Entretien avec
Marion et Catherine
Marion et Catherine : « ce cheminement est aussi une transition pour le conjoint ».
– Pouvez-vous vous présenter ?
Marion, j’ai 50 ans. Je suis Psycho-Socio-Esthéticienne à Hôpital Charles Perrens. Catherine, j’ai 41 ans, je suis Auxiliaire de Puériculture à Hôpital Pellegrin.
– Comment vous êtes vous rencontrées ?
La rencontre s’est effectuée sur des lieux de travail différents mais entre collègues de même secteur médical. Moi, sur l’hôpital Charles Perrens, elle à l’hôpital des enfants de Pellegrin.
– Marion, dirais-tu que ta transition a été facilitée par le fait d’être en couple ?
Sans aucun doute ! Le simple fait de miser sur la confiance de l’être aimé, favorise la traversé du »miroir ». Comment ne pas se » détruire », se reconstruire et renaitre sans une aide présente au quotidien ? Le simple fait de pouvoir partager les joies, bonheurs, anxiétés, doutes… sont sources de richesse à la construction de la personnalité. La prise de confiance en real life s’en est trouvée facilité du fait qu’elle m’ait évité certains écueils de comportements ou d’attitudes, parfois non adaptées.
– Catherine, de ton côté, quel rôle as-tu joué ?
Je pense lui avoir amené un coté rassurant voir protectrice dans notre relation.
Les hormones aidantes, je me suis trouvé plus calme, plus tolérante qu’avant avec un niveau d’empathie bien plus prononcé. Cette traversée du miroir m’a permis de découvrir l’envers d’une éducation masculine, avec des attentes nouvelles et des résultats autres que ceux que j’attendais. Ainsi, loin de me sentir son égale en termes bio, je savais qu’en moi s’opérait un changement si subtil, qu’à la fin, je pouvais appréhender une certaine connivence, somme toute assez féminine.
– On pense toujours la transition des individus, mais, à l’exception des enfants s’il y en a, on oublie les conjoints. Pourquoi d’après vous ?
Dans notre société judéo-chrétienne, le couple a encore (hélas) valeur de normalité mais en focalisant sur un des personnages, elle efface de fait le second et concentre son attention sur la démarche marginale du premier.
– Est-ce à dire qu’il est plus compliqué d’être en couple lorsqu’on est trans ? (Et pourquoi selon vous ?)
Oui, il est plus compliqué d’être en couple lorsque l’on est trans dans la mesure où il s’agit en fait de deux transitions. Je m’explique ; La mienne d’une part, pas évidente, et la sienne qui constitue à suivre et à s’adapter sans cesse aux changements en constante augmentation. Les repères s’en trouvent perturbés et l’adaptation au nouveau genre ne se fait pas sans quelques arguments parfois caustiques (…ou pris pour tels, question d’interprétation.)
De qui à tort à qui à raison, il est souvent bien difficile d’exprimer ses ressentis dans un corps qui change et dont les hormones potentialisent le moindre incident. Socialement, il faut aussi assumer une certaine image. Si mon genre évolue, ma préférence sexuelle reste la même et sommes catalogués de fait dans le milieu lesbien. Pour elle, c’est un peu dur à assumer, vis à vis de sa famille et de la société et pour elle même.
– La prise en charge du « transsexualisme » sont-elle, selon vous, compatible avec le fait d’être et de rester en couple ?
Absolument. Il s’agit d’un travail mis en œuvre communément. Les rigueurs du protocole, viennent baliser un parcours pour une marche à suivre. Et le simple fait d’être au sein d’une association est utile car elle répond aux nombreuses difficultés que peuvent rencontrer le couple dans ce cheminement qui est aussi une transition pour le conjoint.
– Qu’est-ce que vous aimeriez rajouter, dire, sur la place du conjoint dans la transition, qui vous semble important à souligner ?
Du courage, du courage, du courage…
Mis en ligne : 28.02.2013.