Entretien par l’ODT
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Entretien avec le magazine Transkind
Le magazine des gentils trans.. ou pas
Bonjour Transkind : qui êtes-vous ?
Bonjour. Transkind est un magazine trimestriel en ligne fait pour les trans Ft* et FtM. La « logistique » (illustrations, mise en page, correction, rédaction des rubriques, réalisation des interviews) est assurée par une petite équipe affinitaire de trans masculins, mais la plupart des articles et des témoignages sont rédigés par des contributeurs occasionnels. Cela dit, il arrive aussi au « noyau dur » de participer au contenu des dossiers.
Le groupe des contributeurs réguliers n’est ni fermé ni statique, et peut – et s’est déjà – enrichi de nouvelles têtes. Si des personnes motivées souhaitent participer plus régulièrement elles sont les bienvenues.
Comment est né le journal ?
J’ai rencontré Armand alors que j’animais un chat vidéo pour trans FtM sur internet. Nous avons sympathisé et lors d’une de nos conversations il m’a parlé d’un projet de recueil de témoignages de trans, projet qui s’est mué en projet de magazine. Nous en avons parlé sur le chat, et assez rapidement un petit groupe de gens enthousiastes, y compris des connaissances à qui nous avons parlé du projet, s’est formé. Même si tous n’ont pas souhaité intégrer l’équipe, ça nous a permis de partir sur des bases assez éclectiques : nous avions tous un passé et/ou un présent, un âge et une situation géographique différents.
C’est à quatre que nous avons conçu et lancé le premier numéro, plutôt centré sur nous – il faut bien commencer quelque part – : Armand (qui vivait à l’époque à Marseille), Josh (de Metz), Joao (à Paris) et moi (j’étais en banlieue lyonnaise).
Comment fonctionnez-vous ?
Killian et moi décidons du thème du futur numéro, de la personne que l’on va interviewer – si possible en rapport avec le dossier mais c’est pas systématique. Ensuite on lance notre appel a contribution – sur les forums, sur facebook, sur notre blog et on en parle aussi a Josh, notre illustrateur. Jusqu’à la dead line pour les contributions, on s’occupe de notre interview, de rechercher de la documentation en ligne et de la rédaction des différentes rubriques (nouvelles, bande dessinée, biographies de trans, critiques de films, de livres, ou d’albums de musique, DIY, etc.), tout en relançant nos réseaux pour collecter des textes. Une fois qu’on a tous nos contenus, on les envois aux correcteurs (souvent à la dernière minute), puis je m’occupe de la mise en page (avec les moyens du bord, je ne suis pas spécialiste, ni très bien équipé) et de mettre le numéro en ligne.
Quels sont les retours sur vos publications ?
Sur la forme, nous avons eu un certain nombre de retours après les premiers numéros, qui n’étaient pas très bien finalisés (et qui contenaient pas mal de fautes d’orthographe et de frappe). Sur le fond, on nous a plusieurs fois demandé, dans les débuts, pourquoi nous ne parlions pas des femmes trans. Il semble qu’il ai fallu un certain temps pour que la thématique générale de Transkind soit évidente pour tout le monde. Nous avons très peu de retours sur nos publications plus récentes (à la grande déception de Killian qui aime la critique).
Selon votre expérience, peut-on dire qu’il y a un déséquilibre de représentations entre MtF et FtM, si oui, en quoi consiste-t-il ?
Il y a surtout un déséquilibre de visibilité ; les FtM sont quasi invisibles pour la grande majorité de la population. Ce qui entraine de fait un déséquilibre des représentations : la plupart des gens ont tout un arsenal de préjugés et d’idées toutes faites à leur disposition pour « traiter » l’identité MtF, mais n’ont rien à « projeter » sur les FtM. Cette absence de représentations liée à notre communauté est à double tranchant : souvent, elle nous empêche d’exister puisque nous somme soit renvoyés a une identité butch (pour ceux qui n’ont retenu que notre sexe de naissance) soit a l’identité MtF (pour ceux qui ont juste compris qu’on était trans). Mais elle nous permet aussi d’exister sans avoir à répondre de stéréotypes imposés par les cis, contrairement aux MtF qui doivent constamment lutter contre des préjugés encore largement relayés par les médias.
Les médias, la télévision en tête a puissamment contribué à cet état de fait. ce constat a-t-il encouragé la création de transkind ?
Pas du tout. Le but de Transkind n’est pas spécialement de faire connaître les FtM au grand public. Nous nous adressons avant tout aux trans Ft* et FtM. C’est plutôt l’absence de magazine communautaire en français (alors qu’il en existe plusieurs dans le monde anglophone, comme par exemple Dude ou Original Plumbing – bien que leur formule soit différente de la notre) qui nous a motivé.
L’un des FtM les plus connus est Thomas Beatie, non en raison de sa transition mais le fait qu’il a donné la vie à 3 enfants. Quelle analyse en faites-vous ?
Le fait est que c’est la paternité de Thomas Beatie qui est mis en avant en premier lieu comme facteur choc : il a été présenté par les médias comme « le premier homme enceint », sans insister particulièrement sur sa transidentité (ce qui paradoxalement a permis d’augmenter le potentiel sensationnel de la nouvelle en transformant sa grossesse en épisode de science fiction ou en violation des lois de la biologie).
Par ailleurs, je pense qu’il a suscité beaucoup de fureur chez certains non pas parce qu’il est trans mais parce qu’en décidant de donner lui-même naissance à ses enfants il a délibérément refusé de renoncer à une « prérogative féminine ».
Quel message politique ou militant portez vous ou / dans quels messages politiques ou militants vous reconnaissez vous ?
Dans l’équipe de Transkind nous ne sommes pas d’accord sur tout et nous n’avons pas forcement les mêmes façons de militer ni une façon identique de concevoir ce qui est ou pas politique. C’est lié en grande partie, je pense, au fait que nous avons des parcours, des identités, des âges, des sexualités diverses et que nous vivons dans des milieux différents ; et aussi au fait que nous ne nous sommes réunis sur une base affinitaire plutôt que sur une ligne politique.
Néanmoins nous sommes tous d’accord sur la nécessité de refléter cette diversité dans les pages de Transkind et de contrecarrer l’idée d’un trans « modèle », qui serai le seul valable.
Nous sommes aussi attachés à l’idée de laisser enfin les personnes concernées parler de ce qui les concerne sans interférences. Plus largement, nous tendons vers une autonomie trans dans la conception du magazine, c’est-à-dire que nous ressentons comme nécessaire dans un projet trans d’échapper à l’ingérence cis.
Où en est-on aujourd’hui des chirurgies FtM? Des progrès ont-ils été réalisés ou non ?
Niveau chirurgie du torse, les techniques sont très satisfaisantes, de moins en moins de rejet de greffon de téton, meilleures techniques au point plutôt qu’à l’agrafe, les chirurgiens prennent en compte l’envie de cicatrices discrètes. Il y a dix ans quand j’ai commencé il n’y avait que deux chirurgiens en France qui proposaient de bonnes opérations aux FtM, aujourd’hui il y a encore de mauvais chirurgiens du torse mais dans l’ensemble un effort général a été fait, on peut enfin trouver un chirurgien compétent avec la prise en charge à 100% pour les FtM les plus en difficultés financières. Pendant longtemps les FtM ont dû payer même pour être opéré par un boucher, je ne considère pas les techniques actuelles comme parfaites, mais les chirurgiens commencent à prendre en compte le besoin de la personne. Je précise que les techniques opératoires utilisées était déjà pratiqué il y a plus de 10 ans aux USA par un chirurgien. De ce que je sais, la Suisse et la Belgique ont suivie, puis l’Allemagne, car les chirurgiens suisses opèrent également en Allemagne et en Espagne. La France n’est pas la dernière mais on ne va pas non plus applaudir ; alors qu’elle a les meilleurs chirurgiens de greffe en sa possession (ironie)
Pour l’hystérectomie la technique est la même que pour les femmes cisgenres donc pas trop de choses à dire là dessus.
Les chirurgies génitales sont plus sujet à controverse, en effet on distingue deux techniques chacune avec ces avantages et inconvénients.
D’une part, la métoidioplastie, qui a bien évolué en Europe et en France : il y a dix ans un seul en France la pratiquait – je n’en suis pas sûr, peut-être qu’un autre chirurgien en officiel tentait des essais mais je n’entendais parler de méta qu’en Serbie (très cher ; sans compter les possibles problèmes post-opératoire).
Aujourd’hui, on la pratique en Europe, pour en avoir vu, celle pratiqué en France à Lyon est belle et fonctionnelle.
Pour ma part la métoidioplastie est arrivé quasiment à son maximum de possibilité, l’envie générale de ceux qui la choisissent est de développer une technique pour augmenter la circonférence et taille du néo pénis.
Je pense cela faisable mais je n’ais pas encore vu de nouveauté sur ce point. Seul soucis pour cette opération : la présence fréquente de fistules et d’infections.
D’autre part, la phalloplastie (celle que j’ai choisi), qui est une technique compliquée et lourde.
Pour moi la technique par greffon d’artère de l’avant bras est la plus satisfaisante. En France, trois chirurgiens commencent à la pratiquer avec plus ou moins de succès. La Belgique et la Suisse sont plus au point (plus d’années d’expérience) esthétiquement et surtout au niveau des problèmes post opératoire (fistules, infections). Malheureusement les chirurgiens ne veulent pas faire évoluer les techniques pour le moment.
Esthétiquement, il y a des choses à améliorer. La circonférence du néo pénis est acquise depuis plusieurs années. Le néo gland par contre reste un mini bourrelet qui se transforme vite en une simple forme plate. Pourtant un chirurgien à Londres et un en Serbie ont de très beaux résultats visuels mais après différentes demandes en Belgique, Suisse et France, aucun chirurgien ne veut l’essayer, certains par peur, d’autres par conviction que leur technique est la meilleure (ils devraient lire les forum FtM pour ouvrir les yeux)
Niveau sensation la greffe a le défaut de perdre en sensibilité de surface (comme le chaud et le froid). Je reste persuadé que des alternatives existent pour améliorer tout ceci, car après des discutions avec des chirurgiens, mes idées sont intéressante (même déjà étudiés) mais personne ne veut les tenter car, m’a-t-on dit, les techniques actuelles sont à peine acquise réellement. Le manque de temps, de moyen pour monter des équipes et surtout le manque de chirurgiens voulant étudier ces opérations ne permettent pas de s’essayer à un réel projet de grandes améliorations.
Niveau sensations sexuelles et orgasmiques, il n’y a plus de soucis mais la mauvaise image de la phalloplastie perdure malgré tout sur ce point.
Contrairement à la métoidioplastie, la phalloplastie a une taille moyenne d’homme cisgenre et pour provoquer une érection le peu d’afflux sanguin reçu dans le dicklit caché dans le néo pénis et l’artère principal qui longe la verge ne suffisent pas. Il est donc nécessaire de recourir aux prothèses.
Deux prothèses sont proposées (elles sont exactement les mêmes que celle proposées aux hommes cisgenres) :
Une semi rigide, qui convient davantage à des hommes qui ne pratiquent pas de sport au quotidien et qui veulent éviter toutes pannes d’érection (sa durée de vie est de 7 a 10 ans). Cette tige est pour moi plus fragile car il y a une tension constante sur la base fixée au coccyx.
La pompe, qui est un élément fragile : la durée de vie de cette prothèse est inférieure (de 5 à 7 ans). Elle a tout de même l’avantage de produire une érection plus réaliste grâce à l’action de la pompe et d’être souple au repos.
Ces deux tiges ne sont parfaites pour personne mais aucun autres choix n’est proposé (un chirurgien m’a confié qu’aucune évolution n’était envisagée par les constructeurs pour le moment, car tant que les deux produits se vendent bien, il n’y aucune raison de perdre du temps et de l’argent pour élaborer une tige enfin efficace)
En conclusion, je dirais que les techniques développées il y a 10 ans sont enfin maitrisées. Nous ne sommes pas assez nombreux pour intéresser des masses de chirurgiens, ni toutes les écoles de médecines. Donc elles n’évoluent pas spécialement mais au moins elles sont maitrisées! Les chirurgiens prennent le temps de discuter et de savoir ce que désire le patient, je crois que l’évolution est surtout évidente là dessus, enfin de l’écoute.
L’avenir de ce type de chirurgie reste floue : ces techniques pourraient être proches de réussir un compromis très agréable entre néo pénis (phallo ou méta) et pénis cisgenre. Des conférences sur ce type de chirurgie existent, des chirurgiens réfléchissent et s’attachent à parfaire leurs techniques actuelles. C’est une belle évolution en 10 voir 15 ans!
Les progrès d’écoute et de partage des techniques entre chirurgien étant en marche, nous sommes encore loin de la chirurgie génitale parfaite, mais pas très loin du torse sans cicatrice visible.
Alors oui des évolutions évidentes ont été faites, que ce soit directement ou indirectement, en matière de chirurgies FtM.
Dernière question : Quels sont les projets de Transkind ?
Nous aimerions pouvoir constituer un réseau de trans FtM et Ft* à l’international – notamment dans des pays moins médiatisés, afin de réaliser tout d’abord une série de portraits et, à plus longue échéance, des dossiers comparatifs sur un sujet particulier (par exemple les thérapies hormonales de substitution ou les chirurgies).
Nous voudrions aussi réaliser une série d’articles sur l’intersectionnalité des luttes, ce qui nécessitera aussi qu’on étoffe notre réseau de personnes intéressées et concernées par ces sujets.
Dans un registre un peu plus léger nous aimerions – quand nous auront trouvé assez de téméraires – sortir un calendrier sur le mode de l’auto-dérision.
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Mise en ligne : 3 mai 2014