Vincent Buraud

Psychopraticien et formateur, consultant pour Contact Aquitaine


Entretien avec Vincent Buraud

– Bonjour Vincent, pourrais-tu te présenter ainsi que Contact ?

Bonjour. Je suis psychopraticien et formateur, j’exerce mon activité en cabinets et en tant que consultant pour Contact Aquitaine. Je suis rentré dans l’association vers 2006-2007 ou j’ai démarré très vite par des interventions en milieu scolaire (IMS) permettant de lutter contre les discriminations au lycée et au collège. Depuis, j’interviens en tant que professionnel en animant des groupe d’écoute et de parole, en régulant, régulateur de l’équipe de bénévoles « écoute téléphonique » et en proposant des formations à la relation d’aide.

J’ai grandi avec Contact, c’est une expérience fondatrice pour moi.

Contact ce sont au départ des parents qui ont cherchés à se retrouver autour d’une difficulté : l’annonce de l’homosexualité de leurs enfants. Je te parle de ça, il y a vingt ans, avec le temps les choses se sont élaborées les activités se sont développées.

Aujourd’hui, on compte une vingtaine d’associations Contact sur le territoire français avec des antennes qui seront des futures associations ainsi qu’une association nationale réseau qui est Contact France. Toutes ces associations sont composées de parents d’enfants LGBT, ce qui marque une belle diversité de personnes.

Les actions de Contact sont concentrées sur de l’écoute téléphonique avec une ligne mutualisée, des groupes d’écoutes et de paroles (chaque dernier samedi du mois pour Bordeaux), des entretiens individuels, des interventions en milieu scolaire pour lutter contre les discriminations et tout particulièrement celles qui touchent les LGBT, de la formation professionnelle et des temps de convivialité.

Notre action, à l’échelle nationale, est reconnue par deux agréments ministériels : éducation nationale et éducation populaire. Nous participons aussi, autant que possible, aux questions sociétales et familiales. Pour Contact Aquitaine, nous faisons partie de l’UDAF, de la CAF et de divers réseaux sociaux de notre région LGBT et autres.

– Depuis quand mettez-vous en avant la question du genre dans vos IMS ?

Je crois que dès le départ cette question existe. Je pense ne pas pouvoir aborder ces discriminations sans faire un tour par la norme et donc l’hétéronormativité.

Avec le temps, les choses se sont élaborées aussi pour moi, j’ai toujours été très prudent afin d’éviter le prosélytisme ou la stigmatisation des LGBT même si lever cette dernière est très certainement une de mes motivations premières.

Pour cela je passe par le sexisme, il est important pour moi d’accompagner les élèves et de partir de là où ils sont, sinon c’est compliqué et l’on rentre dans une confrontation ou bien une empathie dégoulinante qui ne me va pas.

Je les force à réagir, à réfléchir sur le pourquoi des choses qui sont ainsi et à aller au-delà du « c’est comme ça depuis toujours surtout ne touchont à rien ».

– Quels sont les écueils que vous rencontrez sur ce thème ?

Ils sont différents à chaque fois en fonction de l’établissement, du niveau de classe et des élèves bien sûr, la proportion filles/garçons peut jouer mais pas toujours.

Comme je te le disais, pour aborder le genre je passe par le sexisme en utilisant des situations courantes d’inégalités femmes/hommes. Les jeunes sont en train de terminer de se construire et entrent dans l’expérience pour consolider cette structure, ils apprennent à quitter un monde pour entrer dans un autre et en fonction de l’éducation, des modèles familiaux, des dogmes religieux il est parfois très difficile de questionner la norme.

J’essaie le plus possible de faire en sorte qu’ils se sentent concernés pour permettre une simplification de compréhension de la norme.

– Est-ce que vous abordez la question de la transidentité aussi ?

Oui aussi quand je sens qu’il y a de l’espace pour ça, si le groupe n’y est pas je n’y vais pas.

J’ai fait l’expérience d’y aller quand même à plusieurs reprises et si trop de personnes dans le  groupe ne sont pas prêtes (stéréotypes très marqués) cela se transforme en bouffonnerie géante qui peut renforcer les stéréotypes.

– Comment est-ce reçu lorsque vous l’abordez ? (par les élèves et l’institution)

Quand l’espace est ouvert cela déclenche beaucoup de réactions, la fascination est à mon avis la principale car elle convoque la transgression d’un interdit lié à la norme.

Je tâche de les accompagner pour quitter les fantasmes qui s’y sont associés et des représentations pour entrer dans le sujet, souvent je passe par un exemple qui est le suivant : c’est l’histoire d’une petite fille de 5 ans qui vient dire à ses parents qu’ils se sont trompés en la fabriquant ils lui ont mis une zezette alors qu’elle devrait avoir un zizi.

Cet exemple paraît naïf et il l’est peut-être mais par là je cherche à montrer ce qu’une personne ressent d’elle avant d’être configurée de manière trop forte par la norme.

Pour l’institution et bien je ne sais pas trop, j’ai deux situations en mémoire, la première c’est la participation à une journée d’intervention d’une femme d’origine transsexuelle et ça n’a posé aucun problème il me semble et l’autre c’est à la demande d’une assistante sociale d’un collège ou l’établissement avait du mal à gérer un élève primo-arrivant brésilien qui manifestait fortement son désir d’être une fille.

Je crois que l’institution n’en est pas arrivée à ces questions.

– Du point de vue du formateur : est-ce que ces questions sont suffisamment mises en avant ? Et que pourrait-on envisager/ penser pour qu’elles trouvent une place au quotidien dans les établissements ? (des fascicules ? des clips ? des sites ? des bonnes pratiques ?)

J’ai commencé du coup à répondre à cette question. A mon avis, non, elles ne sont clairement pas assez mises en avant. Au sein du ministère de l’éducation nationale, les dernières directives ne font pas place à ces questions. Pourtant donner de la place à ces questions est nécessaire ! Je pense aussi que nous sommes en partie responsables de cette situation, les fantasmes autour de ces sujets ont créé des phobies qui n’ont pas lieu d’être. En maintenant la ou les phobies, on maintient le fantasme.

Donc, à mon sens, il faut encourager les personnes qui ont traversé ces expériences à venir en parler pour démystifier la situation, nous avons aussi besoin de créer des supports pédagogiques. L‘objectif est bien de continuer de développer le vivre ensemble.


Mise en page : 31 janvier 2014.