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Étiquette : Culture

Source : Nous, transféministes (Introduction de l’ouvrage Transféminismes) – Observatoire Des Transidentités

Recension : Mon corps a-t-il un sexe?

Maud-Yeuse Thomas

Université Paris 8

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Recension :
Mon corps a-t-il un sexe ? Sur le genre, dialogues entre biologies et sciences sociales

Sous la direction d’Évelyne Peyre et Joëlle Wiels

D’emblée , la 4e de couverture nous met dans le bain : « Sexe» est l’un des mots de la langue française que les gens sans distinction de classe, de religion, d’apparence ou de profession, utilisent avec grand intérêt, qu’ils soient accoudés au zinc d’un bistrot ou à la paillasse d’un laboratoire de biologie moléculaire. Deux mises en scène distinctes, sociale ou scientifique; deux scénarios différents: d’un côté, les histoires d’amour ou d’imaginaire sexuel, de l’autre, les recherches biologiques. Sous ce mot de «sexe», notre langue, si riche, produit une polysémie bien fâcheuse. » Quel est ce sens polysémique, tout à la fois le plus petit dénominateur commun d’une organisation binaire de société et du rôle sexuel que nous effectuons dans la procréation et la sexualité ? Qui répond et comment répond-on ?

L’ouvrage interroge cette polysémie sexuée et sexuelle en faisant « le point sur les connaissances concernant le sexe biologique et ses variations, dont on sait désormais qu’il ne permet pas de séparer les individus en deux catégories bien distinctes. » Ici, l’ouvrage rejoint les débats des études de genre dans une évaluation de « l’impact du genre sur le développement du corps des êtres sexués et sur la construction de leur identité ». L’ouvrage opte pour une pluridisciplinarité ouverte et questionnante, non seulement entre des positions opposées mais en réinterrogeant les sciences biologiques à l’endroit de la vision nature-culture avec, par exemple, l’article sur l’alternaturalisme de Hoquet et Keutzer sur le genre et les animaux.

Il cherche à apprécier dans quelle mesure les croyances liées au genre (bicatégorisation mâle-femelle stricte, supériorité masculine, etc.) construisant le corps ont pu influencer les recherches menées sur les sexes biologiques (Hoquet repère 7 sens pour définir le sexe). Cette « fâcheuse polysémie » est généralement évacuée pour une reconduite généralisée et générique d’une différence oppositionnelle, binaire et « incommensurable » des « sexes », pour une unicité que le « sexe » ne contient nullement –sauf sur les sites de recouvrement sexe-genre partout où « l’idéologie différentialiste » les a déposés, à partir du XVIIIe. Ce qui a figé un clivage naturalisme vs antinaturalisme dans une idéologie binaire, désormais interrogé et constituant un terrain à part entière.

Les témoignages de personnes intersexes et transgenres apportent sur la question de l’identité sexuée un éclairage complémentaire qui bouscule les « réponses » que donnent la médecine et le droit reconstruisant deux catégories sexuées et sexuelles bien distinctes dans lesquels le genre, comme « processus de construction d’une différence des sexes hiérarchisée » (Marqué) disparaît dans la matérialité même du corps, tandis que l’éthologie (Kreutzer) et la bio-anthropologie (Peyre) le font apparaître. Le double processus d’assignation et d’état civil, lieux symboliques s’il en est de la fixité de « l’incommensurabilité des sexes » ne sont nullement naturels mais politiques. S’agissant des identités femme et homme, on soulignera qu’il s’agit des rapports sociaux de genre, de sexualité, de construction oppositionnelle ou mixte d’un corps-mouvement, de voix, de rapports au travail, à la filiation, à l’alimentation, à la plasticité du cerveau comme des os du squelette, aux fantasmes comme aux projections imaginaires, etc. Toutes choses que cet ouvrage cherche à réévaluer en sollicitant toutes les disciplines scientifiques sollicitant des savoirs plus anciens. Leurs descriptifs très documentés sur la période historique courant du XVIIIe au XXe sont sans ambiguïté. Le comparatif fait surgir, quasiment à chaque phrase, « l’arrière-fond historique » construisant la fabrique sexobinaire et les clivages ordonnant des espaces disciplinaires stricts questionnés sous divers angles et concepts : Hoquet avec le concept d’alternaturalisme, Marqué avec celui du corps comme mouvement socialisé, le rapport de la voix et du sexe (Legrand, Ruppli) intériorisant le genre et fabriquant du corps.

L’opposition des « sexes » est d’abord une opposition historique, s’établissant dans le long temps du XVIIIe au XXIe dans un changement de régime majeur (de la vision biblique aux rationalités scientifiques multiples se concurrençant) et dissimulant ses échafaudages par l’évidence de sa naturalité et normalité. A la manière dont Elsa Dorlin a fait apparaître une « matrice des races », les auteur.es font apparaître une matrice des « sexes » dont le principal travail de déconstruction et reconstruction d’une représentation plurielle réside dans l’observation fine d’une fabrique du corps sexué et genré binairement et sa naturalisation après coup. La binarité sociologique s’accompagne donc d’une binarisation de ce corps entièrement déterminé par les manifestations du « sexe » dans un maillage si étroit que même les plus érudits d’entre nous ont bien du mal à mettre à distance l’échafaudage dans ses dimensions reliant le travail scientifique de l’imaginaire sociohistorique. Catherine Vidal met en garde sur « l’impact des savoirs scientifiques », reposant concrètement ce que la polysémie du « sexe » et sa « réduction au biologique » apportent à l’ordre des genres et sa police invisible, soit l’obligation à la dimension politique de l’hétérosexualité excluant l’homosexualité et la dimension socioculturelle du régime cisgenre, excluant d’autres modes, dont le mode trans et intergenre.

La force de l’ouvrage réside dans le fait qu’il réinterroge le siècle des Lumières, l’établissement de rationalités spécifiques, destinées à être le moteur de la reproduction sociale via un « état des connaissances » semblant valider le prédicat sexué (Planté), en les faisant dialoguer. Le comparatif des savoirs sur les os, le squelette, le cerveau et l’alimentation renvoie bien à une sexualisation montante des représentations liée à sa hiérarchisation et son rapport à de nouveaux clivages que le XXe occidental va généraliser : le rapport nature/culture double surplombant de la condition hommes/femmes, où le premier forge une bicatégorisation du second en le renforçant jusqu’à nier la « diversité de la nature » (Kreutzer) en la binarisant à son tour. Dans cette optique, « la société modèle notre anatomie » (Peyre) dans des représentations mettant en scène des parties du corps ou sa totalité, censée montrer une « nature » différentielle et essentielle, masculine vs féminine, en créant des tiers absents. Or, si il y a bien une différence, elle n’est pas essentielle ni essentialiste et la déconstruction est d’abord scientifique, rampant là avec le clivage sciences vs militances et réinterrogeant la causalité scientifique. De proche en proche, l’examen montre toute la polysémie dudit « sexe » et sa profonde ambivalence : la nouvelle société est toujours basée sur la supériorité de la culture et de l’hégémonie d’un type particulier de masculinité et va forger les corps sexués adaptés à son régime et idéologie, rompant là avec les croyances des siècles passés et sa théologie chaud/froid tout en reproduisant une hiérarchie symboliste. Chaque grand chapitre suggère une essentialisation préliminaire et fondatrice de ce qui va devenir la « différence des sexes » au XXe, inscrivant dans le marbre de la loi dès le début du XIXe siècle, bien avant la distinction nature/culture et la grande division des rationalités scientifiques sciences naturelles/sciences sociales. Le siècle des Lumières n’est pas scientifique mais médical et idéologique, suggèrent tou.te.s les auteur.e.s, précédant et préparant le pansexualisme freudien où, avec l’invention du psychisme, c’est au tour de l’imaginaire sexuel et de l’organisation sociétale de suivre le même exemple.

Ainsi, le « sexe » des os, du squelette, des hormones, des organes génitaux, du cerveau, de la force musculaire et de la taille, etc., semblait pouvoir construire un corps sexué-sexuel unitaire mais au prix d’une objectivation dudit corps laissant l’imaginaire premier et fondateur (Castoriadis) sans objet. Au terme du premier chapitre, l’on se demande ce qu’il reste de cet imaginaire sans cesse récupéré par la permanence des métaphores sexuelles et la reconduction des « marqueurs idéologiques » (Marquié) ajoutant de la fixité à l’habitus corporel et masquant le travail des résistances (Marquié citant Certeau aux côtés de Bourdieu :164). A mon sens, son analyse pose la question complémentaire au titre de l’ouvrage : mon corps a-t-il un genre ? Oui mai lequel ou lesquels ? On ne peut que deviner le silence de ces « autres » non nommés, marqué.es par une transgression mortifère mise en scène, non créatrice, dont la société binaire aura énucléé l’imaginaire.

Le 2e chapitre commence par une formulation lacunaire, montrant tout son échafaudage : « Le sexe envahit tout le corps ». Un envahissement, loin du postulat d’Héritier malgré ou à cause d’une « valence différentialiste des sexes » en laissant au sexe la fonction mythologique de poser un ancrage absolu. Au passage, l’on comprend que le pansexualisme freudien n’est que la conséquence du pansexualisme corporel, inventé par les médecins depuis le XVIIIe et rompant avec le continuum sexué où la femme n’était qu’un « homme inachevé » (Laqueur, 1992).

En introduisant l’apport des trans et intersexes, la séparation des « individus en deux catégories bien distinctes », vole en éclat mais non l’organisation instituée d’une polarisation binaire où la « nature » est entièrement recomposée à distance des lois patriarcales. Comment dépasser ces institués ? La reconstruction du biodimorphisme par l’investigation quasi policière des transgressions accaparaient l’ensemble des savoirs et avec eux, tout l’espace imaginaire et l’édification de la relation entre hiérarchisation sociale et naturalisation de celle-ci dans la nouvelle société des savoirs. La dénonciation de cette idéologie plaçant le masculin en dominant et le féminin dans un statut ancillaire, pointe l’effacement des franchissements de genre et le discours médical sur l’homosexualisme et l’intersexualisme au XIXe avant l’invention du transsexualisme au XXe dans une filiation discriminante. Mais ces récits sont restés minoritaires, voire aveuglés par la lutte des anti et naturalistes, longtemps effacés des échafaudages idéologiques binaires. La lumineuse conclusion, « pour ne pas conclure » de Christine Planté consiste à (se) remettre au travail en se confrontant à une nouvelle « révolution copernicienne du sexe » (Gonthier). Utile ouverture aux savoirs démentant certains certitudes et expertises comme matière des inconscients culturels, consistant à réévaluer les liens entre science, marqueurs idéologiques, processus de tris et oublis de l’histoire et dans la manière même dont la science binarise par habitude (Gontier : 315, à propos du travail de Peyre), politisation des rapports entre une majorité et des minorités fantasmées que démentent des méta-analyses sur les prédispositions psychologiques (Cosette : 258) ou cognitives factices (Vidal : 91), entre « neurosexisme » et « neuro-éthique » (Vidal : 102). Comment puis-je me penser si je suis « autre », questionne Cendrine Marro (281) et quel impact sur ma vie saisie par un état civil invariant construisant un « corps juridique » (Nicot : 286 ; Reigné : 302) ? Comment se « dire simplement », (Guillot : 296), lorsque l’absence de médiations est totale, facilitant ainsi la construction d’une majorité symboliste autant que déterministe. Or, c’est précisément cette production de déterminismes majoritaires qui emportait toutes les faveurs au travers l’évidence du naturel et le naturel de l’évidence (Detrez) où l’hypothèse d’une bisexualité psychique servait avant tout à reconduire une binarité en cours d’édification, telle une Babel. La parole experte des minoritaires, aussi capitale que le projet scientifique pour rétablir ce qui est d’ordre du sociopolitique, imaginaire inclut, est rarement entendue comme une participation à l’imaginaire et pris dans une hiérarchie nullement abolie. Ce n’est pas la science qui a construit la binarité sociodimorphique mais l’imaginaire d’une classe économiquement dominante au XIXe. Mais les sciences n’ont-elles pas validé, par oubli et omission, la reproduction biosociale ? L’apport majeur de cet ouvrage permet donc de réévaluer cette question : ce n’est pas la science qui crée la différence homme/femme mais la valide ou la réfute, non sans un effort sur elle-même. Elle ne se contentait pas simplement de dire la différence mâle/femelle en interrogeant le contexte nature/culture. Désormais et fort des études de genre, elle souligne l’intrication sexe-genre comme sexe/genre, voire du point de vue situé de cet « autre » non aligné (Marro) introduisant du trouble dans le sexe (Fassin), ouvre l’horizon imaginaire imbibant les sciences analysant la nature comme une production de l’imaginaire urbain du XIXe finissant au XXIe commençant.

Table
Introduction, par Evelyne Peyre et Joëlle Wiels

Première partie: Construction du corps sexué
L’histoire du sexe ou le roman de la vie, par Evelyne Peyre
La détermination génétique du sexe: une affaire compliquée, par Joëlle Wiels
Développement et fonction des organes génitaux, par Pierre Jouannet
La détermination du sexe chez l’humain: aspects hormonaux, par Claire Bouvattier

Deuxième partie: Le sexe envahit tout le corps
Le cerveau a-t-il un sexe?, par Catherine Vidal
Le squelette a-t-il un sexe?, par Evelyne Peyre
Le bassin osseux: splendeurs et misères de la clé de voûte du corps humain, par July Bouhallier
La voix a-t-elle un sexe?, par Mireille Ruppli
Corps dansant, sexe et genre, par Hélène Marquié
Orlando barocco: variations sur le sexe d’un personnage lyrique, par Raphaëlle Legrand

Troisième partie: Cultures/natures: la femelle et le mâle
«Sélection sexuelle» et différenciation des rôles entre les femelles et les mâles chez les animaux, par Franck Cézilly
Des animaux en tout genre, par Michel Kreutzer
Alternaturalisme, ou le retour du sexe, par Thierry Hoquet

Quatrième partie: De l’identité aux représentations
L’évidence du naturel et le naturel de l’évidence, par Christine Detrez
Différences psychologiques entre femmes et hommes et rôles sexuels: un lien factice?, par Louise Cossette
L’identité: une construction personnelle aux prises avec les normes de genre, par Cendrine Marro
Sexe, genre et état civil: vers des droits humains nouveaux?, par Stéphanie Nicot
Me dire simplement, par Vincent Guillot
La notion juridique de sexe, par Philippe Reigné
De la révolution copernicienne du sexe, par Josiane Gonthier

Pour ne pas conclure, par Christine Planté
Postface : du genre au sexe, par Eric Fassin

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Mise en ligne : 6 avril 2015

Ce texte est soumis aux droits d’auteurs.

Entretien avec Naiel Lemoine, photographe

Naiel Lemoine

Photographe

 

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 » Je suis avant tout unE individuE qui aime et utilise la photographie comme moyen d’expression et de résistance; politiquement comme Trans  FTU ( AssignéE Female To Unknown) féministE, militantE, Queer, et plein d’autres choses… »


 

1- Bonjour Naïel. Peux-tu te présenter ?

Me présenter, oui/

 je peux / essayer

Dans les marges de /

cette humanité, j’erre/

multiples visages/

d’un par/ëtre qu’on /

étiquette

J’ai 15 codes-barre tatoués/

au fer rouge scintillant

éclaboussures / en strass doré

De tous les Égos/

militants

Me situer, c’était avant

Des images pour/

crier

pas pour/

classifier

pas pour/

imposer

juste pour/

 Hurler/

 l’indicible

Des instantanés/ datés

d’identités éclatées

d’êtres humains/

 en rupture

éclatant/

 toutes les évidences

Système hétéropatriarcal

un peu, vacillant

Machine à fabriquer

impitoyablement/

LA Femme/

L’Homme

parés si possible/

 de longs filaments dorés

habillés si possible

d’un paraître /

laiteux

si translucide que/

douteux

Des Hommes/Des Femmes

complémentaires /

et surtout/

inégalitaires

Machine à fabriquer de l’Essence

résistes-tu

au paradigme de nos Existences?

Dame Nature/

entends tu les voix

de tous les ratés de/

ta production?

Lis tu parfois/

les traces/

 que nous laissons/

ces quelques mots/ces quelques images/

qui/juste/

exposent au grand jour ton

Historicité…

Me présenter/ me situer/

Maintenant?

RatéE du système de production

Du rêve tu veux/

me vendre?

À grand coup

d’intégration-assimilation/

de mariage et de papiers/

pour me valider/

pour me /

récupérer…

mais, la quête

de la reconnaissance/

bien que longtemps/ pratiquée

porte en soi

l’échec /

de toutes les militances

la reconnaissance /

 abandonnée/

les sous-droits que tu veux/

nous concéder/

sous prétexte de

modernité

pour mieux

coloniser

pour mieux nous instrumentaliser

et nous intégrer

dans ton

État-Nation

Penses tu encore vraiment/

que j’ai envie

d’exister

par et dans

ton système sexiste,

raciste

classiste,

âgiste et validiste…..

 Naïel le 22/08/2012

 

 

2- Si tu es connuE pour ton travail, c’est surtout pour sa dimension « queer » (avec GenderFucking) : Que mets-tu derrière ce mot ?

Dimension queer/
vécu queer/
ou juste
posture queer/
queer as God?

Queer comme /
empowerment
ou comme/
piétinant/
les ditEs « straight »?

Queer, ce mot sonne juste comme/
un rappel/
d’une possibilité de
pouvoir/
se penser/se panser/ sans se
victimiser

Étrange/
comme, le retournement de l’insulte/
comme la contrainte à la/
Normalité
qu’on soit homoE
ou
hétéroE

Queer/
comme mes luttes incessantes/
récurrentes/
contre toute tentative
d’intégration-assimilation

Queer comme profusion/
des genres/
qui devrait juste
être
mais qui n’est qu’une infime résistance/
rattrapéEs que nous sommes par/
le par/Être

queer comme
identité politique/
sans
identité originelle/
qui se construirait
au gré des luttes/
qui jamais ne/
serait fixée.

Queer comme gosses du
blackfeminism/ de Deleuze/
Derrida, Foucault et bien d’autrEs
queer comme les possibles infinis/
de lutter ensemble sans/
se faire homogénéiser/
queer comme/
post identitaire/
sans nier les
identités/
et leur historicité

Queer comme/
un rêve brisé/
par des Égos
/démesurés/
par le refus ou l’oubli de /
mesurer/
le poids de l’asymétrie /
de la construction /
du genre /
dans notre/
société.

Queer comme/
une grille de lecture/
trop souvent utilisée sans/
les apports /
des grilles/ féministes

Queer comme faisant peur/
car
portant en lui/
les germes de/
résistances infinies/
individuelles/
collectives/
car poussant à repenser/
juste
notre façon de penser/
si bien formatée/
si bien /
intégrée.

Queer comme/
blackfeminism
comme/
intersectionnalité
comme analyse /
en terme de
rapports sociaux/
consubstantiels et coextensifs…

Mais à /
Queer En Théorie/
c’est le queer des noms/
le Queer des idées qui naissent /
sur les chaires des universités/
certes, souvent intéressantes/
mais qui oublie que/
la beauté du concept est facile
quand/
on ne fait pas partie
de /
multiples minorités/
quand on n’est pas /
parfois à soi /seulE/
la cible /
des dynamiques des /
rapports sociaux
que sont/
le genre, la classe,/
la race, la validité..;

 

Queer à paillettes/ aussi
Injonctions à la/
baise
injonctions à de nouvelles/
normes
Queer sonne alors comme
bien nantiE…

Alors, queer /
comme une désillusion?
Ou
juste /
comme des théories/des pratiques/
à requestionner/ à critiquer
à réinventer/ à dépasser…

Queer comme
redonner la parole/
queer , comme une chandelle/
au loin
pour construire des vies/
de solidarités
pour détruire les antagonismes/
pour abolir toutes
les frontières/
queer, pour faire exploser/
le genre/ la classe/ la race
et tous les autres rapports sociaux…

Queer as/
Fuck you
but /
especially /
Queer as/
I love you….

Naïel 22/08/2012

 

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3- On te connait aussi pour ton travail sur la question trans : qu’est ce qu’une militance trans par l’art selon toi ?

Tout d’abord, je ne pense pas qu’il y ait LA question trans, étant donnée l’hétérogénéité de ce qu’on appelle communément « le monde trans », mais DES questions trans.

Et je tiens aussi à rappeler que n’ai jamais spécifiquement travaillé sur les questions trans mais sur les questions relatives au genre ( avec « Destroy genders or Fucking genders: pour une société non binaire, « A la recherche de mon identité », « Fighting sexism is fighting gender », « Désa-corps/corps non normés » » Cyborgs’ Land », « Dépasser les identités » « Gender’s illusion », « No gender », la dernière en date » Trans/jections » et des portraits divers de copain-e-s qui transgressent le genre ou pas…).

De plus, si jamais j’ai été connu-e un tant soi peu, c’est tout d’abord pour mon travail sur et dans le milieu lesbien/gouinE, suivant les significations variables de ces deux termes dans l’histoire, et parce que j’ai exposé de 2003 à 2007 à Cinéffable (festival lesbien et féministe international non mixte de cinéma)

Ceci dit, je vais quand même essayer de répondre à ta question, mais celle ci pose en creux trois autres questions qu’on ne peut ignorer pour tenter d’apporter des esquisses de réponses qui font sens :

  • Qu’est-ce qu’être Trans?
  • Qu’est-ce que la/les militances? Pour quoi? Pour qui? Comment?..
  • Qu’est que l’Art?

Sans les coucher sur le papier, on présuppose que ces trois thèmes font l’objet d’un consensus au niveau de leur contenu, ce qui est loin d’être le cas.

Que signifie Trans?

On peut tout d’abord souligner qu’il est une réappropriation par les activistes trans, du terme transsexuel-le, étiquette mise par la psychiatrie, et donc un refus d’être défini par des instances psychiatriques surplombantes et toutes puissantes dans leur pratiques. Cette réappropriation faite dans les années 2000 en (f)rance, (terme repris ou pris par le G.A.T). Dans un tract en 2003, pour mettre fin à la guerre interne transexuelLE/transgenre http://transencolere.free.fr/), marque un tournant dans les histoires trans, dans le sens où en refusant et en dénonçant la psychiatrisation de leurs identités, les trans ont pris la parole (parole, qui, quand on est « malade mentalE », n’a aucune validité) et ont politisé ce qui jusque là relevait du domaine psychiatrico-médical et donc de la sphère du privé.

De victimes, les trans sont passé-e-s à acteurEs (même si le système protocolaire français les contraint toujours) de leurs vies, en dénonçant entre autres le système binaire hétérosexiste et sa machine à fabriquer l’Homme et la Femme.

Par ce terme « trans », les trans se sont auto proclamé-e-s trans, refusant par là même le système protocolaire français, qui définit qui est trans ou non, suivant des critères de stéréotypes de genre datant d’un autre temps, et suivant un parcours à sens unique, imposé, qui doit être complet même si à chaque étape, il est  toujours remis en question par le bon vouloir des psychiatres (pseudo-entretiens avec un-e psychiatre–définition du psychiatre– test de vie réelle–>T.H.R– T.H.S–opération de réassignation sexuelle).

Iels ont donc commencé à refuser les définitions, les discours faits par de pseudo-experts sur eux/elles.

IlLEs se sont iel-mêmes défini-e-s comme expertEs, acteurEs et décideurEs de leur propre existence contre un système médico-juridique qui les contraint toujours actuellement.

Juridique car, après ce parcours qui doit être “complet” suivant les normes des protocoles français, (protocoles eux mêmes proclamés officiels par les équipes psychiatrico-médicales dites « équipes off »), se pose la question de l’état civil (sans papiers quelque peu en adéquation avec votre « apparence », il reste difficile de se loger, de faire des études, de travailler, et donc d’avoir un semblant de vie et ne pas être précaire).

En (f)rance, cela relève de la jurisprudence et du bon vouloir des Tribunaux de Grande Instance, qui peuvent selon leur envie demander des expertises dites « médicales » très coûteuses, aux frais des personnes trans bien sur, en plus de tous les papiers “montrant le caractère irréversible de la transition”, qui sont totalement irrespectueuses  des droits humains (pratiques qui peuvent être des viols..).

Après un très rapide survol de l’apparition du terme trans et des contraintes à la normalité en (f)rance, qui n’est qu’une histoire des trans parmi tant d’autres, une fois l’autoproclamation faite et pratiquée dans les milieux activistes trans, que recouvre ce mot?

Je ne vais pas, ici, donner une définition de « trans », car il en existe, à mon avis, autant que de personnes trans, mais pointer les limites et conflits que pose toute tentative de définition :

Il existe de fait, une diversité importante des identités Trans, qui dans les pays anglo-saxons ont été regroupées sous la “transgender umbrella”, qui inclue toute personne qui ne correspond pas au stéréotype de genre attendus dans sa société.

Il est d’ailleurs intéressant, avant de parler de “transgender umbrella”, de noter  que l’apparition du terme “transgender” est due à un psychiatre ( encore) John F. Olivien de l’université de Columbia, en 1965, lors de la deuxième édition de son « Book Reviews and Notices: Sexual Hygiene and Pathology ». American Journal of the Medical Sciences, écrit pour les professionnels de santé aux Etats-Unis. Il utilise ce terme pour définir ce que la psychiatrie française appelle les “transsexuel-le-s primaires”, dans le sens où la sexualité n’est pas un facteur important.

Puis il semble qu’au milieu des années 70, toujours dans un contexte anglo-saxon, les termes “transgender” et “trans” aient été utilisées comme terme générique.

En (f)rance, comme dans beaucoup de pays, il a pu et est toujours source de luttes communes mais, aussi et surtout, de beaucoup de conflits, avec, toujours reprise cette fois ci par les personnes trans elles mêmes, la distinction entre vraiEs trans/ fausSEs trans déclinée de manières différentes suivant le temps.

Bref, le terme trans, polysémique et autoproclamé, pose notamment comme questions, comme toute « identité », dans une perspective de luttes :

  • L’inclusion /exclusion; sur quels critères; définis par qui?
  • Existe -t-il des spécificités communes à toutes les personnes transidentitaires, qui pourraient servir de socle commun pour des luttes?
  • La question de la hiérarchisation des vécus trans différents et des oppressions différentes (qui ne sont pas comparables et donc à priori pas hiérarchisables), et ceux qui sont mis en avant dans les différents sous-groupes trans.
  • La question de la porosité des frontières entre diverses “identités” et donc des “identités” qui se trouvent dans les marges (celles qui n’ont pas de nom).
  • La question de la non fixité de certaines “identités”, de leur fluidité, de leur variations dans le temps et l’espace…

Ceci est un listing très succinct, j’oublie certainement beaucoup de questions, et celui-ci ne concerne, de plus, qu’une infime minorité de personnes trans : celles qui se disent « trans ».

Qu’est ce que la/les militances?

J’aborderai cette question de façon succincte et de manière un peu schématique, sur un mode binaire, sachant que ces deux types de luttes peuvent s’entrecroiser, se chevaucher et aussi s’entretuer, ou tout du moins pour l’une d’entre elles piétiner l’autre.

La première est une militance pour l’égalité des droits : lutte essentielle pour toute minorité et qui ne devrait pas avoir lieu puisque les êtres humains ne naissent-ils pas égaux en droits dans ce beau pays???

Mais non, ce sont : “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits” ( Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, article 1)…

Cette forme de militance contient en elle-même ses propres limites, dans le sens où elle postule que les personnes qui les réclament, à juste titre, souhaitent “s’intégrer” à minima dans le système hétéropatriarcal pour la (f)rance.

Celle-ci, dans ses formes extrêmes, devient une lutte pour la sur/intégration/assimilation en piétinant les minorités à côté ou juste en dessous. C’est un petit peu ce qu’on peut voir à l’heure actuelle au sein du mouvement dit “LGBT”, avec les revendications du mariage, l’oubli total pendant une longue période des personnes trans puis une récupération des luttes trans depuis l’IDAHO 2009, avec le mépris pour les folles et les butchs dans les prides, et avec la montée de l’homonationalisme.

Mais sans ces luttes, pas de vie pour les minorités en question, seulement une survie. Ces luttes se font, essentiellement, au moyen de créations d’associations et de lobbying auprès des pouvoirs publics… Les plus grosses associations sont subventionnées par les pouvoirs publics et-ou sont affiliées à des partis politiques.

La deuxième est une militance qui conteste tout le système, qui ne souhaite pas s’y intégrer et souhaite le changer. Ces militances  sont généralement menées par des groupements d’individu-es ou collectifs, qui croisent diverses luttes, s’organisent souvent avec des méthodes D.I.Y. et qui ne sont pas subventionnées par les pouvoirs publics. Elle sont souvent fortement liées aux mouvement anarchistes et libertaires et fonctionnent avec des réseaux plus souterrains. Ce type de militance peut avoir comme limites la création d’un « entre-soi » qui tourne parfois en rond, et la faible diffusion dans l’espace public des actions.

Qu’est-ce que l’Art?

L’“art” est ce qui est reconnu comme art par le biais de la valeur marchande. Ni plus ni moins. En ce qui concerne la photographie plus précisément, elle n’échappe pas à cette définition, et de plus a été tardivement reconnue comme pratique artistique (années 1970) en (f)rance.

La photographie reconnue est celle qui percute, celle de l’image-choc et donc ce médium, utilisé seul, peut difficilement délivrer des messages politiques précis, puisque la photographie, de fait est polysémique.

Je vais donc, après tout cela, essayer de répondre brièvement à ta question : “qu’est ce qu’une militance trans par l’art selon toi ?”

Si j’étais trans au sens de “je suis/souhaite devenir ou et / passer pour homme”, j’essayerai, dans une perspective de militance pour des droits mais aussi dans une perspective de militance contre un système tout entier :

  • De montrer la diversité Trans sous la forme d’une série infinies de portraits/ espaces temps précis, accompagnées de la parole des personnes prises en photos;
  • D’ aborder les questions des corporalités trans (en intégrant « l’incorporation » au traditionnel concept de corps), tout en sachant que travailler sur les corporalités trans a deux écueils qui sont : réduire les trans à des corps (ce qui est déjà l’objet des reportages sur les trans dans les médias) et l’exotisation des corps trans;
  • De travailler sur l’empowerment de certaines populations trans/ réalité des vies trans sous un angle non victimisant;
  • De questionner la question de générations dans le « monde trans »;
  • De travailler sur l’intersectionnalité des oppressions sur un mode non victimisant;
  • Et surtout je questionnerai l’invisibilité trans dans la société, puisque « le passing » produit des hommes et des femmes différentEs ou pas, mais seulement des hommes et des femmes au niveau de la lecture que les autres peuvent avoir dans la rue;
  • Je pense que mes photographies seraient toujours accompagnées des mots des personnes;

Ces différents travaux seraient dans un objectif de plus grande visibilité,  de changement des stéréotypes toujours accolés au terme trans (« MTF, pute au bois de Boulogne » ou « MTF en cabaret ») et d’acceptation des personnes transidentitaires avec la problématique des conséquences du « montrer »:

-montrer/ s’habituer/ acceptation/ « intégration »/

mais aussi le risque:

montrer/ exotiser/ stigmatiser…

Mais, je suis juste “trans genderqueer”, je ne souhaite pas “passer” dans le genre tout court, et en même temps je suis lu-e comme un mec depuis quasiment un an à 100%. Cette nouvelle expérience de lecture de moi, me conduit encore vers d’autres réflexions, dans d’autres impasses personnelles à dépasser…

Si j’avais encore une quelconque espérance dans les luttes trans, je réaliserais peut être, en prenant la légitimité que personne n’est en droit de me refuser, ce que j’ai évoqué ci-dessus mais j’y ajouterai :

  • Des questionnements sur la notion même d’identité : son utilité politique, ses limites et son nécessaire dépassement (projet cases et normes).
  • Je continuerai à attaquer le système hétéropatriarcal, même si je n’ai guère plus d’illusions:

(j’ai un vieux projet écrit et dessiné bien avant « fucking genders » sur l’éducation, le formatage et la rééducation à l’hétérosexualité en tant que régime politique , inspiré par un film comme « orange mécanique »–> projet)

  • La question de la création de nouvelles normes, qui subvertissent les normes en cours dans la société, mais qui finissent par devenir des injonctions dans certains sous-groupes.
  • “Réfractaires au genre” (projet écrit en même temps que “fucking genders”): pourquoi, comment, qui sont ces personnes qui refusent le genre?
  • Un travail plus global sur l’antipsychiatrie, la question de l’enfermement des personnes en lien avec des questions trans….
  • et bien d’autres sur ce monde inhumain…

Je pense que ma pratique photographique ne pourrait être seulement photographique, elle s’accompagnerait de vidéos, de textes, et les formes seraient différentes…

Je parle au conditionnel, car pour l’instant les projets restent bien sagement écrits ou dessinés sur mes carnets, parce que j’ai oublié un élément essentiel à respecter pendant ces dernières années de ma vie:

Ne jamais mélanger créations/expositions militantes avec participation active à une militance de terrain.

Suite de l’entretien

Infogérance Agence cmultimedia.com