SOS homophobie
(écriture collective)
Entretien avec SOS Homophobie
SOS homophobie mène des actions dans les écoles sur les représentations et des discriminations LGBT. Comment se passe une action dans les grandes lignes ?
Les interventions[1] durent deux heures et sont animées par des bénévoles de l’association (en binômes de préférence mixtes). Les interventions s’effectuent sur le temps scolaire et s’inscrivent ainsi dans la mission éducative de l’établissement. Elles se font à la demande et en présence d’un personnel de l’établissement (infirmièr-e, professeur-e, proviseur-e) qui n’intervient pas dans les débats mais qui peut témoigner de ce qui a été dit.
SOS homophobie est agréé par le Ministère de l’Education Nationale (au titre des associations complémentaires de l’enseignement public) et au niveau local par plusieurs rectorats. Ces agréments ne sont pas indispensables, mais ils valident nos interventions et surtout les inscrivent dans une politique plus globale de lutte contre les discriminations. Ces labels institutionnels constituent également une carte de visite qui rassure les directeurs-trices d’établissement et les parents d’élèves.
Nous allons dans des établissements très divers pour intervenir dans les classes à partir de la 4eme : collèges et lycées d’enseignement général ou technique (écoles de bûcherons, d’infirmièr-e-s, jeunes footballeurs de l’OM etc.), publics ou privés…
Le principe de l’intervention n’est pas de faire un cours magistral mais d’encourager les jeunes à réfléchir à ce que sont les LGBT-phobies, leurs manifestations, leurs conséquences et leurs origines. Les interventions sont basées sur le respect et la liberté de parole. Nous abordons néanmoins un certain nombre de points et de notions de façon systématique : nous définissons les termes LGBTI (certain-e-s élèves ne savent pas ce que veut dire “hétérosexuel” ou pensent que “les lesbiens sont des hommes homosexuels”), et nous rappelons les lois qui punissent les manifestations de l’homophobie et de la transphobie (injures, violences, diffamation, discriminations). Selon la disponibilité et la maturité des élèves, les débats sont animés de diverses façons : on peut par exemple leur demander d’expliquer si ils/elles sont d’accord (ou pas, et pourquoi) avec une série de phrases du type “un homme gay est souvent efféminé”, “je choisis de qui je tombe amoureux-euse”; ou bien leur demander de faire la liste des raisons pour lesquelles certaines personnes sont homophobes puis les aider à déconstruire ces raisonnements ; réfléchir avec eux à la signification des injures ; les faire réagir à la diffusion de l’un des courts métrages de l’INPES[2] etc. L’intervention se termine par une séance de réponses/débats autour de questions anonymes écrites par les élèves sur des petits papiers, et une évaluation anonyme de l’intervention grâce à un questionnaire simple.
Les retours des élèves sont le plus souvent très positifs : les questionnaires font apparaître qu’à l’issue de l’intervention, l’immense majorité des élèves disent “respecter les personnes LGBT”. Presque seize mille élèves ont été sensibilisé-e-s par les bénévoles de SOS homophobie pendant l’année scolaire 2012-2013, dont trois quarts environ en dehors de l’Ile de France : pour ces actions, nous avons besoin d’encore plus de bénévoles. Quels que soient votre âge, sexe, orientation sexuelle et identité de genre, vous pouvez nous contacter en écrivant à nousrejoindre@sos-homophobie.org.
Dans le cadre de ces interventions, y a-t-il des actions spécifiques sur les Trans et la bisexualité ?
Nous définissons le sigle LGBTI au début de nos interventions et nous abordons les LGBTI-phobies dans leur ensemble. Nous parlons donc des personnes bisexuelles et Trans. Ceci implique également de parler et différencier orientation sexuelle et identité de genre.
Les questions autour de l’orientation sexuelle sont généralement assez bien connues par les élèves et nous n’avons jamais eu l’impression que la bisexualité pose aux élèves des questions ou problèmes particuliers. Un certain nombre de points peuvent être néanmoins soulevés autour de la bisexualité : pourquoi est-elle si invisible? que veut dire être bisexuel-le? comment et par qui sont discriminées les personnes bisexuelles? Mais ne nous voilons pas la face, en deux heures il est très difficile d’aborder toutes ces questions. C’est le débat et l’interaction avec les élèves qui déterminent le plus gros des thématiques qui sont abordées. Indépendamment du cadre scolaire, l’association a participé en septembre 2012 à la réalisation d’une enquête sur les représentations de la bisexualité, dont les premiers résultats sont publiés sur la page http://www.sos-homophobie.org/enquete-biphobie.
Pour la plupart des élèves, la transidentité est par contre de l’ordre de l’étrange. Travesti-e, transexuel-le, transgenre… il faut se donner un peu de mal pour débroussailler les idées. Nous intégrons de plus en plus un travail autour de la notion d’identité de genre pour aborder les questions Trans et éventuellement intersexes. L’essentiel des clichés sur les trans tournent encore autour de la question du “changement de sexe”. Nous nous efforçons de sortir de ce cadre médical pour poser des questions sur ce que veut dire être homme ou femme, qui peut définir qui je suis, qui je peux ou ai le droit d’être, etc. Il est intéressant d’introduire l’idée de relativité et subjectivité autour de ce qui constitue chacune de nos identités. De là, nous invitons les jeunes à s’interroger sur le lien entre normes sociales et LGBT-phobies afin qu’ils/elles se rendent compte que les êtres humains ne peuvent être prédéfinis et rangés dans des cases. Dans ce cadre, il est très constructif de faire le lien entre sexisme et LGBT-phobies.
La question du genre est en train de constituer désormais le terme par lequel l’intersectionnalité permet d’envisager, outre de sortir du sexe et du sexuel, une politique globale en faveur de l’égalité. Est-ce le cas dans vos interventions ?
La notion de genre, telle que définie par le milieu universitaire, n’est pas abordée lors de nos interventions en milieu scolaire. Nous préférons travailler à partir de ce que connaissent les élèves pour déconstruire les idées reçues et expliquer les origines des LGBT-phobies. Nous privilégions les notions de normes (comme l’hétéronormativité) ou encore les rapprochements avec d’autres discriminations (sexisme, racisme etc.) pour faire comprendre aux élèves ce qui constitue la base des LGBT-phobies. Le parallèle et la mise en exergue de mécanismes communs avec toutes les formes de rejet (notions de différence, de domination…) parlent beaucoup aux élèves car ils/elles savent très bien ce qu’est le racisme ou le sexisme, l’ayant parfois vécu eux/elles-mêmes. Dans ce sens, nos interventions cherchent à pointer du doigt les catégories, les cases et frontières qui délimitent nos identités afin que tout le monde s’interroge sur leur rôle et la façon dont elles interfèrent avec l’égalité des droits.
Aborder tous ces points en deux heures n’est pas toujours possible, mais si certain-e-s élèves entrevoient qu’il y a des façons diverses d’être, alors nous ne sommes pas venu-e-s pour rien. Nous leur laissons à la fin de l’intervention une fiche avec des liens leur permettant de poursuivre s’ils/elles le souhaitent leur réflexion ou d’obtenir du soutien (comme par exemple notre site dédié aux adolescent-e-s[3]).
Exemples de “petits papiers” anonymes rédigés par des élèves lors d’intervention :
[1] http://www.sos-homophobie.org/IMS
[2] http://www.inpes.sante.fr/professionnels-education/outils/jeune-et-homo/outil-lutte-homophobie.asp
Mise en ligne, 31 janvier 2014.