merveilleux quand même ») ?

Peut-être serait-ce, encore, l’analogon d’une peur de mutation ? Fascination-répulsion qu’évoque Olivier Rachid Grimm[2], qui souligne l’interdit de procréation lié à la peur de la personne handicapée, raison pour laquelle elle est souvent confinée à une sexualité atypique, « fixé[e] à des stades prégénénitaux, condamné[e] à suivre une sexualité pervertie où l’intimité est érotisée dans des relations sadomasochistes (…). On assiste alors à la mise en place d’une boucle perverse qui conduit l’infirme interdit de génitalité – donc moins armé dans ce domaine indépendamment de la nature de son handicap – à attirer comme une victime désignée, des prédateurs. Ceux-ci, sous l’apparence du masque de la norme sociale et de la morale, s’adonnent à des pratiques sexuelles retrouvées. »

En somme, il s’agit de faire face à un visage « doublement obscur » que chaque être peut revêtir en lui-même (i.e. : la vulnérabilité et l’identité). Un manque à gagner en termes de capacités et une spécificité culturelle inédite apparaissent ; c’est là la bizarrerie d’une ispéité qui ne peut être saisie : le queer comme une absence identité.

De la militance handiqueer à l’horizon commun

On le sait, la littérature américaine est plus riche en autobiographies sur le sujet que son homologue française. Par exemple, aux Etats-Unis, Eli Clare, est l’auteur de ce type d’ouvrages. Titulaire d’un Master d’Ecriture Créative, transsexuel FtoM atteint d’une maladie cérébrale (paralysie), c’est un fervent activiste – il a notamment organisé une grande marche contre le viol à travers son pays. Ses terrains d’engagement sont  le racisme, les conflits inter-humains, le genre et le handicap[3]. Cory Silverberg dit à son propos : « Le mot « différent » est la dernière chose qui vienne à l’esprit »[4].

Dans son ouvrage inaugural, L’exil et la fierté: handicap, étrangeté et libération[5], Clare tisse les notions de genre, d’infirmité, d’orientation sexuelle et d’identité dans un recueil d’essais aussi accessibles que profonds. Alternant la prose et la théorie, il mêle expérience personnelle, compassion et engagement politique. L’exil et la fierté offre une fenêtre sur un monde où les individus sont considérés comme identiques dans leur complexité et peuvent être aimés et acceptés.[6] 

Suite à la publication de son deuxième livre, The Marrrow’s Telling, Eli Clare a lancé un nouveau site Web pour se concentrer sur son travail de conférencier et formateur. Il montre ainsi comment nos plus grands malaises peuvent venir de nos plus éminents maitres. Et Clare de conclure cet entretien en écrivant : « Je sais que l’imagination possède ce pouvoir énorme de nous extraire de notre propre expérience personnelle ; dramaturges, cinéastes et écrivains de fiction façonnent leur travail autour de ce pouvoir. D’autre part, je suis bien conscient de la façon dont l’imagination peut s’appuyer fortement sur des stéréotypes. J’espère que les gens impliqués dans la création des avatars de l’identité flexible sont attentifs à la façon dont leur travail repose sur des stéréotypes ou y résiste. ». 

Ce sont manifestement là les appréhensions les plus corrosives qui sont visées, ainsi que la force de ces stéréotypes attachés aux personnes handicapées (un individu sur une chaise roulante) ou au queer (une « pédale » féminine ou une « butch » masculine). Quoi qu’il en soit, la démarche d’Elie Clare repose sur un mouvement « d’empowerment » – de (re)prise de confiance en soi -, de formulation d’un nouveau pouvoir par une minorité sociale, au moins en termes de représentations dans la société.

Mais face aux miroirs aux alouettes des clichés (qui ont la dent dure…), qu’en est-il de la France ? A partir de quelles modalités remettre la main sur un pouvoir desdites « minorités » ? Comment se décrire ? Comment est perçu le queer chez les handicapés ? Se définissent-ils/elles comme tel ? Quels aspects sont d’abord théorisés (l’absence, le lien social etc.), et pourquoi ? Les questions abondent.

Cela dit, il va de soi qu’une expérience singulière ne peut répondre à tout. Faisant face à des personnes handicapées, on peut se demander assez directement si ces spécificités ne sont pas le reflet transparent de leur humanité ! Qu’est-ce qui est ou qui serait queer  dans la présentation de leur infirmité ? Le fait que certaines personnes puissent être « transqueer » ? De prime abord, ce pourrait être un lien entre queer et handicap que l’on tente d’éclaircir pour une demande de prise en compte, et non une réflexion « queerisante » préalable plus globale ou sur la sexualité, et incluant les représentations handicapées qui soulève la question de leurs mobilités, difficultés, types de prises en charge adaptatives, etc.

La personne handicapée comme celle procédant du queer sont l’une comme l’autre inclassable pour les normes médicales et sociétales, mais les relations de pouvoirs avancent petit à petit … Plus largement, sous un autre angle : parle-t-on d’un lien restreint composé des trois items : sexualité-handicap-queer ? Ou postule-t-on sur le fond une intersectionnalité inédite ? Oui, cela est une gageure : le présent point de vue dans ce croisement  (reprenons l’expression deleuzienne) est, en surface, « déterritorialisé ».

S’il est un art où la perception du handicap voire du monstrueux comme paradigme de l’altérité apparait particulièrement présent, c’est l’audiovisuel, le cinéma. (Etablir une liste ? Face à une logique de l’ordinaire, captée par la caméra, cette dernière serait longue ! Néanmoins, certaines références s’imposent[7])

L’arrière plan de la société

Envisager une vision sociale « pragmatique » des corps modifiés au cinéma reviendrait-t-il à « être touché ou ne pas être touché par le handicap et-ou le queer » ? Tel pourrait être notre point de mire . Le mouvement de voix qui se fait langue incarnée, celui de l’archet sur le violoncelle, nous fait penser à cette vibration de sons créant une langue, un cadre de ressenti toujours nouveau, non loin de la  notion « d’arrière-plan » chez Wittgenstein.

Une lecture alternative de Wittgenstein, faite par le philosophe Stanley Cavell, serait donc celle de l’ordinaire. On fait comme si le recours à l’ordinaire, à nos formes de vie ordinaires (en tant que donnée) était une solution au scepticisme ambiant face aux situations de discriminations (« toutes ces expressions tristes consistant à dire : «  On ne veut pas voir »   : comme si les formes de vie étaient, par exemple, des institutions sociales. Ici s’opposent deux représentations, celle de l’arrière-plan, (je dirai pour résumer : le « hors-normes ») (notamment chez cet autre philosophe Américain Johan Searle [8], qui affirme que les institutions constituent l’arrière-plan qui nous permet d’interpréter le langage et de suivre des règles sociales).

Le terme d’arrière-plan (Hintergrund) apparaît dans les Recherches de Wittgenstein pour indiquer une représentation que nous nous faisons, mais non pour expliquer « quoi que ce soit ». L’arrière-plan ne peut donc avoir de rôle causal, car il est le langage même, le sens de la pellicule filmique que l’on voit défiler … – nos usages ordinaires, le tourbillon dont parle Cavell et qui est décrit dans les Remarques sur la philosophie de la psychologie : « Nous jugeons une action d’après son arrière-plan dans la vie humaine (…) L’arrière-plan est le train de la vie. Et notre concept désigne quelque chose dans ce « train » ? [9]

Autre passage significatif : « Comment pourrait-on décrire la façon d’agir humaine ?  Seulement en montrant comment les actions de la diversité des êtres humains se mêlent en un grouillement (durcheinanderwimmeln) ; ce grouillement correspondrait à tout ce que nous ne voulons pas voir (un inconscient en quelque sorte). Ce n’est pas ce qu’un individu fait, mais tout l’ensemble grouillant (Gewimmel) qui constitue « l’arrière-plan » sur lequel nous voyons l’action » (Ibid. § 629). L’arrière plan  dans son cadre d’utilisation émotionnelle peut se rapprocher de ce qui est dit à propos de la médiation du handicap par Emmanuel Ethis dans son article sur la réception du « stigmate au cinéma » :

« Le savoir fonctionnalisant procède alors comme un « tiers symbolisant » susceptible de réunir les actants de l’espace de la réalisation avec les actants de l’espace de la lecture. (…) Avec les « nouveaux dispositifs cinématographiques », type Géode ou 3D, les spectateurs se rendraient dans les salles de cinéma non pas tant pour le film projeté que pour les impressions produites par le dispositif en termes d’émotions[10]. »

A la lecture de ce tableau, on voit que la nécessité ordinaire de représenter le handicap, ce fameux « merveilleux perçu à rebours » de Canguilhem, tient à une émotion profonde que nous avons tous : la peur (ou la fascination). En opposition à l’idéalisation de l’être (ce que je nomme  glamour) le fait de convoquer le cadre particulier du handicap nous permet de comprendre finalement combien cette lecture de l’homme peut finalement être une lecture commune.

« Les stigmatisés à l’écran ne nous font plus peur, ni même ne nous fascinent, ils se contentent de nous émouvoir en invoquant en nous quelques sursauts d’une humanité fictionnelle dans laquelle aucun de nous ne se sent tout à fait parfait. » (E.Ethis[11]) 

Le queer (au-delà des images…) pourrait être pensé, avant tout, comme une ressource politique plus que comme une simple sorte de possibilité culturelle et psychologique pour faire débattre les représentations des handicapés, placés loin de la sexualité, et que les représentations hétérocentrées n’auraient pas, voire jamais, abordées – un pouvoir, trop caché mais… véritable  !  

L’histoire du queer et celle du handicap sont dissociées. En France, entre l’activisme queer de Marie Hélène Bourcier et l’anthropo-histoire du handicap de Henry-Jacques Sticker, il n’y a guère de communication théorique. Pourtant, nécessairement, ce serait, pour tous, parler de situations de vulnérabilités sociales qui contribuerait à une réédification de ces situations dites « vulnérables » !

L’au-delà de la vulnérabilité

En conclusion, on citera la politologue et psychanalyste Hélène Thomas[12], qui, dans un article sur la vulnérabilité, cite elle-même Michel Foucault [13] : « Il va s’agir également non pas de modifier tel phénomène en particulier, non pas tellement tel individu en tant qu’il est un individu, mais essentiellement d’intervenir au niveau des déterminations de ce que sont ces phénomènes dans ce qu’ils ont de global. Bref d’installer des mécanismes de sécurité autour de cet aléatoire qui est inhérent à une population d’être vivants ».

La notion de vulnérabilité ne pourrait-elle pas procéder d’une catégorisation générale, entièrement sécuritaire ? Dit autrement, on peut percevoir les spécificités organiques et/ou psychiques des personnes queer et handicapées comme une irréductibilité subversive, considérée comme relevant pleinement de « l’empirie » subjective, en dehors de toutes normes sociopolitiques, (comme dit Maud-Yeuse Thomas, une « intersectionnalité inédite », en dehors de toute catégorie de « vulnérabilité »), comme une expérience nominaliste et proprement exclue de toutes nos représentations, nos valeurs, exclue de  toute axiologie – en un mot, comme : purement indéfinissable ?

IRTS : institut régional de formation des travailleurs sociaux

IFSI ; institut de formation en soins infirmiers

Corrigé par Rachel Grandmangin, professeur agrégée de lettres modernes, ancienne éléve de Normal Sup St Cloud, critique littéraire.


Note sur : Sex and Disability

 Co-Editor with Anna Mollow. Durham and London: Duke University Press, 2012

 

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Le titre de ce recueil d’essais, le sexe et le handicap, unit deux termes que l’imagination populaire considère souvent comme incongru. Les principaux textes ou études sur la sexualité, y compris la théorie queer, mentionnent rarement le handicap, et les textes fondateurs dans les études d’invalidité ne décrivent pas de sexe dans les détails. Que faire si le «sexe» et «handicap» ont été compris comme des concepts intimement liés ? Et si les personnes handicapées sont considérées comme les deux sujets et objets au sein de toute une gamme de désirs et de pratiques érotiques? Ce sont là des questions auxquelles les contributeurs de ce recueil se livrent. De multiples points de vue, y compris l’analyse littéraire, l’ethnographique, et l’autobiographie, ils considèrent de quelle manière le sexe et le handicap s’unissent  et comment les personnes handicapées négocient des rapports sexuels et identités sexuelles dans la culture « capacitistes » et hétéronormative. Rendant queer les  études  sur  l’invalidité, tout en élargissant le champ d’application des études queer et de la sexualité, ces essais agitent de notions portant sur des personnes et sur ce qui est sexy et rendu sexuel, ce qui compte dans la sexualité et qui fait que le désir demeure. Dans le même temps, ils remettent en question les conceptions du handicap dans la culture dominante, études queer, et les études d’invalidité. Collaborent ici avec comme contributeurs : Chris Bell, Michael Davidson, Lennard J. Davis, Michel Desjardins, Lezlie Frye, Rachael Grôner, Kristen Harmon, Michelle Jarman, Alison Kafer, Riva Lehrer, Nicole Markotić, Robert McRuer, Anna Mollow, Rachel O’Connell, Russell Shuttleworth, David Serlin, Tobin Siebers, Abby L. Wilkerson.

Extrait : « Le titre de ce livre réunit deux termes qui ne sont pas contradictoires dans l’imagination populaire mais probablement incongrus. L’idée répandue consistant à dire que les corps valides sont ordinairement sexy ; après tout, les gens sexy sont en bonne santé et sains et actifs : les tops modèles grands et minces, les mordus de sport, les membres sveltes de clubs de gym qui débordant d’énergie. Rarement les gens handicapés sont perçus aussi bien en sujets désirants qu’en objets de désir. Quand le sexe et le handicap sont liés dans les cultures Américaines, la conjonction relève plus souvent d’une marginalisation ou d’une surprise inattendue : la sexualité des personnes handicapées est plus souvent dépeinte en termes tragiques, déficients ou en horribles excès. Pitié ou peur, sont en d’autres termes les sensations les plus souvent associés au handicap ; bon nombre de plaisirs sexuels sont ordinairement dissociés des corps de personnes handicapées et de leurs vies ».

Traduction : Chris Gerbaud et Isabelle Franc Rottier, titulaire d’un Diplôme Européen Etudes Supérieures en Communication, fonctionnaire à la mairie de Paris.


[1] Georges  Canguilhem «  La monstruosité et le monstrueux » in La connaissance de la vie, 2eme, Libraire philosophique Vrin. Paris 1992.

[2] O R. Grimm, Du monstre à l’enfant. Anthropologie et psychanalyse de l’infirmité. Ed du CTNHERNI, Coll Essais, Paris,

[5] http://about.pricegrabber.com/search_getprod.php?masterid=960650306

[7] Un regroupement de films traitant du handicap à l’URL suivant : http://www.youtube.com/watch?v=yQgpQj3modA où encore l’on peut trouver des rencontre en personnes handicapées et accompagnatrice sexuelle, deux films me viennent à l’esprit : « Nationale 7 » (film Français de Jean Pierre Snapi). Dans un foyer pour handicapés près de Toulon, René est unanimement détesté de tous. Myopathe de cinquante ans, il possède un caractère irascible et rebelle. Mais ses provocations ne résistent pas à la candeur et à la droiture de Julie, une éducatrice spécialisée débutante. Il lui avoue qu’il veut faire l’amour avec une femme avant que sa maladie évolutive ne le rattrape définitivement. Julie se met en quête d’une de ces prostituées qui oeuvrent en camping-car le long de la nationale 7. Ou par exemple, pour sortir des sentiers rabattus par le film à succès « Intouchable » ; sur l’amour et la sexualité possible (non spécifique des personnes handicapées) dans un couple constitué de deux personnes handicapées, avec le délicat thème bioéthique de l’arrivée d’un enfant au sein de ce dernier, le film : « Gabrielle ». Gabrielle et Martin tombent fous amoureux l’un de l’autre. Mais leur entourage ne leur permet pas de vivre cet amour comme il et elle l’entendent car Gabrielle et Martin ne sont pas tout à fait comme les autres. Déterminés, il et elle devront affronter les préjugés pour espérer vivre une histoire d’amour qui n’a rien d’ordinaire. (Film Québécois de Louise Archambault http://www.lavie.fr/culture/cinema/gabrielle-l-amour-simple-et-ordinaire-de-deux-personnes-handicapees-21-10-2013-45616_35.php. Sans oublier, un film qui fit courir beaucoup de monde « Forrest Gump » Quelques décennies d’histoire américaine, des années quarante à la fin du XXe siècle à travers le regard et l’étrange odyssée d’un homme simple (limité psychiquement) et pur, Forrest Gump : http://www.premiere.fr/film/Forrest-Gump-141202. Enfin, une dernière référence pourrait être : « Hasta la vista » (film Belge de Geoffrey Enthoven). Trois jeunes d’une vingtaine d’années aiment le vin et les femmes, mais ils sont encore vierges. Sous prétexte d’une route des vins, ils embarquent pour un voyage en Espagne dans l’espoir d’avoir leur première expérience sexuelle. Rien ne les arrêtera… Pas même leurs handicaps : l’un est aveugle, l’autre est confiné sur une chaise roulante et le troisième est complètement paralysé. Nb : Les divers résumés sont extraits du site : http://www.allocine.fr/

[8] J. Searle, « La construction de la réalité sociale »,  Gallimard, 1998, ch. VI.

11  L Wittgenstein « Remarques sur la philosophie de la psychologie », vol. II, tr. fr. G. Granel, TER, §§ 624-625.  http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/c6e5fab4-d2b2-4d36-9171-ad66343bb4c5/ch07.html

[10]  Ainsi, les choses se passent très différemment ; la structure ternaire cède la place à une structure duelle : le film agit directement sur son spectateur, un spectateur qui ne vibre plus tant aux événements racontés (effet fiction) qu’aux variations de rythme, d’intensité, et de couleurs des images et des sons. Le lieu du film se déplace ainsi de l’histoire vers les vibrations de la salle par le complexe plastico-musical agissant en tant que tel. C’est, désormais, ce complexe qui règle le positionnement du spectateur sans la médiation d’un tiers symbolisant. C’est que la communication n’a plus ici pour objet la production de sens, mais la production d’affects ». R. Odin, « Du spectateur fonctionnalisant au nouveau spectateur », dans Iris, no 8, 1988, p. 134. Ou encore R. Odin, « La question du public. Approche sémio-pragmatique », dans Réseaux, no 99, Cinéma et réception, CNET/Hermès Science Publications, 2000, p. 67-68.

[11] Infirmités spectaculaires De l’usage pragmatique de la figure du handicap au cinéma http://www.erudit.org/revue/pr/2002/v30/n1/006697ar.html?vue=resume

 4 Sur fichier PDF : « Hélène Thomas Vulnérabilité, fragilité, précarité, résilience, etc. De l’usage et de la traduction de notions éponges en sciences de l’homme et de la vie »

[13] Foucault, M. (1997) : Il faut défendre la société. Cours au collège de France (1975-1977), Paris Hautes Etudes, Gallimard/Seuil.


Mise en ligne, 1 mars 2014.

Queeriser le corps : pratiques des féministes arabes

Roa’a Gharaibeh
Doctorante à l’Université de Bordeaux en sociologie

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Auteure de « Penser les expériences de subjectivation féministe dans les sociétés arabes » (revue Diversité n°165) et de « Éléments pour déconstruire les normes féministes eurocentriques » in Aux frontières du genre » (l’Harmattan, 2012)


Queeriser le corps :
pratiques des féministes arabes

 

Dans cet article, il s’agit de mettre en lumière des pratiques corporelles de féministes arabes, c’est à dire des pratiques qui tendraient à queeriser ce corps. Ces pratiques requalifient, repensent et redessinent des nouvelles zones queers. Cet article est une partie de ma thèse doctorat. J’y examine l’hypothèse d’une présence importante des pratiques queers dans trois sociétés arabes ; la Jordanie, l’Égypte et le Liban, comme des pratiques de liberté[1]. D’ailleurs, au-delà des pratiques queers, il existe une forte revendication du renouveau politique et féministe.  En revanche, il n’y a pas que les féministes qui queerisent le corps dans les sociétés arabes, mais aussi d’autres personnes qui ne se qualifient pas forcement en tant que féministes. Alors, queeriser le corps dans ces sociétés devient une pratique qui provient d’une capacité d’agir subversive contre un arsenal de l’ordre des genres préétablis par une spécificité discursive d’un patriarcat arabe.

Du queer Theory aux pratiques queers situées : l’exemple des féministes arabes

L’histoire du mot queer se trouve dans le renversement de stigmate. Pour Maud-Yeuse Thomas, « Surgissant d’une discrimination sociétale organisant le clivage majorité/minorité, le queer agit dans un retournement d’une insulte en fierté, d’individus discriminés en socialités, identités, propositions théoriques et pratiques. » Le queer est d’abord un instant de réappropriation de l’insulte (« pédé » « bizarre »). En ce sens il est un outil de résistance. Puis il devient un espace de déconstruction des allants de soi producteurs de hiérarchies, d’inégalités, d’invisibilités et d’empêchements. L’hétérosexualité n’est plus le « neutre », « normal » donc « naturel ». Et l’homosexualité n’est plus le malsain ou l’anormal.

En renversant les hiérarchies sexuelles on entend en souligner la contingence. Le queer est donc un lieu de résistance pratique et théorique qui met à jour des leviers de requalification identitaires, individuels et collectifs. L’insulte inaugure une nouvelle capacité d’agir, qui s’inscrit dans une zone du savoir féministe du sujet. Mais le queer ne se contente pas d’imposer une critique des dispositifs hétéronormatifs (avec notamment la critique du placard ou du coming out par Eve Kosofsky Sedgwick). Le queer est aussi un moment de dérégulation du système sexe-genre. Le féminisme (avec le programme beauvoirien par exemple), comme la psychologie d’ailleurs (avec R. Stoller) sont parvenus à différencier sexe et genre. Mais dans une logique toute particulière puisqu’elle reprenait, certes en les séquençant, les étapes de l’équation sexe=genre. C’est-à-dire qu’à un sexe correspondait un genre. L’homme est masculin et la femme féminine. Or, depuis Térésa de Lauretis et son concept de « technologie de genre » on est en mesure d’appréhender la notion de « sexe » non plus comme une donnée atemporelle qui précéderait, en tant que fait de nature, le genre mais plutôt comme une construction sociale issue des dispositifs de genre c’est-à-dire encore comme « un ensemble d’effets produits dans les corps ». Judith Butler souligne l’aspect inextricable du système sexe-genre et la nécessité d’un dépassement : « en réalité, nous dit-elle, peut-être que le sexe est-il toujours déjà du genre et, par conséquent, il n’y aurait plus vraiment de distinction entre les deux ». 

Le sexe comme « technologie de genre » nécessite donc que l’on se situe du côté de la déconstruction de cet appareil sémiologique, de cette construction de représentation, assignant au corps sexué des aspects invariants. La dérégulation du système sexe-genre pourrait alors se formuler de la sorte : le genre précède le sexe. En tant qu’outil de la déconstruction, le queer inaugure une ère dans laquelle l’individu devient au centre des préoccupations. Les théories surplombantes sont forcées de manière à laisser entendre les subalternes, les outsiders, les minorités, les bizarres, les « queer ». C’est la différence faite entre la matérialité du corps et ses capacités discursives, il faut dire aussi performatives et performantes,  (c’est cette différenciation) qui ouvrent grand les portes de des « accouplements fertiles » et des « expérimentations » corporelles et identitaires. Le sexe devient alors une prothèse : il n’est pas dévoilement (« c’est un garçon, c’est une fille ») mais il est sexdesign selon Preciado. Dans son manifeste contra-sexuel, le gode va permettre à Beatriz Preciado de réaliser un processus de dénaturalisation du sexe et des sexualités.

 

Au total, et c’est peut-être ce qui caractérise le plus les espaces de discours et de pratiques queer est le nomadisme, il est anti-assimilationniste, il résiste à la normalisation, dans un mouvement continuel de production d’identités et dans un jeu d’identifications mettant à mal l’identique. Si le queer n’est jamais identité mais identifications, il est légitime de voir comment ces identifications se travaillent dans mes trois terrains de recherche. Il semble que le mot queer  ne soit pas exclusif d’un travail du renversement des stigmates dans les sociétés occidentales, mais aussi une capacité d’agir, de renverser le stigmate, de l’imposition hétéronormative et du genre hétéronormatif du genre dans les sociétés arabes.

Commençons par le mot queer lui-même. En arabe, le mot « shath » est l’équivalent du queer comme bizarre et anormal, toujours dans la représentation collective des normes hétérosexuelles. Shath est la forme linguistique du bizarre au masculin. Le féminin du mot queer en arabe est  shatha

Il me semble que la méthode la plus pertinente pour appréhender la question de pratiques de liberté, concernant le corps par les féministes arabes, passe par la subjectivation. En effet, sans celle-ci, il ne serait pas possible de comprendre comment le queer provient d’une capacité d’agir subversive. C’est-à-dire une arme contre un arsenal hétérosexuel qui placerait le corps dans une seule dimension, celle des sexualités reproductives et hétérosexuel.le.s.

« les processus de subjectivation […] désignent l’opération par laquelle des individus ou des communautés se constituent comme sujets, en marge des savoirs constitués et des pouvoirs établis, quitte à donner lieu à de nouveaux savoirs et pouvoirs ».

À travers l’analyse de la subjectivation, il est intéressant de voir comment cette capacité d’agir féministe, exerce non seulement des critiques cruciales pour déranger les rapports du genre mis en place dans les trois contextes d’étude, mais aussi, créent des nouvelles zones féministes dans lesquelles puiser des savoirs féministes subversifs. Par des pratiques de liberté concernant le corps, il m’a été possible de comprendre que le queer n’est pas seulement une pratique, ou des pratiques, mais aussi une critique.

« Je suis pour que chaque personne vive son corps comme elle veut. J’en ai marre de placer les tabous de la société jordanienne comme des obstacles insurmontables. Ce n’est pas parce que je suis mariée que je me prive des plaisirs sexuels que je n’ai pas pu avoir avec mon mari. Je n’ai jamais aimé les relations monogames. Je suis partisane de la pluralité des plaisirs et des relations. Je suis pour que les femmes puissent avoir plusieurs hommes. Il en va de même pour les homosexuel.les, non seulement je suis pour qu’ils soient complètement libres dans leurs relations, mais aussi pour que l’on arrête de parler de l’ordre naturel. Pour moi, et justement car il y a des ordres qu’il faut  les casser» Lala, 34 ans, féministe jordanienne.

Dans cette citation, il semble captivant de voir comment cette féministe déploie des mots différents. Elle n’est pas adhérente dans un groupe ou association féministe. Toutefois, sa critique vise les discours hégémoniques qui prônent un ordre naturel des relations sexuelles. Ceci exigeant la déconstruction de cet ordre. Elle évoque le plaisir comme une préoccupation personnelle. Ainsi, elle aborde la pluralité des relations dans une perspective de varier les plaisirs. Ceci me permet de penser ce discours en tant que queer

Effectivement, dans cet article, il n’est pas lieu de penser le queer comme une non catégorie intellectuellement parlant, mais comme des zones où les discours queers prennent place dans les trajectoires de vie des personnes qui arrivent à queeriser ce corps.

Cadre : Du  queer jordanien 

J’ai grandi dans une maison très traditionnelle et très conservatrice avec trois frères. On a perdu notre père pendant la guerre du Golfe de 1990. En fait on vivait au Koweït. Ensuite, on est revenu vivre en Jordanie. Ma mère faisait le rôle du père et de la mère, s’il faut parler des rôles. Et moi, je faisais toutes les tâches ménagères, vu que ma mère a commencé à travailler. En fait quand on était au Koweït, on avait une femme de ménage. Pour rigoler maintenant, je dis qu’on l’a remplacé par moi, en revenant en Jordanie. À la fin de mes journées entre l’école et les tâches ménagères, je me posais souvent la question, pourquoi je suis en train de faire tout ce que je suis en train de faire, pour avoir même pas le quart des privilèges que mes trois frères avaient. En plus j’ai vécu la discrimination de genre de plus près, quand on est revenu en Jordanie, mes trois frères étaient scolarisés dans une école privée, donc plus d’investissement d’argent dans leurs études, et moi dans une école publique. Ensuite, tous mes frères sont partis faire leurs études à l’étranger et on me l’avait interdit pour moi. Le pire m’est arrivé lors de la distribution de l’héritage de mon père. Pour moi, je n’étais pas moins un de ses enfants car j’étais une fille. Pourtant, s’est passé comme ça. Je n’ai eu que la moitié de ce que mes frères ont eu. Est-ce que je l’aimais moins d’eux, ou est-ce qu’il m’aimait moins d’eux ? 

Avec ma mère, le rapport est devenu super difficile après la mort de mon père. En effet, on exerçait le même rôle. Cependant, nous n’avions pas les mêmes privilèges. Mais il faut savoir que j’ai brisé beaucoup de tabous après ma sortie à la fac. Et ma mère a beau essayé de faire de moi une fille bonne à marier, elle n’a pas réussi. À ce moment là, j’ai décidé de ne plus faire les tâches ménagères, ni la cuisine. C’est ainsi que j’ai refusé toute forme de l’autorité familiale de ma mère et mes frères. Ensuite quand j’ai eu 28 ans, j’ai imposé à ma mère et mes frères mon envie de vivre seule dans un appartement, tout en sachant que je suis devenue complètement indépendante. Au début ma mère a essayé de me faire du chantage affectif, et de me dire qu’elle avait besoin de moi. J’ai un frère avec lequel j’ai décidé de rompre complètement notre rapport fraternel. En fait, il s’est permis de me frapper, quand j’ai annoncé ma décision d’aller vivre seule.  Mais je suis partie vivre seule. Il faut que je te raconte comment j’ai perdu ma virginité. D’ailleurs, je ne l’ai pas perdu, j’ai gagné du plaisir. Je l’ai fait moi-même aux toilettes, et contrairement à tous ce que les gens disent, je n’ai pas eu mal et je n’ai même pas saigné. C’est des grosses conneries les trucs d’honneur etc. Par mon expérience j’ai désappris plein de choses. Non seulement j’ai vécu seule, mais j’ai aussi annoncé par mail (car ils sont à l’étranger) à mes deux autres frères que je ne suis pas vierge et je suis lesbienne.

J’ai désappris ce que ma mère a essayé de m’apprendre, et surtout en rapport à mon rapport avec mon corps et la sexualité. En fait, elle me disait souvent qu’une fille doit attendre qu’un homme vienne la demander en mariage. Ensuite, elle ne doit jamais lui montrer qu’elle a envie de sexe. Et que les filles attendent que les hommes arrivent pour leur faire l’amour. Non, moi j’ai construit mes sexualités différemment. Je vis plein de relations avec des personnes différentes, dans des lieux différents et avec des méthodes différentes. La pénétration n’est pas la seule façon d’avoir un plaisir.

Je peux paraître très radicale, mais si les choses revenaient à moi, je déflorerais toutes les filles à la naissance. Peut-être c’est ainsi que l’on arrêterait de parler d’honneur lié à un bout, des fois inexistant.

Si les gens me désignent comme « pute » juste parce que je suis sexuellement active, qu’ils le fassent. D’ailleurs, je préfère que tout le monde soit désigné comme « pute », si cela les ramène vers leurs plaisirs.

Rien qu’entendre le mot engagement, je m’étouffe, et aussi le mot monogame. J’ai besoin et envie  de continuer d’être indépendante et libre. J’ai désappris aussi le rapport que l’on fait souvent entre l’amour et le sexe. Non, maintenant, je suis capable de coucher avec quelqu’un sans pour autant d’être amoureuse d’elle.

Quand les gens me demandent comment c’était mon coming out, je rigole, car ils attendent toujours d’entendre de ma part, de la souffrance et de la galère. Et ben non, je n’ai pas réfléchis à la religion et je m’en contrefous. Je n’aime pas les labels, hétérosexuelles, lesbiennes ou autres. Pour moi, déclarer que je suis queer n’est pas dans un ordre identitaire. C’est de l’ordre du plaisir. Je vis pleinement des plaisirs intenses et je m’en réjouis tous les jours. Après tout, je suis contente et fière de ce que je suis maintenant. Que l’on m’appelle comme « shatha » non seulement ne me dérange pas, mais je le revendique avec fierté. Leena, 32 ans. Féministe jordanienne.

Dans ce récit, il est intéressant de voir comment le mot shatha est important pour renverser le stigmate, non seulement comme prise de position, mais aussi comme une fierté. À l’origine ce mot signifiait ce qui anormal, insolite et pervers. Ainsi, nous pouvons penser la revendication de ce mot dans les contextes arabes et dans une perspective queer. Il en va de soi, et comme cette féministe l’énonce, le queer n’est pas seulement une identification mais plutôt une pratique.

Dans le récit de cette féministe, il est saillant de penser son expérience de subjectivation féministe, et les conflits qu’elle a vécus avec sa famille, selon l’approche foucaldienne[8]. Certes, ces conflits étaient violents. Mais, il semble que sa capacité d’agir fut productive. En effet, avec le refus de prendre en charge des tâches ménagères qui lui étaient imposées, l’envie de vivre seule, ainsi que d’annoncer son homosexualité et de ne pas être vierge, cette féministe déployait sans cesse une capacité d’agir qui lui était propre et qui faisait face à toutes ces conflictualités. D’autant plus, qu’il est remarquable de lire la répétition de mot plaisir dans son récit.

Non seulement, elle se soucie d’elle-même, mais aussi, elle se soucie de son corps et du plaisir que son corps peut lui procurer. En ce sens, il n’est pas juste pertinent de penser ses pratiques en tant que pratiques de liberté, mais aussi en tant que moyens déployés pour se maîtriser. Passer par toute une opération de désapprentissage fait partie des pratiques de liberté. C’est ainsi que le concept de carrière de Becker me semble tout à fait en adéquation avec les expériences de subjectivation féministe. Cette pratique de liberté par le désapprentissage, même s’il est perçu comme pratique déviante, reste  tout de même une pratique de liberté. Tout au long de sa « carrière féministe »  cette féministe ne cesse de pratiquer une déviance car elle ne se conforme pas aux normes imposées de genre et de sexualité. Dans cette optique, le désapprentissage de tout un arsenal de normes qui construit une seule et unique forme de sexualité, est productif. En revanche, et toujours selon l’approche beckerienne, il me semble pertinent de rappeler que les féministes s’impliquent dans des trajectoires déviantes. Autrement dit, que ces carrières transgressent les normes hétérosexuelles.

Cadre : De la subjectivation féministe matérialiste au Liban : le queer comme capacité d’agir subversive

 Je dis que je suis féministe, car c’est un besoin. Je pense que je suis féministe car je veux que l’on ait toutes et tous, nos droits de base, qui sont nos droits de disposer de nos corps. Et si nous revenons  vers  l’idée de départ de toute l’oppression envers les femmes, on y trouve le corps au milieu de cette raison d’oppression. Les hommes politiques, religieux et les business men, travaillent pour reproduire l’oppression. Dans ces nouvelles formes, si l’on prend soit le voilement, soit le dénudement, on trouve ces hommes là à l’origine de mettre les corps des femmes comme objet.

Mes parents appartiennent et croient à leur confession. Ils sont très simples.  En fait, on n’avait pas une grande bibliothèque à la maison, je cherchais seule à comprendre et à m’informer. J’étais enfermée dans cet environnement, dans une école à coté de la maison, et avec des parents assez traditionalistes dans leurs discours.

Regarde même l’idée de la famille, elle est au fond, un produit capitaliste dans sa forme actuelle. Car la famille se fonde sur la consommation de base. C’est ainsi, que l’on se trouve avec la guerre contre les gays et les queers. Parce que ces derniers menacent cette forme de capitalisme familial.  Je suis contre toute forme du mariage, et même les féministes qui n’ont pas de problème avec le mariage, je ne peux pas m’entendre avec elles. Car si je veux vraiment lutter contre la structure patriarcale il faut lutter contre la structure patriarcale capitaliste de la famille. C’est aussi pour cette raison que je suis contre le mariage des gays. Car ceux et celles qui veulent se marier, veulent se conformer pour moi avec la structure familiale capitaliste et patriarcale. Et si tu regardes bien au Liban, ceux qui sont pour le mariage des gays, sont issus des classes supérieures. Tout est lié.

Ce qui me rend furieuse, c’est que les premiers mouvements féministes n’ont pas parlé de la sexualité et droit de disposer de son corps. Ces féministes, et en prenant le contexte de respecter le contexte arabe, n’ont pas abordé ces problématiques. Ce qui pour moi une faute grave. Cela nous a conduit à une confrontation avec deux discours. Soit un discours trop populaire pour sensibiliser le plus du monde à la cause « des droits des femmes », soit un discours élitiste et capitaliste. Par conséquence, je ne m’y trouve pas ni dans l’un ni dans l’autre.

Si tu veux, plein de journalistes étrangers viennent au Liban, et surtout à Beyrouth. Ils vont dans les bars « chic » et dans les quartiers les plus riches, et ils écrivent de la liberté des libanais.e.s. Je ne comprends pas comment cette image brillante de notre société peut circuler, tout en sachant qu’ils n’ont pas été dans les quartiers où les codes d’usage du corps sont strictement appliqués. Ils ne vont pas à Sayda, ni dans al-dahiyyé, et ils se permettent de dire que les femmes libanaises se disposent de leurs corps. Être féministe pour moi, c’est de penser toutes les relations complexes qui existent dans ma société à travers mon féminisme. C’est de lier la cause féministe, avec la lutte des classe, et la lutte contre le paradigme politico-religiux. La discrimination faite contre les femmes s’inscrit dans la même lignée de la discrimination contre les gays, et les travailleurs et travailleuses étrangères.

Mes parents critiquaient souvent mon apparence physique. Ils n’ont jamais aimé ma coupe de cheveux et mes pantalons. La lutte avec eux, ce n’était pas tous les jours, mais toutes les secondes. Et je suis contente que j’ai tenu jusqu’au bout pour m’affirmer en tant que différente d’eux quand à mon rapport à mon corps, c’est mon corps et non pas le leur. Hier lors de la soirée que tu as assisté, (me parlant), c’était la première fois de ma vie à porter une robe. Et j’ai été vraiment étonnée de la réaction sexiste au sein d’une association LGBT. Par exemple, il y en a qui m’ont dit que je devrais toujours porter une robe, et d’autres qui m’ont approché différemment. Pourquoi je devrais toujours porter une robe ? Je leur ai répondu qu’ils sont homophobes.

Mes pratiques sexuelles changent avec ma pensée. En fait, avec l’évolution de ma pensée. C’est juste maintenant que je peux dire que mes pratiques sexuelles sont vraiment un choix. C’est mon choix de cumuler le plus du plaisir de mon corps.

Même dans cette association LGBT, je me pose la question, si un homme accepte de se faire prendre (elle a utilisé le mot se faire niquer), j’accepterais d’entreprendre un rapport sexuel avec lui. En revanche, celui qui met une barrière sur une zone précise de son corps, n’aurait en aucun moment l’occasion de me prendre par cette zone. Pour moi, il n’y a pas de libération ultime, mais je vis tous les jours un peu plus libre, dans ma tête et dans mon corps. Et surtout plus du plaisir dans ma vie de tous les jours, c’est pour cela que je te dis que je suis contre les féministes de tout ou du rien.

Oui je suis bizarre et hors norme, et fière de l’être. Je suis heureuse de ne pas me conformer au paradigme politique, religieux, social et capitaliste de la norme hétérosexuelle. Je suis queer anti-capitaliste et de la classe ouvrière.

Il semble qu’une de mes luttes les plus importantes, se trouve dans ma lutte pour avoir mon corps à moi. Entre les chirurgies esthétiques (je peux dire les chirurgies qui rendent les femmes moches) et les publicités qui exigent une minceur effrayante pour se croire belle, on s’éloigne de plus en plus de la lutte pour disposer de son corps. Les publicités sont non seulement provocantes mais aussi indécentes. Je te donne un exemple, on trouve une grande affiche sur l’autoroute, qui montre un homme qui tient une femme par ses cheveux, et sur son bras à lui, c’est écrit « est-ce que tu le regrettes ? », en fait, cette publicité est pour un magasin qui fait et défait des tatouages. Le message que cette publicité m’envoie, c’est que la violence de cet homme peut être effacée juste par le fait d’effacer son tatouage. Tu imagines comment ce message est horrible à voir. Et on parle encore de la liberté sexuelle des femmes libanaises. Je ne fais pas l’amalgame entre une femme qui se fait frapper pour qu’elle mette le voile, et celle qui fait de botox pour gonfler ses lèvres. Mais toutes les deux se croient si l’on parle de l’absence d’une disposition du corps à soi en tant que femme. Ici, on peut parler d’une oppression directe dans le cas de femmes qui sont obligées à mettre le voile, et d’une oppression indirecte dans le cas de femmes qui payent pour gonfler leurs lèvres. Je suis contre toute forme de relation monogame. Pour moi, les relations qui sacralisent la forme hétéropatriarcale, sont des relations contre ma pensée. En effet, elles ne peuvent pas dépasser le principe d’exclusivité et de possession. Si tu veux, je ne peux pas faire la séparation entre ma pensée et mes pratiques concernant mon corps.

Écoute, pour Joumana Hadad, qui prêche le féminisme et les droits des femmes d’avoir une sexualité libre, et qui prétend briser des tabous, elle fait cela dans un cercle trop fermé. Et regarde où est ce qu’elle fait ses conférences, dans des lieux bourgeois. Là, où des féministes, et des jeunes personnes cherchent à comprendre et d’être informés sur ces sujets, ne peuvent pas y accéder. Féministe libanaise

Dans ce récit, on trouve une illustration cruciale d’une expérience subjective du « vivre queer », en tant que lutte contre l’hétérosexualité comme normes sociales, mais aussi contre une politique capitaliste. De plus, ce qui m’intéresse en particulier dans ce récit c’est le fait que cette féministe n’appartient pas à une classe supérieure. À contrario, elle s’identifie elle-même en tant que queer de la classe ouvrière. C’est ainsi que mon analyse démontre la particularité du contexte libanais. D’un côté les féministes queerisent les pratiques de liberté dans leur contexte. Ceci confirme mon hypothèse des expériences de subjectivation féministe comme pratiques de liberté. Elles en viennent même par ces pratiques, à critiquer l’inertie des premières féministes libanaises, et à  revendiquer le droit de disposer son corps. De l’autre côté,  devenir féministe au Liban n’est pas un luxe exclusif aux femmes-féministes issues la classe supérieure. Aussi, le queer comme pratique, n’est plus exclusif à des personnes appartenant aux classes supérieures.

Du queer dans les pratiques de liberté : internet comme nouvelle zone du queer arabe

Il s’agit dans cette deuxième partie de montrer d’autres figures qui queerisent le corps dans les sociétés arabes. Celles-ci s’inscrivent dans une logique d’action qui prend l’internet comme dispositif et qui permet de critiquer, requalifier et s’identifier autrement que par des représentations collectives. Ici, l’importance de ces pratiques dans les médiacultures, débute avec les indignations dans les sociétés arabes. En revanche, et par l’étude des récits féministes depuis 2008, il convient de penser ces pratiques en tant que dispositifs existants avant le début des indignations.

« J’ai crée un blog pour parler de l’histoire des boites. La première arrive à l’arrivée sur cette terre, c’est la boite génitale, tu es fille ou garçon. La deuxième, tu as des cheveux longs, donc tu es forcement une fille, donc il faudrait apprendre à mettre des talons et des jupes etc. La troisième, il faut se marier et faire des enfants. Et dans ces boites il y a encore des boites, dans la boite du mariage il y a la boite de la virginité. Et après toute cette mise en boite, je m’étouffe. Donc, j’ai décidé d’exister en dehors de ces boîte». Maya, 26, Féministe libanaise.

Cette féministe a crée son blog en 2009, dans lequel elle partageait des idées, des anecdotes et des constats quotidiens de la vie libanaise. Dans la phrase que je souligne il me semble logique d’analyser le refus de l’histoire des cases  et la volonté et l’envie de vivre en dehors des ces boîtes, en tant que pratique de liberté. En effet, c’en est une dans un espace ouvert, celui de l’internet. La critique des cases, elle-même, est une pratique queer.

D’autres exemples nous sont offerts pour parler de pratiques de liberté numériques. Il me semble pertinent de mettre en exergue quelques uns qui sont en lien avec les discours des féministes arabes. Par exemple, la revue en ligne « Behsoos ». Cette revue queer et arabe contient des éléments de subversion intéressants. Sur le sujet de la virginité, pour n’en prendre qu’un parmi d’autres, une définition nouvelle y apparaît :

« Selon le dictionnaire de notre contexte. Al-bakara ; al- ‘othra chez une fille ; l’hymen. Al-‘othra signifie la fabrication d’une fille des excuses, dans cette société moisie pour pratiquer son droit naturel de pratiquer sa sexualité sans excuses. En effet, elle dirait qu’elle est follement amoureuse de cet homme et que certainement ils vont se marier. C’est aussi, quand une fille fabrique des excuses au près de ses parents pour qu’ils la laissent sortir pour qu’elle perdre sa virginité cette nuit même. al-‘othra veut dire aussi de refuser d’avancer des excuses de la par d’une fille pour qu’elle puisse pratiquer sa sexualité comme elle le veut.

En revanche, l’hymen signifie que c’est un ahbal, qui croit pouvoir connaître le passé d’une fille et son « innocence » par l’ouverture ou la fermeture de l’hymen. Bref, tout cela pour dire que la fille peut prendre l’homme hanté par l’hymen comme un imbécile. En fait elle peut faire refaire son hymen. C’est ainsi qu’elle récupère sa virginité. Une virginité nouvelle et fraiche. Et l’imbécile va croire et va se reposer avec son patriarcat » .

Pour bien comprendre la critique faite dans cet écrit, une traduction des mots soulignés est indispensable. En fait le mot al-bakara veut dire en arabe, vierge. Être une bikir, signifie d’être une personne sans pratique sexuelle. Aussi, cela signifie l’aîné.e. de la famille. Ensuite, quand cette personne déploie le mot « ‘othra », elle joue avec ce mot. En fait, la racine en arabe de mot virginité, ‘othriyya, et le mot excuse i’tithar, se ressemble. C’est ainsi qu’elle fait un rapprochement entre la virginité et les excuses qu’elles doivent se faire pour excuser tout ce qui dans l’ordre d’une pratique sexuelle. Le mot ahbal est souvent déployé pour qualifier quelqu’un d’imbécile.

Dans cette optique, il semble que l’outil numérique n’est pas seulement un espace sans contrôle dans lequel les personnes s’expriment librement, mais aussi un espace par lequel des critiques, des positionnements et des idées circulent, qui s’approchent des critiques queers. Toutefois, il est important de souligner une idée évoquée dans cet écrit : refaire une virginité n’est pas seulement une pratique répandue mais aussi une pratique pensée comme une manipulation. Car la personne qui croit qu’une fille est vierge juste par un saignement lors du rapport sexuel, est pris comme un « imbécile ».

Cette définition, qui sort du « normal social » à propos de la virginité, est elle-même aussi, une queerisation. D’ailleurs, dans les pratiques qui queerisent le corps, il me semble judicieux de passer aussi par les tentatives de redéfinitions dans la langue arabe. Et justement, par cette redéfinition de la virginité, qui est plutôt une critique cynique, ce magazine queer arabe, arrive à déranger une norme patriarcale. 

La pratique de blogs est une pratique que l’on place dans une optique « glocalisée » d’une stratégie d’action de la prise de parole isolée. Toutefois, il est intéressant de voir comment dans cette prise de parole sur internet, les problématiques qui concernent la liberté des individus, n’est pas juste une problématique qui hante les féministes mais aussi d’autres personnes et surtout des hommes. Ces derniers font des blogs et parlent de l’absence de cette liberté dans leurs contextes. Ce faisant, ils ne critiquent pas seulement cette absence, mais ils en donnent des réflexions pour comprendre comment leurs contextes ne leurs donnent pas cette liberté d’individu comme droit d’être humain. Ce qui est aussi captivant, s’articule entre la prise de parole sur internet et le moment de publier sur internet. Ici, on ne peut appréhender cette multiplicité des pratiques de prise de parole qu’en tant de résistance incessante contre les obstacles qui entravent non seulement les individus, mais aussi leurs réflexions.

Pour donner un exemple de cette prise de parole glocalisée, il convient d’évoquer ce que Fadi Zaghmout a fait de son blog. Il déploie cet outil universel pour en parler de ces pratiques de souci de soi. En effet, Fadi Zaghmout, repense la fonction de la circoncision dans son blog le 23.mai.2006.

« Finalement, j’ai regardé entre mes jambes, c’est ainsi que les mots de Dr. Nawal al-Sa’dawi, que j’ai entendu il y a quelques jours, m’ont revenus à l’esprit. La circoncision n’est pas nécessaire. Ils n’avaient pas besoin de me circoncire. J’ai soudainement réalisé qu’une part de la production de la nature est absente. N’est pas entier. Une part de ma flèche a été coupée quand j’étais enfant, sans me le demander. Personne n’a pris mon avis. Je me suis senti trahit. Je veux la part manquante de ma flèche. Je veux la version complète de l’oeuvre de la nature. Quelques fois, tu es amené à prendre en compte des faits de la vie que tu n’as jamais pensé. Je savais que j’étais circoncit, mais je n’ai jamais pensé que cela veut dire que je suis avec un corps altéré de sa version naturelle du départ ».

À travers cet exemple, on soulignera la prise de parole dans la subjectivation masculine, comme un acte de critique d’une pratique soit disant sociale et traditionnelle. Ainsi, la construction du soi, est appréhendée dans une optique des pratiques de liberté, par le souci de soi. En effet, cette personne qui se dit homme, se souci de lui-même, dans la perspective de se maîtriser. Par la lecture de ce passage, soulignons  les mots qui ont été déployé, dans l’optique du souci de soi. Dans cette critique de la circoncision, il semble que le fait que l’on ne lui demande pas son avis, ou de ne pas lui demander que l’on pratique la circoncision sur son corps est problématique. En fait, il ne fait pas seulement une critique de cette pratique, mais aussi une critique  « de la matrice » de cette pratique. Ne pas lui demander son avis, semble envoyer à l’idée de chosification de la personne. En outre, non seulement on lui a coupé une part de sa flèche, comme il le dit, mais aussi, ils ont falsifié son corps.

Cette personne a continué et continue encore à pratiquer la prise de parole sur internet. Il a nommé son blog « The Arab observer ». Il a publié récemment un roman qui s’intitule de « ʼaroos Amman », qui veut dire la mariée d’Amman. Fadi dit avoir écrit ce roman du point de vue féministe.  « Quand j’ai écrit ce livre, je voulais être une réelle réflexion de l’état de la société qui m’entoure. Ce, en mettant l’accent sur les problématiques par une perspective féministe »..

Dans ce roman Fadi traite de quatre cas de figures dans la société jordanienne. En fait, pour lui, ces cas de figures illustrent l’obsession sociétale du mariage. Le premier cas discute de la condition d’une fille qui ne s’est pas mariée, et qui est arrivée à certain âge auquel ses chances de mariage diminuent. Le deuxième parle d’une fille qui a subit le viol par son père pendant des années. Elle ne peut pas se marier sachant qu’elle n’est plus vierge. Le troisième met en lumière la problématique du mariage inter-religieux dans la société jordanienne. En effet, c’est le cas d’une fille chrétienne qui tombe amoureuse d’un musulman. Enfin, le quatrième cas discute de la condition de l’homosexualité en Jordanie. Ou comment, par le refus de la société, les homosexuel.les se plient des fois à cette obsession du mariage. En effet, ils /elles essayent de rentrer dans le cadre du mariage, afin de se faire une sorte d’intégration.

Par les déboitements faits au cours de ce roman, l’écrivain critique aussi le paradigme d’honneur. Et par cette critique, il suggère de nouvelles façons pour réinterroger le concept d’honneur lui-même et la mentalité d’honneur, qui se reproduit par l’acte de tuer une personne au nom de l’honneur. Ce qui est encore plus intéressant dans son travail se trouve dans la coopération qui a été faite avec un autre groupe de personnes qui ont crée une page sur internet, pour dénoncer les crimes d’honneur. Cette page s’appelle « Il n’y a pas d’honneur dans les crimes d’honneur [16]».

Dans ce roman, Fadi redéfinit l’honneur. « L’honneur est vulnérable. Il est cassable. Toutefois, il est souple, il se module comme une pâte. Le mâle le tire comme il veut, comme un outil pour faciliter le contrôle sur les femelles. Par cet honneur le mâle impose le code vestimentaire, le code de la démarche et les horaires de sortie. Ainsi, ils imposent les choix des amitiés masculine te féminine ».

D’ailleurs, les formes de prise de parole par des dispositifs de médiacultures, sont sans cesse en lien avec des autres pratiques de liberté et de prise de parole dans les trois contextes. C’est par cet espace de prise de parole que l’on arrive à comprendre toutes les transformations dans les trois sociétés arabes. On y trouve aussi un magazine gay en Jordanie. Cette pratique ne pouvait pas être envisageable sans une capacité d’agir subversive. 

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Une autre figure est importante pour appréhender les pratiques masculines qui queerisent le corps Kareem Amer, est un blogueur depuis 2004. Sur son blog on y trouve une présentation de lui-même. Dans cette présentation il est captivant de penser ses paroles, et sa prise de parole par son blog, comme une pratique de liberté.

« je suis un être humain, peut-être un peu différent. Parce que je n’accepte pas les valeurs superficielles. Je refuse la transformation des personnes en troupeaux qui se suivent sans avoir un objectif. Mon objectif est de déconstruire et ensuite de reconstruire ma société. La liberté est la valeur la plus sacrée. Elle l’est plus que les valeurs religieuses et les mythes divins. Je ne sacralise dans cette vie que l’être humain… L’écriture est ma passion. Elle n’a pas de limite. L’écriture est mon outil de créer mon monde, que je ne permets à personne d’envahir. Je n’écris pas pour que l’on me lise, j’écris pour affirmer mon existence».  

Il me semble que cette figure soit importante quand nous revenons vers la trajectoire de Kareem. Il a suivi ses études dans l’Université d’al-Azhar, qui est la plus grande institution religieuse musulmane en Égypte. Kareem a été emprisonné de 2007 jusqu’à 2010. Le motif de cet emprisonnement ? Son blog  Il a été suivi par al-Azhar, pour une diffamation contre l’islam. De plus, il avait aussi critiqué le régime de Moubarak. Kareem a écrit en 2006 sur son blog :

« Je suis libéral. Je crois en la liberté absolue pour toute personne, individu. Je crois que l’individu est le dieu de lui-même. Personne n’a le doit de lui imposer quel qu’il soit. Je suis laïque et je pense que c’est une nécessité de séparer rentre les croyances et la vie publique. Je ne suis pas contre les croyants, tant que leurs croyances à leur dieu, restent une affaire de l’ordre du privé. Je refuse tous les régimes corrompus et oppresseurs comme je peux. Notamment, le régime corrompu en Égypte. Ce dernier est devenu un idéal d’oppression et de corruption ».

Ce qui est captivant dans l’expérience de subjectivation masculine, comme je l’ai évoqué dans le cas de Fadi, se concrétise par une prise de parole qui s’est déplacée, du cadre isolé au cadre collectif. Conjointement, ces deux hommes ont fait ce que les féministes rencontrées font. Un travail qui relève d’un processus de subjectivation afin de se construire en tant que personne se plaçant hors du cadre patriarcal. Ce faisant, ils le déconstruisent, et par conséquent, ils le reconstruisent en le dérangeant.  

Fadi a coopéré avec la campagne de « Il n’ y a pas d’honneur dans les crimes d’honneur », Kareem a composé avec sa copine des écrits sur leur blogs respectifs.  Ce qui est essentiel dans la figure de sa copine, se trouve dans l’acte performatif de cette jeune fille. En fait, elle est Alia Al-madhi https://www.facebook.com/aliaaelmahdy. Celle que son acte de diffuser ses photos nues sur son blog a suscité beaucoup de réactions. D’ailleurs, cette figure n’a que 21 ans. Kareem a 28 ans. Ils étaient tous les deux dans le mouvement culturel égyptien revendiquant à voix haute la liberté. Elle a trois blogs sur internet.

 

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L’acte de poser nue est certainement très important. En revanche, ce qui est encore plus important se trouve dans les réactions queers qui ont suivi l’acte de poser nue. En fait, cette jeune fille avait publié ses photos sur son blog avec un appel aux hommes de se voiler. Pour elle, si les hommes se voilaient, ils briseraient la limite qui consistait à penser le voile comme un marquer de distinction entre les corps  des hommes et des femmes. Par conséquent, le voile ne serait plus un signe de soumission des femmes aux hommes.

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Un autre élément quant à ces pratiques queers se trouve dans une sorte de queeriser du corps dans des pratiques transnationales. En effet, les images de ces deux hommes voilés suite à l’appel d’Alia al-Mahdi se croisent avec l’événement survenu à l’université libre de Bruxelles, lors d’un débat sur l’extreme droite en Europe, en présence de la journaliste française qui se dit féministe, Caroline Fourest. En effet, Souhail Chicha, économiste et chercheur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), foulard sur la tête, descend à la tribune et prend la parole : « Nous disons à cette Université que Bruxelles ne veut pas de la musulmanophobie. » désignant ainsi la journaliste et par la même sa position sur le voile qu’elle considère comme un outil d’oppression sur les femmes par les hommes.

Conclusion : Queeriser le corps : dépasser les frontières

Au delà des pratiques de liberté qui tentent à queeriser le corps dans les trois sociétés arabes, que j’ai traité tout au long de cet article, il me semble inévitable de penser le processus de queerisation, en tant que technologie de genre internationale. Certes, on a vu comment une particularité des pratiques queers peut être appréhendée dans les sociétés arabes, qu’elle soit traduite par des critiques véhémentes contre le paradigme « d’honneur » et de la virginité comme normes fixes et figées. En revanche, celle-ci n’empêche pas l’importance d’un processus de queerisation qui s’étend à travers les pays, les contextes, les personnes et mêmes les critiques queers. En effet, s’il y a une chose qui ressemblerait au genre dans sa construction et sa déconstruction, elle serait la queerisation.

Il me semble même légitime de penser que le queer, en tant que non-catégorie et non-identité, pourrait être la seule zone sans frontières. Celle-ci, vient à rassembler toute personne se disant en identification avec une pratique, ou des pratiques queers. Le queer briserait le paradigme de penser le monde en tant que supérieur et inférieur. Peut-on penser la fin de la pensée culturaliste occidentaliste et orientaliste par la queerisation transversale du corps ?


Bibliographie :

Howard S.BECKER, Outsiders, Traduit de l’américain par J.-P. Briand et J.-M Chapoulie, Paris, Editions .M Métailié, 1985.

Gilles Deleuze, « Sur la philosophie », Pourparlers, Minuit, 1990,

Michel Foucault, « L’éthique du souci de soi comme pratique de liberté » p.1527-1548, in Dits et Écrits II, 1976-1988. Éditions Quarto Gallimard, 2001. p.1533.

Michel FOUCAULT, L’histoire de la sexualité Volume 2. L’usage des plaisirs, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel FOUCAULT L’histoire de la sexualité Volume1. La volonté du savoir, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel  FOUCAULT L’histoire de la sexualité Volume3. Le souci du soi, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel FOUCAULT, « Leçon du 7 novembre 1973 », in Le Pouvoir psychiatrique, cours au Collège de France 1973-74, Paris, Gallimard-Le Seuil (coll « Hautes études »), 2003

Michel FOUCAULT Dits et Ecrits 1954-1988, tome4, sous la direction de Daniel Defert et François Ewald. Editions Gallimard, Paris, 1994.

Michel FOUCAULT, Dits et écrits, volume 2, 1976-1988, Gallimard, coll. « Quarto », Paris, 2001.

Beatriz Preciado, Manifeste contra-sexuel, Balland, 2006.

Braidotti Rosi, « Les sujets nomades féministes comme figure des multitudes », Multitudes, 2003/2 no 12, p. 27-38.

Roland Roberston, dans Glocalisation, in FEATHERSTONE, M., LASH, S, ROBERTSON, R. (Editions) Global Modernities, London : Sage

Eve Kosofsky Sedgwick : « How to Bring Your Kids Up Gay, »  (Tendencies, Duke UP, 1993).


Liens internet :

 http://www.bekhsoos.com/web/2010/10/clitoris « Magazine queer arabe »

http://thearabobserver.wordpress.com/2006/05/ The Arab Observer”

http://lasharaffiljareemah.ning.com/  “Il n’y a pas d’honneur dans les crimes d’honneur”

http://mykali.weebly.com/  “Magazine gay jordanien”

http://www.kareem-amer.com/2012/03/blog-post_05.html   “blog de Kareem Amer”

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/10/22/un-egyptien-condamne-a-trois-ans-de-prison-ferme-pour-insultes-contre-l-islam-sur-facebook_1592489_651865.html “Le monde”

https://www.facebook.com/aliaaelmahdy “Page facebook d’Alia al-Mahdy”

http://diaryofarebel.blogspot.fr/  « Blog d’Alia al-Mahdy : Journal intime d’une rebelle »

http://echoingscreams.blogspot.fr/  «Blog d’Alia al-Mahdy : cris résonants »

http://arebelsdiary.blogspot.fr/


Notes

Michel Foucault, « L’éthique du souci de soi comme pratique de liberté » p.1527-1548, in Dits et Écrits II, 1976-1988. Éditions Quarto Gallimard, 2001. p.1533.

Arnaud Alessandrin, Queering the mixity, Université PAF, 1 octobre.2011 à Bayonne.

D’où le provoquant titre d’Eve Kosofsky Sedgwick : « How to Bring Your Kids Up Gay, »  (Tendencies, Duke UP, 1993)

Beatriz Preciado, Manifeste contra-sexuel, Balland, 2006.

Braidotti Rosi, « Les sujets nomades féministes comme figure des multitudes », Multitudes, 2003/2 no 12, p. 27-38.

Gilles Deleuze, « Sur la philosophie », Pourparlers, Minuit, 1990, p. 206

Michel FOUCAULT, L’histoire de la sexualité Volume 2. L’usage des plaisirs, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel  FOUCAULT L’histoire de la sexualité Volume1. La volonté du savoir, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel  FOUCAULT L’histoire de la sexualité Volume3. Le souci du soi, Édition Gallimard, Paris. 1984.

Michel FOUCAULT, « Leçon du 7 novembre 1973 », in Le Pouvoir psychiatrique, cours au Collège de France 1973-74, Paris, Gallimard-Le Seuil (coll « Hautes études »), 2003

Michel , FOUCAULT Dits et Ecrits 1954-1988, tome 4, sous la direction de Daniel Defert et François Ewald. Editions Gallimard, Paris, 1994.

Michel FOUCAULT, Dits et écrits, volume 2, 1976-1988, Gallimard, coll. « Quarto », Paris, 2001.

Howard S.BECKER, Outsiders, Traduit de l’américain par J.-P. Briand et J.-M Chapoulie, Paris, Editions .M Métailié, 1985. p.48.

Je garde le mot « boîtes » dans la citation de cette féministe pour une raison simple. Celle-ci se trouve dans la crédibilité de la traduction littérale d’un mot utilisé par cette féministe. Certes, ce mot ne renvoie pas à sa signification voulue par cette féministe. En revanche, il me semble important de garder le terme de boîte, qui a été utilisé en anglais comme box, pour parler de l’enfermement.

http://www.bekhsoos.com/web/2010/10/clitoris/. Le 28.mars.2012.  Bekhsoos veut dire « à propos ».

Ici, je déploie le concept de la glocalisation, comme il a été pensé chez  Roland Roberston, dans Glocalisation, in Featherstone, M., Lash, S, Robertson, R. (Editions) Global Modernities, London : Sage. « est une globalisation qui se donne des limites, qui doit s’adapter aux réalités locales, plutôt que de les ignorer ou les écraser. Par ailleurs, en provoquant une résistance à elle-même – suscitant un mouvement mondial de contestation – la globalisation contribue, ironiquement et paradoxalement, à concentrer l’attention sur les réalités locales. Il est vrai que protester contre la globalisation a parfois eu l’effet contraire, produisant plus de globalisation. Mais l’on a compris que, pour faire avancer la cause du « local », il faut agir au niveau global, en sillonnant la planète, en communiquant à travers les nouvelles technologies, etc.

Ce passage a été écrit en anglais. La traduction a été faite par mes soins. Ici, vous trouvez la version anglaise. Finally I looked down between my legs, the words of Dr. Nawal El Sadawi that I heard few days ago came to my mind. Circumcision is not necessary! They didn’t need to circumcised me! I suddenly realized that the product of nature that I admire is missing a part! It isn’t not complete! A part was cut from my flesh when I was a child without consulting me. No one asked me! They cut my flesh without asking me! I felt betrayed. I want my missing part back. I want my complete version of this product of nature. Sometimes you came to realize facts in life that you have never thought of. I have always knew that I am circumsized, but I have never realized that it meant being with an altered natural body. http://thearabobserver.wordpress.com/2006/05/

http://thearabobserver.wordpress.com/2006/05/ « When I wrote the book, I wanted to be a real reflection of the state of society around me. It highlights the issues from a feminist perspective »

http://diaryofarebel.blogspot.fr/  « Journal intime d’une rebelle »

 http://echoingscreams.blogspot.fr/  « cris résonants »

 http://arebelsdiary.blogspot.fr/


Date de publication : 1 mai 2012.

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