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Étiquette : Débat

L’art des corps

Isabelle Flumian, Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas

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Affiche du festival, juin 2013


Comprendre comment le corps nous construit et construit nos relations au autres, au monde. Comprendre les questionnements autour de la notion de Masculin/féminin : Est-ce une affaire de biologie ? De vocabulaire ? Une idéologie ? Une construction ? Peut on refuser de se définir ? La liberté sexuelle est-elle un enjeu politique ? On s’aperçoit que ce que l’on croyait figé est extrêmement mouvant. Et aborder ce sujet c’est comprendre sa complexité. 

(extrait de l’édito du festival L’art des corps de Lagorce)

De « l’identité » des passages

Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas

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(Photo, Emisphères)

 

A la demande d’une association, Pas de panique, nous sommes intervenues à Lagorce, minuscule village en Ardèche. Notre constat : le débat, pour peu qu’il corresponde à un interrogation profonde d’époque, réinterroge désormais à la fois ce qui compose nos identités et le lien social. Nous nous sommes appuyées sur cette expérience pour cette chronique du temps présent.

Est-ce une affaire de biologie ? De vocabulaire ? Une idéologie ? Une construction ?

A toutes ses questions, répondons « pas seulement », d’où cette « complexité » qui semble surgir alors qu’elle est déjà notre monde multiculturel et multi-identitaire ; partout où cette multitude se croise chaque jour dans l’espace public en étant soigneusement (re)genré pour adhérer aux normes publiques de genre et n’est jamais dite, entièrement absorbée par la symbolique du sexe d’où semble partir et se déployer. Il s’ensuit ce brouillage instrumentalisé dans l’espace médiatique par l’assaut contre les « théories du genre » et, ce qui nous intéresse ici, un dialogue d’aller et retours sur l’approche culturaliste que propose les études de genre. Comment passer du sexe au genre ? Que passe-t-on ? L’exposition d’Emilie (Emisphères) nous montre ce qu’il en est des graphies regenrées selon des envies, sensibilités, introspection. D’emblée, ces personnes semblent venir d’un espace hors-norme travesti. Sont-elles des femmes, des hommes, des travestis, des queers ? Emilie répond, non, juste « XXY ». Elle pousse l’indétermination au paroxysme des chromosomes prétendant dire, depuis cette détermination minuscule, invisible mais déterminante, ce qu’il en est dela biologie et n’est pas du côté du genre. Or n’est-ce pas là l’un des piliers de la modernité ? On se souvient du démenti d’Elisabeh Badinter, « XY, l’identité masculine ». Plus récent, l’analyse de Anaïs Bohuon sur le monde du sport, les tests de féminité et la Sud-africaine Caster Semenya. De quoi ce « XXY » est-il le nom ? Il ne surgit, non du corps et des éventuelles sexualités, mais de ce lieu anthropologique par excellence : l’identité. Et ainsi, cette question, lors du débat après le film de Ludwig Trovato : « Mais qu’est-ce que ce « genre » dont vous parlez, quelle différence entre sexe et genre ? » Ici, c’est moins le « transsexualisme », saturé de termes médicaux, que la norme qui devient problématique dans cet écart béant entre tradition et modernité, entre mondes encore fixes et mondialisme pressé qu’analyse Z. Bauman. Le trouble est ici à son comble. Remplacer le sexe par du genre revient-il à l’effacer ? Pour nombre d’entre nous, aucun doute. L’effacement de cette « frontière » biffe la frontière elle-même où il s’ensuit une perte de sens manifeste que d’aucuns ont analysé comme psychose. Défaite par une science dont la mission devait en confirmer la réalité surplombante, elle vient à défaire le surplomb attendu. XX ou XY ne fait pas de nous des femmes ou des hommes si nous ne le sommes pas. Ludwig dit sa complexité, changer de genre, et d’une partie des caractéristiques de la sexuation secondaire, mais non de sexe. Voilà qui dit le genre et ce que le genre fait au « sexe social » sans toucher au sexe biologique.

On l’imagine, public perplexe donc mais public curieux, fasciné mais non tétanisé : qu’en est-il de la limite à la liberté individuelle, me demande un bénnévole du festival. Se perd-on si l’on n’est plus limité, encadré ? La problématique du trans et sa pratique et théorie sont déjà comprises à ce stade en ce qu’elles reposent les questions anciennes, abattent la frontière supposée qu’occupait silencieusement le genre dans le clivage homo/hétérosexualité que Kevin Voinet met en scène dans ses clips. Comment aborder un tel sujet, au-delà de la simple figure d’un transsexualisme fabriqué « à coups d’hormones et d’opérations mutilantes », dit ce médecin dans « Je suis née transsexuelle » (1995, de Béatrice Pollet) ou d’un travestissement dont la fonction est de maintenir une frontière homo/hétérosexualité ? Plus ardu : quel est le corps de l’intersexe ? Si le corps n’est plus cette origine d’une nuit des temps, quel est-il ? En suis-je ce simple locataire de part l’indisponibilité sociojuridique, ou ce propriétaire de ses fonctions comme le soumet le questionnement féministe ? Pourquoi y a-t-il de l’indisponibilité ? Notre corps est-il ce que fait notre sexualité et, dans ce cas, comment continuer à dire et croire que le corps nous construit ? Qui est ce nous ? Ce qui surgit du corps ou de la relation, d’un rapport d’ordre des normes sur le corps, la sexualité, la différence entre les sexes ou son différent hiérarchique, sa mécanique injuste, inégalitaire ?

Peut-on refuser de se définir ? La liberté sexuelle est-elle un enjeu politique ?

Le genre surgit ici de manière nette. Nous nous nommons, nous fondons en tant qu’humanité au côté des déterminismes biologiques. L’humain ne se fonde nullement comme mâle ou femelle mais bien comme femme(s) et homme(s). Ajoutons : comme androgyne(s), intergenre(s). Le sens prédomine la matérialité corporelle, la sexualité et la procréation nous en rapproche. Mais s’il existait d’autres identités que l’ethno-anthropologie a analysé dans d’autres sociétés non-binaires ? L’édito nous questionne encore, insistant :

« Pourquoi notre société française, occidentale est elle si catégorisée, si « binarisée » ? Pourquoi doit-on s’identifier à un genre sexuel ? Que se passerait-il si on pouvait ne pas avoir à choisir entre il ou elle ? Qu’est ce qui est normal ? Quel est le référent ? »

Le corps ne serait-il donc pas (plus ?) le référent, ce point de départ à ces identités et sexualités ? Il s’ensuit cette remise en question qui peut être pour certain.es remise en cause et c’est le cas si l’on s’en tient aux multiples polémiques, des manuels SVT au mariage pour tou.te.s et aux compagnes actuelles où s’affrontent non seulement la tradition à la modernité mais encore des logiques scientifiques, des disciplines de la nature contre des disciplines sociales et humaines. Tant que l’homosexualité était ce « manque » que prétendait décrire une vision sociobiologiste, opposée à une hétérosexualité naturelle, nul doute : la liberté sexuelle par laquelle l’identité peut espérer atteindre un épanouissement, même temporaire et fugace, est bien cet enjeu débordant largement la seule sexualité. En un mot, cette épaisseur reliant le corps et ses corpus faisant « société ». Ainsi, « L’homme est indiscernable de son corps qui donne l’épaisseur et la sensualité du monde », phrase de David Lebreton que reprend Emisphères, titre de l’exposition d’Emilie. Le débat actuel sur le « Genre » ne fait pas exception puisqu’il rend visible ce qui tient du genre, ce qui le fonde dans/par l’articulation du genre à une tradition naturaliste. Mais que faire du trans, cet espace des transitions, traversées, reformulations de cette articulation lorsque la tradition bouge ? Fortement ancré dans une binarité et inégalité structurelles, ce débat peut surmonter les réflexes et clivages ordonnant hiérarchiquement et maintenant un tel édifice sans les esquiver, devant « déconstruire » cette « coïncidence sexe-genre » en tradition  pour pouvoir la « reconstruire ». Enjeu donc dans ce « malaise ». Beetwen the 2 de Tanvi Talwar n’esquive pas la question fâcheuse : « la conception du film est née de la gêne et peur de l’auteur envers les trans-sexuels. », écrit la réalisatrice.

L’enjeu dressé aujourd’hui des identités complexes et mouvantes aux côtés des identités monistes et fixes ne peut se rabattre en une modernité versus traditionalité, Occident vs non-Occident. L’étonnement, la curiosité faisaient place aux difficultés à aborder un type de savoir qui semble surgir de l’espace urbain, propre à sa logique de métamodernité en ligne dans un village où précisément les téléphones portables, cet outil de l’hypermodernité en ligne, sont muets. Etonnement mais aussi malaise dans le rapport aux « anciens » et sa hiérarchie naturaliste, non pensée. L’art des corps n’est donc pas une réponse univoque et se déploie en tant qu’interrogation des lieux et leurs usages culturels comme économiques.

L’art des corps est avant tout un art de vivre-ensemble que l’équipe de Lagorce (petit village de 200 habitants) autour d’Annie Goy ont investi et su montrer. A lui seul, le « Cabaresto » (mot-hybride de Cabaret et restaurant) en incarne la volonté et la voix gouailleuse de Danielle, élue aboyeuse, fidèle Madame Loyale écumant les rues et caves de Lagorce. Nous sommes accompagnées par Isabelle, élue médiatrice des Tablées (joli terme rapelllant le rituel de la parole autour d’une tablée), distribuant la parole pour ce qu’elle est : un don collectif à exprimer. 


Sur le fond

Isabelle Flumian

(Médiatrice des Tablées au festival de Lagorce)

 

Maud nous a posé une question qui n’a pas fini de tracer son sillon en moi :

Si nous pouvions ôter de nos identités tous les attributs sexuels secondaires, ainsi que tous les éléments culturels de genre qui nous constituent et nous ont constitué : que resterait-il ?

J’ai dit pendant la tablée qu’il m’était bien difficile de concevoir ce qui resterait ; que ça semblait être de l’ordre de l’inconcevable. Impression que mon genre « me colle à la peau » depuis l’exclamation primordiale « c’est une fille ! », le jour de ma naissance.

J’ai d’ailleurs un récit familial sur ce premier jour. Dont ma grand-mère paternelle est l’héroïne. Elle avait elle-même accouché de 2 garçons. Et j’étais la première de ses petits enfants. En ce temps-là, déjà, elle souffrait des jambes, et se déplaçait avec quelques difficultés. Le mythe dit que sous le coup de la joie, emportée par l’émotion, proférant en VO des « Santa Maria Benedetta ! », elle s’est précipitée dans les étages de la clinique…alors que ma mère et moi étions logées au rez de chaussée…

Bref.

Je ne trouvais pas d’impressions sensorielles, d’émotions qui m’auraient atteinte sans passer par le filtre de mon genre : j’ai écouté, senti, compris, coléré, craint, me suis réjouie ou désespérée, j’ai touché, été touchée…aussi en tant que femme. Et jamais en tant qu’être humain non genré. Donc tout ce qui me constitue s’est constitué autour d’un noyau genré. 

Sensible au vertige engendré par la question, je l’ai colportée. Je ramène une réponse qui m’a paru évidente une fois entendue, comme le « rien » me paraissait évident tant que je ne me posais la question qu’à moi-même :

il resterait le souffle ; la respiration.

Et je me dis du coup que peut-être, les cieux étoilés, les soleils couchants et les clairs de lune, ce que leur contemplation me fait, pourraient peut-être aussi compter parmi « ce qui resterait ».

C’est étrange, non ? Que les réponses se promènent du tréfonds de l’être, de l’essence de la vie, aux confins atmosphériques, voire cosmiques…

Autre écho :

Hors tablée, les débats se poursuivaient au Cabaresto.

Je garde en mémoire la récurrence des perplexités vis-à-vis de la trajectoire de Ludwig. De l’expression d’une certaine incompréhension sur cette distinction genre/sexe, incarnée dans une vie humaine. Les récits de trajectoires transexuelles nous stupéfient, nous édifient, ne cessent de nous enseigner des doutes sur ce qui semblait évident ou « naturel ». Le fait que Ludwig décide de « vivre une vie d’homme », dans un corps de femme partiellement transformé dépasse, pour certains d’entre nous, nos possibilités d’empathie.

L’auteur nous donne beaucoup d’indications, nous montre plusieurs facettes de ce qu’il est : des photos d’adolescence, des trajectoires de création audiovisuelle, des points de vue d’amis, de proches, de sa mère. Il retourne avec nous, pour le film, dans le village sicilien natal, la confrontation avec son père, des représentations de jeux sexuels,…

Et l’ensemble peine à faire un « tout » dans la représentation des spectateurs qui en parlent. Il y a toujours un aspect qui semble nous dire que nous n’avons pas compris l’ensemble, qui réfute une hypothèse d’entendement…

Une œuvre d’autant plus perturbante que la sincérité y scintille comme un diamant.

La violence de la mise à nu du père, pour les spectateurs. La séquence au cours de laquelle Ludwig parviendra à faire dire à son père qu’il ne l’a pas reconnu et ne le reconnaît toujours pas comme fils a été perçue comme violente dans sa longueur, violente par ce « forçage » médiumnique via la caméra, qui ne lâche pas le père comme s’il était prisonnier entre deux lamelles sous un microscope. La légitimité du fils était discutée, même si elle était aussi explicable par une violence (plus forte ? équivalente ?) de n’être pas reconnu.

      Le film de Jan Fabre « Quando l’uomo principale è una donna », a occupé une partie significative des échanges de la seconde tablée. Des réceptions contrastées se sont exprimées, allant de la fascination au dégoût.

L’interjection

Au cours des tablées, pour donner la parole à une personne qui l’avait demandée, lorsque je ne connaissais pas le prénom de cette personne, je me suis entendue la solliciter par un « Monsieur », ou « Madame », et, si la personne était jeune « Mademoiselle ».

Je me suis déçue moi-même, d’assigner un genre supposé à chacun(e ), à haute voix et en public.

Je me suis déçue aussi avec le « Mademoiselle », que j’ai personnellement œuvré à rayer de mes bulletins de salaires, relevés de caisses d’assurance maladie et bancaires. Je ne me voyais néanmoins pas interpeller une vraiment jeune femme par un « Madame ».

A un moment donné, une personne, peu « genrée » (je dis peu, car j’avais une hypothèse dominante, mais pas exclusive…), avait visiblement des choses à dire. Alors je lui ai proposé : « Oui ? Vous souhaitez dire quelque chose ? ».

Et cette manière de faire à son égard ne m’a pas plu davantage. Trop impersonnel. Alors excusez-moi (M’ssieursdames !!!!!), mais le langage me pose problème.

Karine nous a raconté comment elle s’y prenait avec un(e ) ami( e) au genre fluctuant. Qu’elle fonctionnait au feeling et employait selon les moments « il », « elle », ou « iel » (une invention permettant de concilier personnalisation du pronom, et double genre).

D’une part ça ne m’aidait pas avec des personnes dont je ne connais pas les choix. D’autre part, nous ne partagions pas (encore) les codes, nous autres attablés !!!

Sur les tablées

Heureusement que nous n’étions pas dans un lieu de passage. Que nous étions dans un lieu où l’on pouvait entendre, se concentrer sur l’écoute.

Il était précieux d’avoir avec nous Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas qui ont réussi quelque chose de rare : éclairer nos questionnements plutôt qu’y répondre. C’est-à-dire qu’elles nous ont apporté des clés sur l’histoire, les représentations médiatiques et culturelles du transexualisme ; ont formulé en termes accessibles à tous quelques problématiques sociétales liées à l’intersexualité et l’intergenre. Elles ont aussi beaucoup écouté et nous ont dit ce qu’elles avaient entendu de nous.

 Bref, tout sauf nous dire ce qu’il fallait penser : « chapeau bas ! ».

Le débat après Ludwig

Une partie des questions portaient sur le « hors champ », le « hors cadre ». Le film amène des questions. Selon moi, il n’y a pas à regretter l’absence de l’auteur. Les questions auxquelles il aurait (ou n’aurait pas) répondu, ont leur valeur en tant que questions. Nous aurions peut-être été plus « renseignés », informés, voire enseignés, par des réponses sur l’après, l’avant, les choix de ou de ne pas…

Mais la valeur de l’œuvre et de sa présentation ne réside pas dans l’histoire de vie de l’auteur. Mais dans ce que nous fait de voir ce que nous voyons, d’entendre ce que nous entendons, de comprendre ce que nous comprenons, dans le miroir qu’il nous tend, dans nos vies qui s’y reflètent et s’y réinterprètent. De le partager, de le mettre en culture, d’en faire culture. Et personnellement c’est ce qui m’intéresse.

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Ludwig Trovato


 Mise en ligne, 30 août 2013.

LG… BT? Bisexualité, transidentité : invisibilité(s)

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Débat au GIROFARD

Mutatis Mutandis
Maison des Femmes de Bordeaux


Observatoire Des Transidentités :

Ce n’est pas la première fois que nous rencontrons la Maison Des Femmes de Bordeaux et Mutatis Mutandis. L’occasion nous avait été déjà donnée d’un débat pour IDAHO l’an dernier sur la transparentalité dans les locaux de la Maison Des Femmes et en présence de Mutatis Mutandis. C’est de cette rencontre que découle l’envie, pour l’O.D.T., de laisser ses pages aux associations de terrain qui œuvrent pour aménager des espaces de discussions et de convivialité. Cette rencontre s’inscrit dans la veine des textes du mois dernier sur la place des « bi » et des « trans » dans le milieu LGBT. Il s’agit d’une retranscription complète d’un débat qui s’est déroulé au centre LGBT de Bordeaux (Le Girofard) le 20 octobre dernier en présence d’Audrey (Maison des Femmes) et de Léa (Mutatis Mutandis)


 Retranscription :

Alessandrin Arnaud (ATER en sociologie, Centre Émile Durkheim, Bordeaux)

Camille Trestard (Etudiante en M1 de sociologie, Université de Bordeaux)


Mutatis Mutandis

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L’association « Mutatis Mutandis » est une association bordelaise d’entre-aide et de soutien aux personnes transidentitaires. Elle a pour but de conseiller, d’orienter et d’informer sur la transidentité.

 

 Maison des Femmes de Bordeaux

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La maison des Femmes de Bordeaux est un lieu d’accueil, d’écoute et d’orientation ouvert à toute personne, dès lors qu’elle se définit elle même comme appartenant au groupe social « femme ». C’est aussi un espace culturel et de sensibilisation aux droits des femmes.

La Maison des Femmes de Bordeaux
27 Cours Alsace Lorraine – 33000 Bordeaux
tel. & fax : 05 56 51 30 95 – maison.des.femmes@wanadoo.fr 

Le Girofard 

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Le Girofard est le centre LGBT de Bordeaux – Aquitaine. Grâce au travail des différentes associations qui le composent, le Girofard a pu ouvrir ses portes en décembre 2009. Chacun peut y trouver une aide ou un accompagnement dans toutes les situations liées de près ou de loin à l’orientation sexuelle : santé, social, discriminations, écoute …

 


DÉBAT

 

 Léa

 Je vais commencer par parler de bisexualité avant de parler de transidentité.

Pourquoi traiter ce sujet? Parce qu’il n’est pas assez traité, notamment dans le milieu LGBT. A ma connaissance, il n’existe qu’une seule association nationale sur le sujet, alors que lorsqu’on ouvre la littérature psy, il semblerait que tout être humain soit potentiellement concerné par la bisexualité. On s’aperçoit que même au sein des associations LGBT, il existe des clichés sur la bisexualité. Lorsqu’on fait un parcours trans, on est parfois emmené à être bi. Comme on le verra tout à l’heure, les personnes transsexuelles ont une orientation sexuelle floue. La différence entre orientation sexuelle et identité de genre, c’est là ou se trouve toute la frontière. Aussi, les trans peuvent connaître des phases bisexuelles ou se questionner sur la bisexualité en lien avec leur quête identitaire. Effectivement, les phases bi peuvent aussi provoquer des questionnements identitaires.

Pour commencer, on peut tenter de proposer des définitions sur la bisexualité. C’est là que les choses se compliquent et cela rend le débat intéressant. 

Quand on ouvre le Petit Larousse 2011, on fait référence aux plantes et aux animaux.

  Premièrement, c’est la caractéristique des plantes et des animaux bisexués. Effectivement, la bisexualité a été décrite par des spécialistes d’entomologie, on y reviendra

 – La définition psy, c’est la coexistence dans le psychisme de deux potentialités sexuelles, une féminine, l’autre masculine.

 – Pratiques sexuelles indifféremment homosexuelle ou hétérosexuelle.

Selon Freud dans « Trois essais sur la théorie sexuelle », les bisexuel(le)s peuvent avoir des relations simultanées avec des partenaires de sexe masculin et féminin ; pratiquer la monogamie en série avec des partenaires de l’un ou l’autre sexe ; avoir des relations de plus ou moins longue durée avec des partenaires d’un seul sexe ou pratiquer la chasteté. La bisexualité se réfère au désir et au concept de soi, pas nécessairement au comportement.

 Dans son sens actuel, la bisexualité désigne des conduites et l’attirance sexuelle ou sentimentale pour des personnes de sexe féminin et masculin, soit simultanément, soit alternativement. La bisexualité agie (qui sous-entend une bisexualité ressentie) est une orientation sexuelle caractérisée par l’amour ou le désir sexuel pour les membres des deux sexes, distincte de l’homosexualité et de l’hétérosexualité. On distingue aussi la pansexualité, l’omnisexualité, ou encore l’asexualité[1]. Il y’a déjà des différences qui peuvent subsister dans les définitions. La définition de la bisexualité n’est pas si simple.

Ce qui est intéressant, c’est l’échelle de Kinsey. Alfred  Charles  Kinsey  (23  juin  1894 -­  25  août  1956)  était un professeur d’entomologie et de zoologie. Il s’est donc intéressé aux comportements des animaux avant de s’intéresser aux comportements humains. Il est  célèbre pour avoir publié deux importantes études sur le comportement sexuel de l’homme et de la femme[2] ainsi qu’une échelle à 6 niveaux (ce n’est pas une échelle de valeurs)

0   : Exclusivement hétérosexuel(le)  

1   : Prédominance hétérosexuelle, expérience homosexuelle  

2   : Prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuelle  

3   : Bisexuel(le) sans préférence  

4   : Prédominance homosexuelle, occasionnellement hétérosexuelle  

5   : Prédominance homosexuelle, expérience hétérosexuel(le)  

6   : Exclusivement homosexuel(le)  

Il s’est alors aperçu qu’il n’y avait pas de catégorie claire, mais une échelle dans laquelle on pouvait éventuellement tenter de se positionner, et cette échelle a été largement admise et reprise dans les études LGBT.

 Faisons quelques références historiques et psychologiques  

Plutarque affirme que :

« Celui qui aime la beauté humaine sera favorablement et équitablement disposé envers les deux sexes, au lieu de supposer que les hommes et les femmes diffèrent sous le rapport de l’amour comme sous celui du  vêtement ».

 

Selon les écrits d’Eva Cantarella, pour un Athénien, la bisexualité (au sens d’un comportement impliquant des rapports aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes) était la règle. Ce qui ne veut pas dire, et il faut être clair sur ce point, que l’homme grec était sexuellement libre : le choix du sexe du partenaire était déterminé par des règles sociales très précises, liées à l’âge et au statut des personnes. Il était interdit, par exemple, d’avoir le moindre rapport avec des esclaves.[3]

Dans le mythe d’Hermaphrodite, fils d’Hermès et d’Aphrodite, on voit comment l’amour désespéré d’une nymphe pour ce garçon magnifique a donné naissance à un être hybride à la fois homme et femme. Les textes antiques dépeignent ce mythe en associant la bisexualité et l’androgyne et en renvoyant ces caractères au rang d’une « monstruosité » à savoir un :

« Événement ou un être étrange, extraordinaire, envoyé par les dieux pour signifier aux  êtres humains que la pax deorum avait été rompue, en  d’autres termes la bonne entente entre les mortels et les immortels. »[4]


Chez les romains le comportement moral suppose qu’un homme libre doit être actif, c’est-­à-dire être celui qui pénètre  : la passivité chez un citoyen libre est infamante et fait perdre tout honneur à celui qui s’est fait pénétrer.  (On pourrait parler de bisexualité active : pour affirmer leur identité d’homme, les hommes devaient pénétrer.).  

Au début du XXe siècle, Freud échafaudait le concept de «bisexualité psychique», entendu comme « l’idée que chaque sexe manifeste certains traits caractéristiques de l’autre ». Il estimait qu’en chacun de nous existait « du masculin et du féminin, ces notions faisant partie des notions les plus confuses du domaine scientifique».[5] Il avait peut-être déjà compris qu’il pouvait y avoir un peu de l’homme et de la femme dans chacun d’entre nous. 



Audrey

« 58 ans, profession libérale cherche femme âge et profession en rapport, célibataire sans enfant, aimant animaux, ciné, loisirs, restau. Fumeuse, alcoolique, bi, s’abstenir. »

« 39 ans, femme, non-fumeuse, sincère, câline, cherche femme féminine pour relation durable et saine. Pas sérieux, bi, alcoolique et masculine s’abstenir. »

« Féminine cherche femme pour relation très sérieuse. Bi, Trans, s’abstenir. Je recherche une vie de couple équilibrée »[6]  

 

On trouve ces annonces un peu partout, mais là on a tenté de réfléchir sur les clichés. Comme Léa l’a dit, il n’y a qu’une association en France sur ces questions (Bi’cause) et en cherchant sur leur site on trouve des références à Catherine Deschamps, une chercheuse qui a écrit il y a dix ans maintenant un livre qui s’intitule : « Le miroir bisexuel »[7]. Et sur le site de Bi’cause, ils se basent sur les clichés développés par Deschamps et Bi’cause note différents clichés (et y répondent)[8]

La bisexualité n’existe pas – Elle existe puisque nous existons 

La bisexualité n’est qu’une phase de transition C’est vrai pour certains qui finissent par s’installer durablement dans une relation hétéro ou homo. Pour d’autres : la transition doit s’étaler sur l’espace de toute une vie… 

La bisexualité n’est qu’une mode. N’est-ce pas la mode qui s’est emparée de la bisexualité ?  Les pratiques bi existent de tout temps et lieux…

Les bisexuels sont incapables de se définir : si l’on demande à 10 bis de se définir probable que leur définition ne seront pas superposables, la même chose si on demande aux  hétéros et aux homos de se définir. Pourquoi devrait-on imposer davantage aux bis une homogénéité ? 

Les bisexuels sont des traîtres à la cause homo : rien n’empêche les bis de militer aux côtés des LG. Etre bis c’est, entre autres, être homo – c’est aussi subir les mêmes discriminations, les insultes, la violence physique et verbale, etc. 

Les bisexuels sont incapables de choisir : depuis quand le choix implique-t-il l’unicité? Avoir deux objets de désir (hommes et femmes) résulte d’un choix au même titre que n’en avoir qu’un.  

Les bisexuels sont forcément infidèles : comme tout le monde. Ni plus, ni moins. Il peut y avoir un ou une partenaire exclusif sur une période. Même droit que d’autres d’avoir des multipartenaires. 

Les bis sont tous des obsédés sexuels : la sexualité des bis pas plus débridée que celle de leur voisin de palier. Les bis développent la même énergie que ceux qui ne le sont pas : multi-partenariat, vie de couple monogame, célibat par choix ou non.

Les bisexuels sont sans points de repère : un peu vrai, toujours selon Bi’cause, car en France pas de visibilité bi ni (embryon) une culture structurée.

Les bisexuels sont ceux qui transmettent le SIDA : ce sont les comportements qui sont à risque et non les groupes. 

La bisexualité est une condition du sentiment d’être au monde avant d’être un style de vie ou une collection d’expériences. On peut aussi avoir des pratiques uniquement homosexuelles ou hétérosexuelles et se penser comme bisexuel.

Juste un aparté sur les femmes, comme je travaille à la Maison des Femmes : on s’est rendu compte que la bisexualité féminine est moins observée et décrite que la bisexualité masculine. Elle a été la grande oubliée des recherches. Sûrement par rapport aussi aux études épidémiologiques qui ont attrait uniquement aux hommes. Les relations entre les femmes bi et les femmes lesbiennes me semblent plus conflictuelles que les relations entre les gays et les hommes bi. Même si on retrouve toujours la notion de traîtrise. Par contre, historiquement, l’association Bi’cause, elle, a été « portée » par trois femmes et les études sur la bisexualité sont majoritairement faites par des femmes.

Dans le dictionnaire Gay et Lesbien[9] dirigé par Didier Eribon[10] nous pouvons lire que :

« Si certains et certaines se servent de la bisexualité en vue d’obtenir plus de qualification sociale possible, les hommes trouvent souvent plus de bénéfice à se donner à voir comme hétérosexuels ou même comme homosexuels. Tandis que les femmes utilisent l’identité bisexuelle comme une stratégie de réappropriation du pouvoir masculin, c’est-à-dire qu’elles comptent sur les stéréotypes associés par leurs partenaires sur la bisexualité, pour s’assurer davantage de liberté au moins potentiellement au sein du couple. »

 

Mais on dit LES homos, LES hétéros, LES bi, LES trans comme si tous les individus étaient semblables, comme si les groupes étaient homogènes et comme si les clichés que je vous ai cité n’étaient pas applicables à tout le monde. Il faut certes faire une différence entre pratique sexuelle et l’être, l’identité, ça Catherine Deschamps le montre bien, ça peut être une sexualité, mais aussi une identité, une phase transitoire ou une pratique dans l’échangisme par exemple, ou une définition de soi alors même que l’on a que des pratiques homos ou hétéros. Si tout peut exister n’est-ce pas simplement une question de personne ?


Arnaud : Merci de ces interventions. Peut-être, avant de laisser la parole à la salle, j’aurais deux questions à poser. La première à Léa : tu as commencé à établir un lien entre « transidentité » et « bisexualité », pourrais-tu revenir sur les différences ou sur les ressemblances qui t’apparaissent face à ces deux termes? 

Léa :

Pour répondre à cela peut-être qu’il d’abord définir la transidentité. C’est un terme qu’on utilise plus dans le monde associatif, mais malheureusement on le connaît plus sous le terme de « transsexualité », c’est un terme que les personnes trans aiment moins. Si on ouvre le Petit Larousse 2011, on lit : « Conviction qu’a un sujet d’appartenir à l’autre sexe, qui conduit à tout mettre en œuvre pour que son anatomie et son mode de vie soient le plus conforme à sa conviction ». Le Larousse définit ainsi la « transsexualité », en conformité avec la littérature psy. Le terme transidentité, plus connu dans le monde associatif, et plus reconnu des trans, pourrait se définir comme un désaccord entre le sexe et le genre, ou à minima, entre le genre social, et le genre ressenti. C’est toute la nuance, être pour soi, un homme ou une femme et être reconnu comme tel lorsque les personnes trans vivent ce désaccord profond entre anatomie et genre puisqu’on serait condamné, de par notre anatomie, à notre genre assigné ; alors que le genre ressenti peut amener jusqu’à l’opération. Mais pas toujours, il faut avoir bien en tête que toutes les personnes trans ne vont pas jusqu’à l’opération.

Notons que dans aucune de ces définitions l’orientation sexuelle ne rentre en ligne de compte.  

Pourtant, Magnus Hirsfeld a décrit la bisexualité de manière conjointe à la transsexualité (En parlant des « Uraniens », mot introduit à la fin du XIXe siècle par l’activiste Karl Heinrich Ulrichs, et qui regroupait toutes les personnes que l’on dirait aujourd’hui LGBT). Il créa la théorie des « inter-­marches sexuelles » (en allemand : sexuelle Zwischenstufen), il s’agissait d’une échelle allant de la masculinité à la féminité qui englobait les homosexuels, intersexué-­e-­s et transsexuels (ou personnes transgenres).    

Magnus Hirsfeld était une sorte de visionnaire, puisque Harry Benjamin et Robert Stoller, parleront dans les années 50 de «continuum» entre les genres. Les catégories ne sont donc pas totalement binaires. Aussi, cela montre que des personnes peuvent éventuellement ne pas aller jusqu’à l’opération, ce qu’on pourrait appeler les personnes transgenres, ou vivre alternativement d’un genre à l’autre. On retrouve ici le continuum de l’échelle de Kinsey, même s’il ne faut pas confondre orientation sexuelle et identité de genre.

Mais il peut y avoir des passerelles entre la bisexualité et des questionnements  identitaires dans le parcours trans  

Les personnes trans ont pour la plupart une orientation sexuelle qui est floue. Beaucoup sont bi de par leurs parcours de vie. Des MTF ont été mariées avec des femmes et ont eu des enfants, avant de faire leur transition. Un certain nombre de trans (notamment parmi les MTF), une fois le parcours terminé, poursuivent des relations avec des personnes du même genre. D’autres considèrent qu’une vie hétéro permettra de poursuivre ou de confirmer leur accomplissement identitaire. Au plan psy, la nuance entre « posséder » un corps et «avoir un corps » est une frontière ténue, qui bien qu’infranchissable pour les personnes non trans (cisgenres), peut nous perdre dans nos questionnements identitaires, et parfois nous attirer de mauvais jugements des psys. D’ailleurs, certains protocoles imposent, pour la poursuite du parcours, que la personne trans s’affiche clairement (sans ambiguïté) comme hétéro dans le genre de destination. Alors que si on superpose l’échelle de Kinsey avec toutes les identités de genres possibles on a une double échelle qui rend les choses floues.

Bien que je me dise aujourd’hui plutôt hétéro, j’ai eu, après mon parcours, une relation avec une femme qui elle-même avait des questions identitaires. Loin d’être trans, elle connaissait les trans mais ne s’y identifiait pas, elle ne savait pas se déterminer dans la case hétéro ou homo. Donc gare aux modèles stricts et binaires. Alors qu’il y a encore des protocoles qui demandent qu’on s’affiche hétéro dans le genre de destination…

Finalement il est difficile pour une personne trans de trouver des partenaires amoureux cisgenres tolérants. On peut citer de nombreuses expériences de trans MTF qui ont été rejetées

par des garçons qui ont découvert l’origine trans de la femme qu’ils étreignaient, les renvoyant eux même dans leurs propres angoisses identitaires (suis-­je un homo?… ça, c’est pas de la théorie… c’est du vécu !).  

On pourrait dire en la circonstance que pour une trans MTF, la rencontre avec un garçon bi peut constituer un espoir, puis qu’elle éviterait ce genre d’angoisse.  

La transidentité et la bisexualité sont liées par le caractère dérangeant de ambiguïté, la dissolution de la frontière entre les genres. On n’hésite pas, et cela depuis les écrits antiques, à associer hermaphrodisme et bisexualité, voire à les confondre. Ce qui peut être le plus angoissant, c’est de ne pas être identifiable, de ne pas être reconnu (selon la pyramide de Maslow, la satisfaction du besoin d’appartenance est une étape indispensable à l’accomplissement de tout individu). Pour beaucoup de personnes  (trans ou cisgenre) c’est de ne pas être reconnu comme une femme, ou comme homme, qui pourra être une source d’angoisse. Pour d’autres, la manière de s’accomplir (pour un temps plus ou moins long) sera de revendiquer une identité trans, ou volontairement transgenre, androgyne.

Est-­ce une identité d’être bi? Est-­ce un révélateur d’une autre identité? Ou être bi, serait-ce simplement une étape possible dans tout parcours de vie ?

Arnaud : Audrey, il y’a un lien qui se fait, un parallèle immédiat sur la notion de pratique sexuelle et d’identité sexuelle. Dans ce que tu nous as dit et au vu des clichés que tu nous as exposé, il semblerait que ton point de vue serait de dire : intéressons-nous aux individus et non aux étiquettes. Pourrais-tu nous en dire plus sur l’articulation entre pratiques sexuelles et identité?

Il y’a une majorité de personnes qui sont bi ou qui seraient bi, qui ne le disent pas, mais qui le vivent. À côté, il y’a des gens qui se revendiquent comme bi, c’est-à-dire du côté de l’identité et du militantisme (on parle ici de militantisme politisé). Disons que la grande majorité serait invisible, d’ailleurs, on dit que la bisexualité serait une délatrice de l’invisible. La bisexualité serait (pour certains et ironiquement…) une transition qui durerait toute une vie.

L’autre chose qui nous semble intéressante, c’est la notion d’invisibilité justement, puisque bi’cause a défini plusieurs priorités contre la biphobie : lutter contre l’invisibilité, l’isolement, le mépris, l’incompréhension. On s’est donc posé la question de l’injonction à l’homosexualité et de l’injonction à l’hétérosexualité.

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Voici une campagne québécoise que je trouve assez intelligente : là c’est une blonde aux yeux bleus, mais ils ont utilisé d’autres profils… L’hétérosexualité reste ce par quoi la normalité est définie, et les hétéros ne se disent pas entre eux qu’ils sont hétéros, il n’y a pas de coming out hétérosexuel (ou je n’en ai pas vu !).

Le présumé hétérosexuel touche tout le monde, mais le présumé homosexuel existe aussi. Si vous vous retrouvez dans un milieu gay et lesbien autour d’une table, tout le monde autour de la table présumera que vous êtes homosexuel. Or les personnes à la table ne sont pas forcement homosexuelles mais peuvent être bisexuelles, hétérosexuelles…

Catherine Deschamps dans son livre le miroir bisexuel estime que « travailler sur la bisexualité est un bon outil pour mettre en cause la bipolarité », dans ce qu’elle dit « L’homosexualité se définit par pratiques et culture, bisexualité uniquement par des comportements »[11]. Il y’a qu’un embryon de culture bisexuelle, et donc pour la politisation, c’est plus difficile, parce qu’il y a moins de références.

On s’est aussi posé la question de l’homogénéité. Didier Eribon parle dans « Papiers d’identité » de « la communauté homo »[12] :

« Quand vous prenez la parole sur des questions homosexuelles, est-ce que vous le faites en tant qu’individu ou au nom de la communauté gay et lesbienne ? »

« Vouloir parler au nom de la communauté présupposerait qu’une telle communauté existe, qu’elle serait un groupe homogène, dotée d’un ensemble d’idées et d’objectifs bien identifiables. Ce n’est évidemment pas le cas et ce n’est pas possible ni souhaitable que cela puisse le devenir. Il faut le dire clairement, la communauté gay et lesbienne n’existe pas. Ce qu’on appelle communauté est une réalité très floue qu’on a du mal à circonscrire et à définir. Ce n’est rien d’autre au fond que la somme jamais définitive des comportements, des actions, des écrits, des paroles, etc.  De tout un ensemble de gens très différents les uns des autres. C’est toujours en tant qu’individu que je m’exprime, mais je crois en revanche que des individus peuvent faire exister un discours et des positions intellectuelles et politiques dans lesquelles d’autres personnes choisissent de se reconnaître à un moment ou à un autre, totalement ou partiellement »    

C’est important par rapport au cliché : la notion de discréditation. Je cite Eribon dans « Réflexions sur la question gay »[13]:

« Tel individu n’a pas besoin d’être effectivement discrédité s’il est par avance discréditable, le seul fait d’être discréditable et de savoir qu’on l’est et de redouter d’être discrédité agit sur la conscience et l’inconscient des individus, comme une force d’assujettissement et de domination intériorisée, redoublée par l’angoisse d’être découvert et par l’autocensure nécessaire pour ne pas l’être »

Eribon se base, dans le chapitre « un monde d’injures », sur Erving Goffman[14] et son concept de stigmate.

C. Deschamps reprend Goffman pour dire que :

« Le terme de stigmate ainsi que ses synonymes permet deux points de vue : l’individu stigmatisé suppose-t-il que sa différence est connue et visible sur place ou bien pense-t-il que sa différence est méconnue, mais immédiatement perceptible par les personnes présentes? […]Dans le premier cas, on considère le sort de l’individu discrédité, dans l’autre, celui de l’individu discréditable. […]On pourrait supposer que les bisexuels appartiennent à la catégorie des individus discréditables. Rien ne signifie dans l’apparence des bisexuels leur pratique ou leur orientation sexuelle. Dans un second temps toutefois, on pourrait dire tout autant que ceux qui se disent, qui s’affirment publiquement entrent dans la définition des discrédités […] Ce serait oublier un phénomène dont Goffman ne tient pas compte : le libre arbitre des individus, car ceux qui revendiquent leur bisexualité choisissent de le faire, rien ne les y obligent. Davantage que d’être discrédité, ils se discréditent volontairement. Les bisexuels appartiennent à une catégorie qui garde le choix de l’expression de sa différence, non pas que les personnes une fois adultes ont à proprement parler le choix de leur orientation sexuelle, mais du moins gardent-elles la possibilité de les taire. Les seules à les connaître sont alors leurs partenaires sexuels. Les bisexuels femmes et hommes ne portent pas en bagage corporel le fardeau de leur orientation sexuelle. Ils peuvent se délester ou se décharger de leurs différences au gré de leur volonté à signifier ».[15]


Pour terminer, je donnerai deux citations :

« Une même personne peut décliner quasiment à l’infini ses auto-désignations sexuelles, en fonction d’un vécu en mouvement et parfois indépendamment de ses pratiques effectives ».[16]

« Il peut-être politiquement important d’affirmer que l’on est homosexuel, il peut-être politiquement nécessaire de refuser de répondre à l’injonction de se définir. »[17]

 

Question 1 : Est-ce que se dire bisexuel c’est pas une manière de renverser aussi le stigmate? Tout comme pour les personnes trans?

Réponse 1: Ça pourrait être analysé comme ça, mais dans la tête de la personne trans ça se pose pas en ces termes. Le fait d’aller de l’avant c’est une évidence. C’est au-delà d’un geste de survie. Stigmatisé ou pas il faut que ça avance. C’est en tout cas prendre la décision de ne plus se cacher, de s’accomplir… on peut peut-être appeler ça ou peut-être dire qu’on veut plus se stigmatiser soit même.

Réponse 2 : J’ai l’impression c’est lié à la notion d’identité, c’est-à-dire à un moment donné, de ne plus être dans l’invisibilité. Les gens ne sont pas homosexuels, ni hétérosexuels, ils veulent être reconnus pour qui ils sont. Je sais pas si c’est vraiment renverser le stigmate parce que tu peux être encore plus stigmatisé puisqu’à un moment donné il est peut-être plus confortable d’être considérée comme lesbienne que d’être considérée comme bisexuelle. Peut-être vis-à-vis d’une histoire entre les lesbiennes et les féministes et les notions de traîtrise, de collaboration avec l’ennemi… etc.

Question 2 : Y’a toujours une certaine dose de sexisme chez les personnes bisexuelles hommes ou femmes. Y’a pas mal de lesbiennes qui refusent de sortir avec des femmes bi etc… C’est parce que certaines lesbiennes considèrent les femmes bisexuelles comme des sortes de « mères maquerelles », des femmes qui vont les livrer à leur compagnon homme et inversement pour les hommes, la femme bisexuelle, c’est un peu le grand fantasme…

Réponse : Une femme bisexuelle est supposée rabattre vers son compagnon parce qu’elle est supposée en avoir un… Dans les clichés tout ça est totalement réduit, je veux pas dire détruit, mais…

Question 3 : Aussi y’a pas mal de personnes homosexuelles qui renvoient les bisexuels à leur hétérosexualité… Ça fait un petit peu un « renvoi de balle » puisque la communauté homo renvoie à la communauté hétéro et la communauté hétéro renvoie à la communauté homo. Vous parliez de question identitaire tout à l’heure et je crois que dans l’expérience des bi c’est une question de quête identitaire puisque y a pas réellement de culture… Découvrir à l’adolescence qu’on peut être attiré par une personne du même sexe ça peut être vécu plus ou moins bien. Et puis tomber amoureux d’une personne de l’autre sexe et se demander : « où est-ce que je me situe ? ». C’est vraiment la question de « homosexualité » ou « hétérosexualité »… et finalement y a pas vraiment de possibilité pour se dire « homo » et « hétéro »…

Réponse : La bisexualité interroge la bipolarité. Catherine Deschamps dit d’elle que c’est une « formidable fouteuse de merde ». Parce que, par ça, elle va interroger les pratiques sexuelles  et que c’est pas « tout blanc » ou « tout noir ».

 

Question 4 : on a vu qu’avec la question trans y avait un certain refus de la notion de transsexualité au profit de la notion de transidentité. À partir de là, est-ce que la bisexualité peut-être définit comme l’affirmation d’une identité?

Réponse 1: Dans l’association Bi’cause ils revendiquent une identité. À mon avis, c’est aussi l’absence de culture. Alors y’a un drapeau, mais c’est là on se pose la question de la pratique ou de l’identité, des êtres. Parce que les militants sont du côté de l’identité

Réponse 2 : Demandez à une personne trans si la bisexualité est une identité, elle vous répondra que non, c’est une orientation sexuelle. Parce que les personnes trans font clairement la distinction entre identité de genre et orientation sexuelle. Maintenant d’un point de vue du sentiment d’appartenance des personnes bi, qu’elles soient trans ou pas, certaines personnes vont décider de l’affirmer en tant qu’identité, pour satisfaire un besoin d’appartenance à un groupe et d’autres non.

Réponse 3 : Sur la notion d’identité y’a deux voies : soit on dit il faut de l’identité auquel cas on assume ce qui va avec l’identité (les stigmates un lieu d’appui pour un contre stigmate) ou alors on fait le deuil de l’identité on s’intéresse aux pratiques, aux corps. En tout c’est d’un point de vue individuel que les épreuves se résolvent, et non d’un point de vue communautaire d’autant plus que la communauté est plus éparse qu’il n’y parait.

Question 5 : Y’a des jeunes qui pensent que le fait de se dire bi ça passe mieux que de dire qu’on est homo…

Réponse 1 : L’érotisation aussi est associée à la bisexualité, c’est quelque chose de différent. La notion de transition elle est juste aussi : peut-être est-ce une transition d’une sexualité à une autre. C’est humain aussi, ça peut être une solution de facilité, y’a pas de jugement à porter là-dessus. Où ça peut être dans le discours une manière d’amener son homosexualité, parce qu’amener son hétérosexualité ça doit être plus simple (rires). Mais y’a aussi cette notion de bisexualité, qui est soit récurrente, soit ponctuelle.

Réponse 2 : Soit d’un point de vue communautaire on pense que ces jeunes ne font qu’entrouvrir le placard et on se demande ce qu’ils attendent pour l’ouvrir complètement soit on adopte un point de vue plus individuel et on regarde d’un point de vue de l’acteur, d’un point de vue stratégique ce qui est mieux pour lui.

Réponse 3 : Le vécu en mouvement, je trouve que c’est une expression intéressante

Question 6 : Pour compléter ce que tu disais sur les partenaires, y’a aussi des trans lover, qui vont séduire des personnes trans pour tester leur attirance homosexuelle…  Ce qui intéresse c’est plus l’ambiguïté. Mais c’est pas des hommes qui se définissent comme bisexuels, mais comme hétéros…

Réponse 1 : Parce que c’est peut-être une pratique hétérosexuelle

Réponse 2 : Ça signifie aussi que l’orientation sexuelle réelle ou supposée d’une personne soit plus en lien, dans ce cas, avec le genre de la personne avec qui on est qu’avec son sexe anatomique, et est plus dépendante de la pratique sexuelle que de la sexualité elle-même. Là on rejoint peut-être ce tout ce qui de l’ordre de la pansexualité selon laquelle on s’intéresserait plus aux individus en tant qu’êtres qu’en tant qu’êtres sexués. Là y’a peut être un lien avec la bisexualité puisqu’en effet si on s’intéresse à l’individu en tant qu’être la bicatégorisation s’effrite.

Réponse 3 : Non, mais c’est une réalité. On a beaucoup de personnes qui en cours de transition connaissent un désintérêt de la personne avec qui elles sont une fois l’échéance de l’opération arrive.

 

Question 7 : Moi il me semble que cela pose une question : comment dans un lieu LGBT, LG, enfin G, comment faire cohabiter les deux logiques, les deux principes, qui sont celui, de la revendication identitaire, utile politiquement, utile pour la visibilité, et en même temps la nécessité de penser la fluidité, on parlait d’ambivalence, qui est sous-jacente à toute communauté, à tout rassemblement. Alors soit on pense qu’on multiplie les lettres : LGBTIQH et on n’en finit pas… y’a tellement d’identité qu’il n’y aurait pas assez de lettres, ou alors on repense l’agenda militant LGBT pour inclure toutes les minorités des minorités, dont il semblerait qu’elles en soient les minorités, mais rien ne le prouve, notamment d’un point de vue statistique. Ça pose une question : dans nos associations respectives, comment faire pour inclure les minorités?

Question 8 : Ça me dérange le « G », comme si c’était la communauté gay qui était à l’origine d’un rejet. L’invisibilité des bi pour moi elle est due aux bi eux-mêmes… Parce que c’est difficile de s’affirmer en tant que bi. Si les bi ne s’affirment pas … On ne peut pas accuser les gays de faire de l’ostracisme.

Réponse 1 : Donc il faudrait faire de la discrimination positive c’est ça?

Réponse 2 : Y’a de la biphobie dans la société en général. Après tu vas avoir de la biphobie chez les hétéros et de la biphobie chez les homos comme tu auras de l’homophobie chez les hétéros et de l’homophobie chez les homos. Parler de biphobie ne stigmatise absolument pas les gays. Après on peut se poser la question de l’homme : un homme blanc est gay reste un homme blanc et gay et une femme reste une femme (ou pas), mais on part sur la notion de hiérarchie…

Réponse 3 : Le constat qu’on a fait en préparant ces exposés, c’est que cette biphobie ou l’invisibilité des personnes bi, c’est aussi vrai dans la sphère hétéro que dans la sphère homo. Aux premiers abords, on serait tenté de penser que les personnes bi ne rencontreraient aucune difficulté, mais ce n’est pas vrai.

Réponse 4 : Après les bisexuels s’intéressent plus, je ne sais pas si c’est à la communauté ou à la culture, homosexuelle, que les homosexuels ne s’intéressent aux bisexuels.

 

Question 9 : Il y’a aussi la différence fondamentale entre l’orientation sexuelle telle qu’elle est vécue et telle qu’elle est ressentie et ça apporte une nuance supplémentaire, et est-ce que l’identité, ça ne peut pas être cette expérience ressentie plus que vécue? Ce qui limite l’amalgame avec la culture.

Réponse 1 : C’est la différence entre l’être et le ressenti, c’est pour ça que certains parlent de bisexualité vierge, et c’est vrai que la notion de culture c’est autre chose.

Réponse 2 : Il faut intégrer le levier discursif. La manière dont on va se parler, dont on va se penser aussi.

 

Question 10 :Est-ce que la bisexualité c’est pas : pouvoir être homosexuel puis hétérosexuel, sans amalgamer les deux. Dans les questionnaires, on voit : « homo », « hétéro », et moi j’ai envie de rajouter la case «sexué »? Pourquoi toujours se justifier ?

Réponse 1 : Est-ce que ce n’est pas retirer aux gens la capacité ou l’envie de se nommer et de se réunir en communauté. On ne peut pas reprocher aux gens de vouloir se nommer, d’autant plus que dans la communauté LGBT, on a créé un B. Et on leur retirerait ce droit à la visibilité ? À la mise en place d’une culture, d’une identité, on pourrait trouver des nuances ? Ça semble aussi ambivalent comme position …

 

Question 11 : y’a tellement de catégories dans lesquelles les gens ne se retrouvent pas, et c’est ce qui me dérange, est-ce qu’on est vraiment obligé de catégoriser? On va finir par avoir les vrais bi, les faux bi…

Réponse 1 : C’est le problème des catégories alors que les gens doivent rentrer dans des cases… Le langage nous fait vivre et nous tue à la fois c’est-à-dire qu’en même temps on est obligé de dire que… et on s’enferme… Les hétéros on va dire que c’est quoi ? Le mariage, etc. mais y’a des gens qui ne vont pas retrouver là dedans. Et en même temps les gens se regroupent à un moment donné par rapport à quelque chose. C’est proche de la notion de lutte collective.

Réponse 2 : Oui parce que si les catégories ne font pas sens ça ne veut pas dire qu’il existe forcément un au-delà des catégories. Alors, comment passer de catégories qui ne font pas sens à un au-delà des catégories illusoire, sûrement dans la multiplication des pratiques de manière à flouter toutes les identités.

Réponse 3 : Je sais pas si y’a pas d’au-delà des catégories. Moi je suis étudiant en biologie et jusqu’au 19e s. la pensée en biologie qui permettait de faire évoluer la science c’était la pensée classificatoire. Chaque espèce à une famille, un genre, une classe, des catégories et des sous-classes. À partir de la moitié du 20e s., cette pensée a été remise en cause avec les notions d’évolution et de continuité. Je pense que la notion d’individu et de personnalité sur laquelle on était tout à l’heure est aujourd’hui ce qui permet de remettre en cause ces différentes catégorisations qui ont été nécessaires pour que se forme la culture LGBT et qu’aujourd’hui on le vive plus du côté de la personnalité.

Réponse 4 : L’hétérosexualité elle s’appelait la « normal-sexualité » lorsqu’elle est apparue. Elle a changé, puisqu’elle s’appelle aujourd’hui l’hétérosexualité. Pour autant y’a toujours une sorte de catégorisation.

Réponse 5 : C’est intéressant. C’est Foucault avec l’invention de l’homosexualité par les psychiatres. Donc on les a aussi inventés parce qu’on avait besoin de normes, de cadres, de morale…

Réponse 6 : Regardez chez les trans y’a en qui se catégorisent comme FtU (Unknown) pour dire le départ, mais pas la destination. D’emblée dire FtU c’est créer une catégorie. Même une catégorie qui se veut transcendante par rapport à toutes les catégories. Y’a pas d’au-delà de l’idée de catégorisation.

Réponse 7 : Y’a aussi des personnes trans qui ont du mal à se projeter ou qui vivent difficilement leur transition … Et donc ils préfèrent se présenter dans l’instant présent comme « entre les deux ». Mais on revoit cette personne 2 ans après elle aura peut-être pas le même discours. Faut être prudent là-dessus.


[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Bisexualité

[2] KINSEY Alferd, “Sexual  Behavior  in  the  Human Male”, 1948

KINSEY Alfred, “Sexual  Behavior  in  the  Human  Female”,1953

[3] CANTARELLA EVA, « l’hermaphrodite et la bisexualité à l’épreuve du droit dans l’antiquité » n°208, 2004, pp 3-15.

[4] Op. Cit.

[5] Psychologie.com

[6] CORLOUER Melissa, « IDAHO2011@BORDEAUX Conclusion »

Disponible sur : http://observatoire-des-transidentites.over-blog.com/pages/Melissa_Corlouer_Conclusion_de_la_journee_et_ouverture-5258891.html

[7] DESCHAMPS Catherine, « le miroir bisexuel », Duvernet, 2002

[8]http://bicause.pelnet.com/html/doc/journal01.htm#a3

[9] ERIBON Didier, Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes , Larousse, 2003

[10] Lire aussi : ERIBON Didier, Les Études gays et lesbiennes. Actes du colloque des 21 et 27 juin 1997, Paris, éditions du Centre Georges Pompidou, 1998.

[11] Op. Cit. p.39

[12] ERIBON Didier, « Papiers d’identité », Fayard, 2000, pp.37-38

[13] ERIBON Didier, « Réflexions sur la question gay », Fayard, 1999, p.100

[14] GOFMANN Erving, « Stigmates », Ed. de minuit, 1975.

[15] DESCHAMPS Catherine, op. cit. pp.55-56

[16] Ibid.

ERIBON Didier, « Réflexions sur la question gay », Fayard, 1999, p.463

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