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Entretien : Swann et Sandrine

Entretien avec
Swann et Sandrine


Swann et Sandrine : « Nous sommes des aliens pour le reste du monde ! »

 

Bonjour Swan : peux-tu te présenter ? Comment as-tu rencontré Sandrine ?

Je m’appelle Swann (37 ans), une fille de 13 ans, suis FtM ayant commencé ma transition en août 2004. Je suis en couple avec Sandrine depuis bientôt 2 ans. Je venais à peine de m’installer en Auvergne, on s’est rencontré sur un site et le lendemain nous nous sommes donnés rdv. Depuis ce jour là, nous ne nous sommes presque jamais quittés.

Est-ce que le fait d’être en couple a changé quelque chose dans ta transition ?

Le fait d’être en couple n’a rien changé car ça faisait déjà un moment que j’étais bien ancré dans ma vie d’homme. Physiquement, je suis barbu et j’ai une bonne masse musculaire donc seul ou en couple ne change rien pour ma part. Le 1er soir de notre rencontre, nous avons mis les points sur les « i » Sandrine et moi. Elle n’avait jamais connu une personne transgenre donc toutes les questions étaient bonnes à poser, même les plus intimes. Je l’ai laissé choisir son rythme de croisière mais il n’y a eu aucun souci entre nous étant donné que nous avions tenu à installer des bases solides entre notre couple.

On parle pas mal de transidentité. Jamais des transconjoints. Pourquoi d’après toi ?

Je pense que les conjoint(e)s sont souvent oublié(e)s car les gens ne peuvent pas penser ou croire que les transgenres ont des vies comme tout le monde. Avoir un travail, des enfants, une famille. A croire que nous sommes des aliens pour le reste du monde !!
Ce n’est certes pas toujours facile de trouver l’amour en tant que transgenre, mais rien n’est jamais impossible.

C’est plus compliqué d’être en trans-conjugalité ?

Pour ma part ce n’est pas compliqué d’être en couple, il suffit d’être honnête envers l’autre, comprendre aussi la difficulté de l’un et l’autre peut aider, chacun apportant son soutien.

Et les psys dans tout ça ?

Les psychiatres cherchent plus à nous enfoncer qu’à nous aider. J’en ai eu la mauvaise expérience, en parcours officiel à Paris. Quand je suis arrivé dans ce parcours, j’étais déjà bien avancé niveau hormonothérapie. Le psychiatre m’a sorti ses belles promesses « Je ne vous laisserais pas tomber « . Il m’a tendu la carotte pendant 2 ans pour au final me dire « Attendez que votre enfant ait la majorité, car une maman à barbe à la sortie de l’école ça dérange les autres !! ». Je comprends bien qu’une transition doit être plus que désirée, c’est irréversible une fois commencé. Beaucoup de perturbations et de changements s’en suivent, et je pense qu’il faut être prêt(e) psychologiquement pour commencer son hormonothérapie. Il est vrai qu’aujourd’hui il est important de laisser la place aux conjoint(e)s, c’est aussi eux qui nous portent et nous soutiennent quand ça ne va pas comme on veut. Ils supportent nos d’humeur et vivent nos joies autant.

Un dernier message ?

Le plus important est au niveau de la société, nos compagnes/ons facilitent notre intégration dans la communauté. C’est pour toutes ces qu’il est important de ne pas les oublier.

 

Sandrine, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle donc Sandrine (tu peux garder nos prénoms cela ne nous gène pas) et j ai 34 ans. J’ai deux garçons : un de 9 ans et un de 5 ans d’un précédent mariage. Je suis la compagne de Swann depuis bientôt 2 ans. Je ne connaissais aucune personne trans avant de le connaitre. Nous nous somme rencontrés grâce a un site et avons été en osmose directement comme si cela faisait des années que l’on se connaissait !

En quoi est-ce un atout ou en quoi est-ce difficile cette liaison ?

Quand nous en somme arrivés a la partie plus intime, Swann a eu un peu peur. Puis je lui ai demandé de tout me dire, de rien me cacher. Et là, il m’a expliqué qui il était, tout en détail. Je pense que vu mon regard il m’a demandé si je voulais partir… Comme tu peux le voir je suis restée et par contre je lui ai posé des questions plus ou moins intimes ou plus ou moins stupide quand j’y repense. Il fallait qu’il n’y ait aucun secret entre nous. Pendant deux jours ca a été non-stop une discutions sur les personnes transgenres.

Et toi ? Quel rôle a tu joué dans tout ça ?

Le rôle que j’ai joué ? Ca à été de parler de Swann a mon entourage. De faire accepter les personnes trans autour de mon entourage. Aussi, de faire « la secrétaire » pour lui envers les médecins, cela était plus simple qu’ils entendent la voix d’une femme avec son prénom de naissance. Puis j’ai été son soutien. Des fois juste par un regard quand il était obliger de reparler de toute son histoire…

D’après toi, pourquoi n’en parle-ton pas des transconjoints ?

On a tendance a oublier les conjoinst car souvent nous sommes dans leurs ombres. Ils ont tellement à nous apprendre. C’est toutes des personnes avec des coeurs gros comme ça. Puis aussi beaucoup de personnes pensent que les transsexuels, transgenres etc… n’ont pas le droit et/ou ne peuvent pas être heureux sauf que c’est faux ! Donc forcément, pour ces gens là, nous on n’existe pas.

Un dernier mot ?

Je vis un vrai bonheur depuis bientôt 2 ans. Les regards des autres je m’en fous tant que moi-même et mes enfants sont heureux et que ma famille accepte… le reste n’a pas d’importance. Il est important de dire qu’à mes yeux que toute personne a le droit au bonheur, qu’on soit black blanc beur hétéro homo handicapé ou pas, que la partie sexuelle des gens ne regarde qu’eux, eux-mêmes et leur entourage. Il faut que les gens apprennent à vivre heureux.


Mis en ligne : 28.02.2013.

Entretien : Marion et Catherine

Entretien avec
Marion et Catherine


Marion et Catherine : «  ce cheminement est aussi une transition pour le conjoint ».

 

 

– Pouvez-vous vous présenter ?

Marion, j’ai 50 ans. Je suis Psycho-Socio-Esthéticienne à Hôpital Charles Perrens. Catherine, j’ai 41 ans, je suis Auxiliaire de Puériculture à Hôpital Pellegrin.

– Comment vous êtes vous rencontrées ?

La rencontre s’est effectuée sur des lieux de travail différents mais entre collègues de même secteur médical. Moi, sur l’hôpital Charles Perrens, elle à l’hôpital des enfants de Pellegrin.

– Marion, dirais-tu que ta transition a été facilitée par le fait d’être en couple ?

Sans aucun doute ! Le simple fait de miser sur la confiance de l’être aimé, favorise la traversé du  »miroir ». Comment ne pas se  » détruire  », se reconstruire et renaitre sans une aide présente au quotidien ? Le simple fait de pouvoir partager les joies, bonheurs, anxiétés, doutes… sont sources de richesse à la construction de la personnalité. La prise de confiance en real life s’en est trouvée facilité du fait qu’elle m’ait évité certains écueils de comportements ou d’attitudes, parfois non adaptées.

 

– Catherine, de ton côté, quel rôle as-tu joué ?

Je pense lui avoir amené un coté rassurant voir protectrice dans notre relation.

Les hormones aidantes, je me suis trouvé plus calme, plus tolérante qu’avant avec un niveau d’empathie bien plus prononcé. Cette traversée du miroir m’a permis de découvrir l’envers d’une éducation masculine, avec des attentes nouvelles et des résultats autres que ceux que j’attendais. Ainsi, loin de me sentir son égale en termes bio, je savais qu’en moi s’opérait un changement si subtil, qu’à la fin, je pouvais appréhender une certaine connivence, somme toute assez féminine.

 

– On pense toujours la transition des individus, mais, à l’exception des enfants s’il y en a, on oublie les conjoints. Pourquoi d’après vous ?

Dans notre société judéo-chrétienne, le couple a encore (hélas) valeur de normalité mais en focalisant sur un des personnages, elle efface de fait le second et concentre son attention sur la démarche marginale du premier.

– Est-ce à dire qu’il est plus compliqué d’être en couple lorsqu’on est trans ? (Et pourquoi selon vous ?)

Oui, il est plus compliqué d’être en couple lorsque l’on est trans dans la mesure où il s’agit en fait de deux transitions. Je m’explique ; La mienne d’une part, pas évidente, et la sienne qui constitue à suivre et à s’adapter sans cesse aux changements en constante augmentation. Les repères s’en trouvent perturbés et l’adaptation au nouveau genre ne se fait pas sans quelques arguments parfois caustiques (…ou pris pour tels, question d’interprétation.)

De qui à tort à qui à raison, il est souvent bien difficile d’exprimer ses ressentis dans un corps qui change et dont les hormones potentialisent le moindre incident. Socialement, il faut aussi assumer une certaine image. Si mon genre évolue, ma préférence sexuelle reste la même et sommes catalogués de fait dans le milieu lesbien. Pour elle, c’est un peu dur à assumer, vis à vis de sa famille et de la société et pour elle même.

– La prise en charge du « transsexualisme » sont-elle, selon vous, compatible avec le fait d’être et de rester en couple ?

Absolument. Il s’agit d’un travail mis en œuvre communément. Les rigueurs du protocole, viennent baliser un parcours pour une marche à suivre. Et le simple fait d’être au sein d’une association est utile car elle répond aux nombreuses difficultés que peuvent rencontrer le couple dans ce cheminement qui est aussi une transition pour le conjoint.

– Qu’est-ce que vous aimeriez rajouter, dire, sur la place du conjoint dans la transition, qui vous semble important à souligner ?

Du courage, du courage, du courage…

 


Mis en ligne : 28.02.2013.

Entretien : Georges et Jeanne

Entretien avec
Georges et Jeanne


Georges et Jeanne : « Quelqu’un avec qui partager mes peurs, mais aussi mon bonheur »

 

 

Pouvez-vous vous présenter ? Comment vous êtes-vous rencontré ?

Nous nous appelons Georges (28 ans) et Jeanne (27 ans), nous nous sommes rencontrés en 2004 au début de ma transition. Des amis en commun nous ont présentés, ils avaient prévenu Jeanne de ma transition. Nous nous sommes tout de suite plus et par la suite nous nous sommes revus. Au bout du deuxième rendez-vous nous nous sommes mis ensemble tout naturellement.

Nous sommes mariés depuis 3 ans et avons eu deux enfants en juillet 2012.

Georges, dirais-tu que ta transition a été facilitée par le fait d’être en couple ?

Pour quelques questions pratiques elle se faisait passer pour moi, lors des paiements en caisse car mon physique ne correspondait pas à la photo de ma carte d’identité, pour la prise de rendez-vous au téléphone car ma voix était en pleine mutation. Ça m’a permis d’avoir quelqu’un avec qui partager mes peurs. Mais aussi le bonheur que ça m’a donné après les différentes opérations et l’acceptation de mon identité masculine par le tribunal.

Comment cela s’est-il passé entre vous ?

Jeanne : Ça n’a pas été facile car malgré le fait que je sache qu’il était en transition, sa famille utilisait toujours le pronom « elle » et prononçait tous les mots au féminin, du coup quand j’étais seule avec lui ça allait il n’y avait aucun soucis, mais dès que sa mère ou sa grand-mère me parlait on repassait au « elle » c’était très difficile pour moi car je commençais toujours la discussion avec « il » et ça finissais toujours en « elle ». Ca a duré le temps que la famille s’habitue. C’est sûr que ça n’a pas été évident pour eux non plus de s’adapter et de passer du « elle » au « il » en peu de temps ! Bon cette histoire de pronom c’est une chose… après il y a eu aussi le côté plus intime, et là il a fallu beaucoup discuter, car lui ne voulait absolument pas que je le voit complètement nu car son corps ne correspondait pas encore à son esprit donc petit à petit on y est arrivé, il a fallu lui redonner confiance en lui et qu’il n’ait pas honte de ce corps, lui faire comprendre que moi je voyais la même chose que lui, je le voyais « homme » même s’il avait encore des attributs « femme ». En fait je ne voyais même plus sa poitrine quand elle était encore là. Pour lui elle ne faisait pas partie de son corps et pour moi non plus d’ailleurs, c’est assez difficile à expliquer mais on va dire que c’était un peu comme une excroissance en fait. Après lorsqu’il a été opéré ça été beaucoup mieux. Mais il y a toujours ce corps qui doit s’approprier car il a été modifié et même s’il se faisait une idée du corps qu’il désirait il n’est pas comme dans ses rêve. Donc il doit faire le deuil d’un corps qu’il a toujours voulu et accepter un corps qu’on a façonné pour lui au gré des opérations.

Georges : Je pense que ça été difficile pour Jeanne car au début de la transition, j’avais des sauts d’humeur. J’avais peur qu’elle s’en aille car je n’avais pas confiance en moi. C’était difficile car j’aurai aimé faire toutes les opérations très rapidement mais il faut attendre un certain temps et du coup à chaque fois j’étais déçu et frustré, ça devait se ressentir dans le couple. Heureusement ça s’est amélioré avec le temps, j’ai appris à faire avec cette attente concernant les opérations.    

Jeanne, de ton côté, quel rôle as-tu joué ?

Je crois que j’ai joué un rôle de soutien et j’ai essayé de l’épauler autant que possible. Il a fallu être là pour le soutenir, l’aider à avancer, lorsqu’il y avait le psychiatre qu’il lui disait d’attendre encore un peu pour l’ablation des seins, ça été douloureux, lorsqu’il a fallu remuer le passé pour l’obtention des papiers d’identité, lors des différents entretiens quand on lui demande de raconter de nouveau son histoire, son parcours, lorsque nous avons commencé la procédure pour avoir un enfant, on nous a posé des questions intimes qui n’avaient pas lieu d’être posées… Bref être trans et compagne de trans c’est un combat de tous les jours, parfois ce souvenir est loin mais parfois ça nous reviens en pleine figure au moment où on ne s’y attend pas, c’est toujours là au-dessus de nos tête. On doit apprendre à vivre avec jour après jour, ensemble, nous ne sommes pas deux dans notre couple, nous sommes 3.

On pense toujours la transition des individus, mais, à l’exception des enfants s’il y en a, on oublie les conjoints. Pourquoi d’après vous ?

Nous pensons que le corps médical doit croire que comme  nous sommes « malades », nous ne sommes pas capables de construire une relation durable. Il faut aussi dire que pendant la transition avec la prise d’hormones les humeurs fluctuent énormément et parfois ce n’est pas du tout facile à vivre et à gérer pour la personne en transition comme pour le conjoint. Bon nombre de conjoint sont partis pour cette raison. Il y a aussi ces fois où la personne qui a fini sa transition ne veux plus du tout avoir affaire avec son passé et veux tout recommencer à zéro, comme une renaissance. Du coup il est possible de voir des couples qui se séparent une fois la transition complètement terminée.

Est-ce à dire qu’il est plus compliqué d’être en couple lorsqu’on est trans ?

Justement à cause de ces fluctuations d’humeurs, la personne en transition éprouve de nombreux changements internes et externes qui ne sont pas facile à gérer soit même alors en plus il faut composer avec le conjoint, la personne en transition n’accepte pas son corps tel qu’il est, alors comment accepter que quelqu’un d’autre aime ce corps que l’on déteste tant !

Lorsqu’on s’est rencontré, vous avez eu cette phrase « le problème des trans c’est les psychiatres ». C’est à dire ?

Effectivement les psychiatres sont une barrière haute de 2 ans avant de pouvoir faire la première opération, c’est extrêmement long lorsque l’on attend cette délivrance (ablation des seins ou hystérectomie) on dépend complètement de ces psychiatres qui dirigent nos vies. Maintenant nous pensons qu’il ne faut pas enlever complètement les psychiatres du parcours car certaines personnes sont « perdues » et ne savent plus vraiment qui elles sont, mon psychiatre m’a aider à y voir plus clair sur moi-même, beaucoup d’entre nous savent qui elles sont au fond d’elles. Cependant j’ai aussi rencontré des personnes qui sont encore perdues et grâce aux psychiatres elles ont évité l’opération irréversible. Nous savons combien ce parcours est long et douloureux, mais nous croyons qu’il faudrait diminuer ces 2 ans et passer peut être sur 1 an, nous pensons que ce serait bien que la France y réfléchisse… 

Merci à vous !


Mis en ligne : 28.02.2013.

Infogérance Agence cmultimedia.com