Yves Raibaud
Université Bordeaux 3 – ADES CNRS
Géographie de l’homophobie
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Yves Raibaud
Université Bordeaux 3 – ADES CNRS
Géographie de l’homophobie
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Ludovic Gay
Doctorant en troisième année de sociologie
Université de Bretagne Occidentale (UBO)
Homo Mediaticus ou
comment la presse dite « homosexuelle »
incarne-t-elle le genre masculin ?
Le magazine Têtu comme analyseur
Ce travail tient en une analyse de contenu de Têtu, le magazine de presse payante «homosexuelle» actuellement seul véritable leader en France sur ce créneau et vendu à près de 32.000 exemplaires en moyenne par mois. Le traitement iconographique des hommes est étudié ici aux travers des visuels du magazine en s’intéressant plus particulièrement aux couvertures des numéro 1 à 166 du mensuel Têtu.
Notre hypothèse est que le genre cristallise les rapports entre hommes et femmes dans des rôles pré-définis en fonction de critères subjectifs liés au sexe des individus. La presse homosexuelle, loin d’en découdre avec cela, semble participer à créer et véhiculer une représentation stéréotypée du genre masculin.
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Ludovic Gay
Doctorant en troisième année de sociologie sous la direction de madame Arlette Gautier, rattaché à l’université de Bretagne Occidentale (UBO).
Sa thèse traite de la représentation de la masculinité dans la presse française dite « homosexuelle »
Homo Mediaticus ou
comment la presse dite « homosexuelle » incarne-t-elle le genre masculin ?
Le magazine Têtu comme analyseur
Certes, Têtu fait un très bon travail en ce qui concerne les gays en France, mais s’il y a un problème majeur qui règne encore – bien souvent tabou – c’est celui qui concerne les gays qu’on ne retrouve sur aucune photo du magazine. Ceux qui ne sont pas sexys, qui n’ont pas un corps d’Apollon, loin de pouvoir se retrouver sur le podium du dernier défilé de mode ou d’être élu Mister Gay (1) du mois d’octobre. »
(mail d’un anonyme envoyé à Têtu)
Ce travail tient en une analyse de contenu de Têtu (2), le magazine de presse payante « homosexuelle » (3) actuellement seul véritable leader en France sur ce créneau et vendu à près de 32.000 exemplaires (4) en moyenne par mois. Le traitement iconographique des hommes est étudié ici aux travers des visuels du magazine en s’intéressant plus particulièrement aux couvertures des numéro 1 à 166 du mensuel Têtu.
Notre hypothèse est que le genre cristallise les rapports entre hommes et femmes dans des rôles pré-définis en fonction de critères subjectifs (5) liés au sexe des individus. La presse homosexuelle, loin d’en découdre avec cela, semble participer à créer et véhiculer une représentation stéréotypée du genre masculin.
Dans une société qui a vu s’opérer le boum de l’internet passant d’un simple réseau de communication à un mode de sociabilité, où la publicité ne se contente plus de se coucher sur panneaux mais s’affichent sur des bus, s’impriment sur des t-shirts, où les magazines se visionnent sur les smartphones, la radio s’écoute sur tablettes, le média de masse (dont la presse fait partie) se veut omniprésent allant jusqu’à cadrer le quotidien de chacun. Cette cybernétique (6) de l’information à la carte, là en permanence, immobilise les individus, eux qui sont davantage et plus durablement solliciter. Mais solliciter à quoi ?, peut-on objecter. À quoi d’autre si ce n’est à entretenir le système performatif de la presse, à en être un de ses maillons. On peut toujours se dire, avec force et conviction, que le média de masse est sans effet sur soi. Mais le média de masse, donc la presse, est impactant, et les individus sont forcés de composer avec.(7)
Aussi, en sa qualité d’outil médiatique, la presse a pour fonction de s’exposer, reste aux individus de s’en saisir ou non (peut-on penser). Or, de par son caractère performatif, en plus d’être un relais de contenus, la presse a tendance à être un producteur de sens, à diffuser explicitement ou implicitement un canevas de normes et valeurs que les individus eux-mêmes sont appelés à la fois à compléter et à reproduire. Autrement dit, elle se révèle être un instrument « prescripteur » fort, en mesure de fixer des « patrons » de l’identité sexuée, mais aussi sexuelle.
Dans sa façon d’incarner le genre masculin, Têtu tend à privilégier une iconographie sexy des hommes. La presse homosexuelle s’apparente à un catalyseur d’images capable de scénariser ce que doit/devrait être l’apparence, voire le corps de l’homme. Or, ce dont il est question c’est une stricte interprétation d’une masculinité tronquée, codifiée et légitimée autour des seuls critères de corps magnifiés, jeunes et sculptés. En découle le leurre de la doxa, elle qui ne peut s’empêcher d’envisager – ou à « en-corporer » – les gays à la manière décrite sur le papier glacé des magazines comme Têtu. Pour certains gays en résulte le sentiment de ne pas se sentir concerné.
Ici, s’opère une double dynamique d’identification, une externe et une interne, soit en rapport avec le regard que pose autrui sur les gays en fonction de « l’image » véhiculée dans le magazine homosexuel (on pense que le gay est physiquement – dans la réel – comparable à la représentation corporelle telle qu’elle est dépeinte dansTêtu), soit en rapport avec la valeur que les gays dans leur pluralité accordent à ces visuels dans lesquels les mannequins prennent la pose, pouvant ainsi parfois être considérés comme source de fantasmes, de reconnaissance ou de déni et que certains gays vont donc chercher à copier ou à relativiser.
Autrement dit, les magazines, dont Têtu, tendent au travers de couvertures alléchantes et de portfolios sophistiqués, à mobiliser des représentations particulières du genre dans des mises en scènes explicites et parodiques des individus. À force d’être exposés à ces « constructions imagées », chacun est ainsi tenté de croire qu’être un homme (ou une femme lorsqu’il est question de représenter le féminin notamment dans la presse féminine), c’est bel et bien ce qui est montré dans la presse.
À son tour, chacun participe à valoriser ces représentations du genre au travers de ses interactions avec autrui. En effet, prenons comme exemple les couvertures du magazine Têtu, qui se composent « traditionnellement » d’une photographie d’un homme de face, cadré en 3/4, torse nu et bien souvent en maillot de bain ou en sous-vêtements. L’arrière-plan de l’image est rarement mis en scène, seul élément de décor redondant : un fond monochrome.
L’analyse de ces couvertures nous permet de rendre compte du sexe du modèle en présentation: Il est de type « mâle ». En effet, même si l’on ne voit pas le pénis, le vêtement le laisse souvent deviner. Le torse nu laisse également clairement voir qu’il n’y a pas de traces de poitrines « féminines ». En ce qui concerne le genre du modèle en couverture : il est de type « masculin ». On sait que c’est un homme dont il est question car on peut lister les caractéristiques physiques ayant trait aux attributs de la masculinité : pilosité parfois, musculature développée (biceps bombés, abdominaux contractés, pectoraux saillants, des positions du corps dynamiques et qui permettent très souvent de focaliser le regard sur « le maillot de bain »). En revanche, du point de vue de la sexualité, aucun critère ne permet de savoir si le modèle est hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel ; dit autrement il est asexué.
Pourtant, et parce que le mensuel Têtu est reconnu être un magazine qui s’adresse principalement aux gays, on peut être tenté, et le lecteur l’est souvent, de croire que les hommes posant en couvertures sont tous homosexuels (7). En raison notamment de la construction de ses couvertures, le mensuel Têtu produit du sens. En effet, le magazine privilégiant toujours le même type de corporéité du masculin et étant reconnu comme média à destination des gays, et le modèle de couverture, assimilé à son support, étant supposé gay par le lecteur, celui-ci est amener à croire que les hommes homosexuels sont tous jeunes, sexys et dotés d’un corps identique fait d’une musculature avantageuse.
Le magazine semble répondre aux attentes d’une partie non négligeable du public qu’il vise (rappelons que Têtuest vendu en moyenne à 32.000 exemplaires par mois). Est-ce dû (bien que nous en doutions) au fait que les gays sont a priori concernés par des couvertures sexys parce qu’ils ont un intérêt pour la sexualité particulièrement développé ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi choisir ce type stricte de visuel ? Pourquoi ne pas en privilégier d’autres ? Et quels discours les gays tiennent-ils par rapport à cela ?
Développement
1. Le genre comme outil méthodologique
Les recherches menées par les gender studies (8) aux États-Unis tout d’abord et plus récemment en France (9), ont permis de démontrer que sexe et genre renvoient tout deux à des constructions sociales (Judith Butler, 2006). Pourtant, et dans un souci de marquer le caractère « structurel » et culturel du genre, nous préférons partir d’une définition plus classique du genre qui entend montrer que celui-ci est seul à être un produit social. Il renvoie ainsi à une « traduction » en termes de rôles et de comportements sociaux d’une catégorie de sexes (mâle/femelle); présente au préalable (Simone de Beauvoir, rééd. 2003).
Autrement dit, le genre légitime un ordre social rationnel, axé sur un rapport dichotomique entre femmes et hommes. Or, en disant cela, nous tendons à ne rendre compte que des agencements en termes de rôles sociaux de ce que l’on suppose être l’action et les «devoirs» d’une femme et d’un homme. En ce qui nous concerne, la distinction genrée – ou sexuée – s’observe aussi de manière matérielle et notamment au travers de la mise en scène des corps (Erving Goffman, 1973 et 2002). Véritables réceptacles connotés de genre, les corps sont des moyens probants et largement employés par les médias pour rendre efficace leur action : communiquer des messages clairs et facilement identifiables pour capter l’attention d’un public, et ce, dans le but notamment de s’assurer du succès commercial d’un produit (un numéro pour un magazine et un bien quelconque pour la publicité). Or, comment la presse dépeint-elle les corps ?
2. La presse et ses fonctions
La féministe et sociologue américaine Jean Kilbourne, grâce à ses travaux sur la représentation des femmes dans les magazines et les campagnes publicitaires aux États-Unis, nous explique que la mise en scène du corps féminin et sa description rassemblent nombre de critères subjectifs (parce qu’ils ne répondent a aucune logique rationnelle) mais pourtant objectivement mis en valeurs : les femmes sont hyper-minces, grandes, sans rondeurs, sans pores ou peu, etc. Et d’ailleurs, nous sommes tous prêts à valider la raison d’être de ces critères. Comme pourrait le dire Pierre Bourdieu, l’on assiste à une « incorporation » effective (parce que observable) des rôles genrés à travers les corps des modèles posant pour les magazines et dans les publicités. (Cf. Les publicités Cult Shaker et Dolce&Gabbana)
D’ailleurs ce dernier point s’avère être l’un des questionnements principaux de Jean Kilbourne, à savoir que les médias, de part leurs sur-visibilité ou omniprésence dans nos sociétés occidentales, véhiculent tout un ensemble de stéréotypes du corps, ceux-là à même d’influencer, voire de modifier les perceptions de la conscience collective, ce que Pierre Bourdieu qualifie de « sens commun » (Pierre Bourdieu, 1996).
Autrement dit, à force d’être mis face à des photographies de corps de femmes filiformes, maigres, retouchés à coup de palette photoshop, et dans des positions lascives, les médias n’ont-ils pas tendance à « flanquer » aux individus des références corporelles normalisées, certes, mais anormales ou stéréotypées parce qu’elles ne rendent pas compte d’une quelconque vraisemblance ? À ce propos Jean Kilbourne explique :
« It is certainly true, in fact it’s more true than ever that advertising is the foundation of the mass media. The primary purpose of the mass media is to sell products. Advertising does sell products of course, but it also sells a great deal more than products. It sells values, it sells images, it sells concepts of love and sexuality, of romance, of success and perhaps the most important of normancy. To a great extend, advertising tells us who we are and who we should be. » (Jean Kilbourne, 1999)
Loin d’être unique et uniforme, le corps des femmes et de tout individu d’ailleurs, demeure multiple et varié. (Cf.Les publicités Dove)
Ici, il est question de rappeler l’originalité corporelle des individus dans le «réel» – au quotidien – et de rappeler aussi la corporéité fictive de la femme (ou pourquoi pas de l’homme) en d’autres termes des fantasmes véhiculés sur les individus dans la «réalité» médiatique. Lorsque nous parlons de corps, re-précisons que nous traitons aussi d’identités de genre et sexuelle.
3. Présentation de soi et homosexualité
Si l’on repense au corps et à sa propension à pouvoir générer mais surtout à mobiliser du genre, nous sommes tentés, pour le cas qui concerne uniquement les gays, de faire un constat : en tant que membres d’une minorité, les gays doivent savoir composer leur “identité” ou leur présentation d’eux-mêmes en fonction notamment d’un environnement social potentiellement hostile, disons homophobe. Lors d’une précédente étude menée en 2005 à Missoula (MT), États-Unis, nous sommes allés à la rencontre d’hommes homosexuels dans le cadre d’entretiens semi-directifs pour comprendre comment ils négocient leur homosexualité en fonction d’un milieu urbain (la ville de Missoula) dans lequel les agressions homophobes (autant verbales que physiques) n’étaient pas rares. Il s’est avéré que les interviewés (17 individus âgés entre 18 et 20 ans, tous étudiants) expliquaient mobiliser ce que nous nommons, en référence à Vered Vinitzky-Seroussi (1998), une identité personnelle (en rapport a l’intime) et une identité sociale (dans le cas ou l’individu est en représentation, face a autrui). L’identité personnelle laisse plus largement exprimer l’homosexualité de la personne et elle s’oppose généralement à celle sociale pour laquelle nos interviewés disaient « jouer » le rôle d’hommes soit asexués, soit hétérosexuels et pour le coup hyper-masculins. Ils adaptent aussi leurs corps et leur apparence (manières de se tenir, de se mouvoir et aussi de s’habiller) en fonction des situations et des interlocuteurs en face d’eux.
Nous notons, ici, le caractère versatile de l’identité et qui demeure largement tributaire d’impératifs à la fois situationnel (Stéphane Leroy, 2010 et 2005, Nadine Cattan et Stéphane Leroy, 2010), temporel (Guillaume Marche, 2005) et interactionnel. Autrement dit, en fonction de l’endroit, du moment, et de qui est notre interlocuteur, la présentation de soi à autrui peut varier. Ceci suppose donc que l’identité sexuelle et, qui plus est, homosexuelle, n’est pas figée mais qu’elle évolue potentiellement. Cela sous-entend de surcroît que les gays sont des individus qui doivent savoir jouer de stratégies et se jouer des clichés accolés à la pratique homosexuelle et aux homos pour faire valoir ou infirmer leur préférence.
Or, de retour sur la problématique de la presse dite «homosexuelle», nous supposions que, comme l’ensemble des magazines, ceux dits «homosexuels» ont comme tendance à véhiculer des stéréotypes et qui plus est sur les gays. Comment le traitement du corps masculin au travers des couvertures de Têtu implique une stigmatisation de son lectorat gay ?
4. La presse dite « homosexuelle » et la cible gay
Ceci laisse sous-entendre que le caractère «sexy» est un facteur déterminant parce qu’il participe à faire que les gays achètent et lisent Têtu. Peut-on dès lors considérer que la part érotique dans Têtu est légitime parce qu’elle composerait l’identité homosexuelle, ceci revenant à dire que les hommes homosexuels sont bel et bien enclin à préférer le côté sexy parce que cela fait partie de leur identité.
Une étude sur les valeurs et les représentations de la masculinité dans le magazine Têtu en particulier auprès des lecteurs du mensuel nous permet de nuancer ces constats fragiles.
Nous pouvons dégager deux éléments, à savoir qu’il existe une corporéité du masculin à travers les mises en scène des corps des hommes, corporéité qui respecte une « charte » stricte et immuable sur la manière de présenter le corps masculin : Il est musclé, jeune, blanc de peau, empruntant souvent des poses lascives, blond ou châtain, de grands yeux, une mâchoire large, un visage rasé, etc. Deuxième élément, les lecteurs généralement ont l’oeil entraîné car ils comprennent cette corporéité même s’ils ne s’y reconnaissent pas. (Rosalind Gill, 2004) Il manifeste ainsi un besoin de plus d’authenticité.
Nous avons mené une analyse de contenu des couvertures de Têtu, du numéro 1 à 168. À cela nous avons mené une analyse statistique auprés du lectorat, via le site internet tetu.com, pour définir sa réaction.
À noter, la représentation du critère ethnique à travers les couvertures du numéro 1 à 168. Les hommes blancs sont omniprésents. Sur 168 couvertures sont dépeints 120 corps d’hommes blancs (pour la quasi-totalité de 3/4, de face et dénudée), 18 corps d’hommes non blancs, dont 6 « noirs », 2 asiatiques (avec un focus sur le visage et le haut du torse toujours habillé), 10 beurs. Nous avons dégagés les visuels de couvertures et/ou les modèles d’hommes photographiés en noir et blanc, la détermination de l’éthnicité du mannequin n‘étant pas évidente. Les femmes (célèbres ou pas), elles aussi, ont été écartées de l’analyse puisque nous ne nous intéressons qu’aux seuls hommes. Les hommes célèbres tels que des chanteurs, ou acteurs, ont été occultés parce que nous pensons que ce qui a motivé leur apparition en couverture ce n’est pas leur couleur de peau mais leur capitalpeople. Enfin, nous retrouvons notre catégorie « Autre » (une foule, des drapeaux, une poupée et un homme enceint) que nous n’avons pas analysé.
Conclusion
Paradoxalement, Têtu en qualité de magazine de presse homosexuelle tend à produire une représentation stéréotypée du corps masculin, ce qui mène potentiellement à une interprétation biaisée de son lectorat, les gays, que le sens commun peut se représenter comme des individus frivoles, et fondus dans un même moule. Le travail de déconstruction de la presse comme organe socialisant et performatif a déjà été mené du côté des « féminins » (Jean Kilbourne, 1999). Ce travail permet d’aboutir aux mêmes constats, à savoir la valorisation d’un corps de l’homme magnifié et donc fantasmé, voire inapproprié.
Essais et périodiques
Boutaud, J-J. (1998), Sémiotique et communication, du signe au sens, L’Harmattan, Paris.
Bourdieu, P. (1996), La distinction, Critique sociale du jugement, Les Editions de Minuit, Paris.
Butler, J. (2006), Défaire le genre, Editions Amsterdam, Paris.
Cathelat, B. (2001), Publicité et société, Payot, Paris.
Cattan, N. et Leroy, S. (2010), « La ville négociée : les homosexuel(le)s dans l’espace public parisien », Cahiers de géographie du Québec, 54, 151 : 9-24.
De Beauvoir, S. (rééd. 2003), Le deuxième sexe, Tome.1, Les faits et les mythes, Gallimard, Paris.
Gill, R. Rethinking Masculinity : Men and Their Bodies, SL, SD
Goffman, E. (1973), La mise en scène de la vie quotidienne, La présentation de soi, Les Editions de Minuit, Paris.
Goffman, E. (1974), Les rites d’interaction, Les Editions de Minuit, Paris.
Goffman. E. (rééd. 2002), L’arrangement des sexes, La Dispute, SL.
Hartmann, H., in Feminist Theory Reader: Local and Global Perspectives, sous le dir. McCann, C.M. et Seung-Kyung, K, « The Unhappy Marriage of Marxism and Feminism : Towards a More progressive Union », Routledge, SL, 2002 : 206-221.
Hélie-Lucas, M., in Feminist Theory Reader: Local and Global Perspectives, sous le dir. McCann, C.M. et Seung-Kyung, K, « The Preferential Symbol for Identity : Women in Muslim Personal Laws », Routledge, SL, 2002 : 188-196.
Hondagneu-Sotelo, P. 1992, « Overcoming Patriarchal Constraints: The Reconstruction of Gender Relations Among Mexican Immigrant Women and Men. » Gender and Society 6 : 393-415.
Kilbourne, J. (1999), Killing us softly 3 : Advertising’s image of women, MED, SL.
Leroy, S. (2005), « Le Paris gay. Éléments pour une géographie de l’homosexualité », Annales de Géographie
Leroy, S., « Bats-toi ma soeur. Appropriation de l’espace public urbain et contestation de la norme par les homosexuels. L’exemple de la Gay Pride de Paris », Varia, 8/2010.
Marche, G. (mis en ligne le 24 mars 2006), « L’arc-en-ciel et le mouvement gai et lesbien : réfraction, dispersion et instrumentalisation des identités collectives », Transatlantica [En ligne], 1/2005.
Tamagne, F., « Histoire des homosexualités en Europe : un état des lieux », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 53, 4/2006 : 7-31.
The Combahee River Collective., in Feminist Theory Reader: Local and Global Perspectives, sous le dir. McCann, C.M. et Seung-Kyung, K, « A Black Feminist Statement », Routledge, SL, 2002 : 164-171.
Vinitzky-Seroussi, V. (1998), After pomp and circumstance, High school reunion as an autobiographical occasion, University of Chicago Press, SL.
Interviews
Interview Gilles Wullus, Questions 100% média, le 27 juin 2011
(1) « Mister Gay » est un concours créé en décembre 2009 sur le site internet tetu.com qui offre chaque mois aux internautes l’opportunité d’élire l’homme qu’ils jugent le plus séduisant parmi un panel de candidats. Mister Gay France et Mister Gay sont des marques déposées par Têtu depuis 2002. Avant d’être un rendez-vous d’internautes, le Mister Gay était une manifestation organisée en province (exemple à Marseille en 2007).
(2) Paru au mois de juillet 1995, le mensuel Têtu emboîte le pas à l’hebdomadaire Gai Pied. Il naît de l’initiative conjointe de Didier Lestrade et Pascal Loubet, également co-fondateurs en 1989 d’Act-Up (association militant pour la lutte contre le sida). Il est financé par celui qui en est encore l’unique actionnaire, l’homme d’affaire Pierre Bergé. Dans le premier éditorial, le ton est donné : « Jusqu’ici il y avait des magazines lesbiens et des magazines gays et des magazines sur le VIH ― sans compter les magazines de mode et de décoration et de tourisme ―, désormais il y a Têtu. Et dans Têtu, il y a tout cela. »
Tablant sur près de 4 000 exemplaires à ses débuts, le titre atteint en 1996 les 9 000 numéros vendus par mois, pour atteindre les 40 000 exemplaires en 2003. Cette importante progression des ventes s’explique notamment grâce à une reformulation insufflée à partir de 1999 par la rédaction dirigée par Thomas Doustaly.
Le magazine développe, en cette période, un contenu axé sur des couvertures qui mettent en scène des modèles d’hommes jeunes et torse nu, une actualité plus people et des pages mode davantage présentes. En d’autres termes, il semble que Têtu déplace la « question homosexuelle » vers de nouveaux centres d’intérêt : une préoccupation consumériste, la volonté de rassembler un lectorat-client. Avec l’arrivée de Gilles Wullus à la direction de la rédaction, Têtu évolue et propose un contenu toujours accès sur le lifestyle et « davantage ancré dans le paysage des masculins ». (Interview Gilles Wullus, Questions 100% média, le 27 juin 2011
(3) Nous faisons le choix de parler de presse dite « homosexuelle » parce que ce travail traite du magazine Têtu qui est lui-même considéré « par essence » comme un magazine à destination des homosexuels. Historiquement (à partir d’octobre 1999), Têtu a vu son titre complété par l’accroche suivante : « Le magazine des gays et des lesbiennes ». Officiellement, Têtu est inscrit depuis novembre 2009 comme magazine de presse masculine (source OJD, Office de Justification de la Diffusion des Supports de Publicités, Association pour le contrôle et la diffusion des médias).
(4) En 2010, la diffusion France payée a atteint 32.337 exemplaires.
(5) Nous pensons évidemment aux observations menées par le sociologue américain Erving Goffman lorsque celui-ci écrit : « Dans toutes les sociétés, le classement initial selon le sexe est au commencement d’un processus durable de triage, par lequel les membres des deux classes sont soumis à une socialisation différentielle. Dès le début, les personnes classées dans le groupe mâle et celles qui le sont dans l’autre groupe se voient attribuer un traitement différent, acquièrent une expérience différente, vont bénéficier ou souffrir d’attentes différentes. (…) Il existe des idéaux de la masculinité et de la féminité, des interprétations de la nature humaine ultime qui procurent des moyens d’identification (du moins dans la société occidentale) de l’ensemble de la personne et constituent aussi une source de récits qui peuvent être utilisés de mille manières pour excuser, justifier, expliquer ou désapprouver le comportement d’un individu ou la façon dont il vit, ces récits pouvant être livrés tant par l’individu concerné que par ceux ayant des raisons de parler pour lui » (Erving Goffman, L’arrangement des sexes , réed. 2002 : 46)
Mais l’attribution aux hommes et aux femmes de comportements sociaux que nous qualifions de « parodiques », ceci n’est pas suffisant. En effet, les manières que les individus ont de se tenir, de s’habiller, de se mouvoir, en d’autres termes de se « rendre corps » sont autant de stratégies « matérielles » mises en oeuvre et toutes aussi importantes que les rôles sociaux eux-mêmes, parce qu’elles déterminent, d’un coup d’oeil, l’identité sexuée et pourquoi pas sexuelle de l’interactant(e) qui se tient en face de soi. Toujours selon Erving Goffman : « Toute personne vit dans un monde social qui l’amène à avoir des contacts, face à face ou médiatisés, avec les autres. Lors de ces contacts, l’individu tend à extérioriser ce qu’on nomme parfois une ligne de conduite, c’est-à-dire un canevas d’actes verbaux et non verbaux qui lui sert à exprimer son point de vue sur la situation, et par là, l’appréciation qu’il porte sur les participants, et en particulier sur lui-même. Qu’il ait ou non l’intention d’adopter une telle ligne, l’individu finit toujours par s’apercevoir qu’il en a effectivement suivi une. » (Erving Goffman, Les rites d’interaction, 1974 : 9)
(6) Boutaud, Jean-Jacques. (1998), Sémiotique et communication, du signe au sens, L’Harmattan, Paris. Cathelat, Bernard. (2001),Publicité et société, Payot, Paris.
(7) Un aparté : lorsqu’il m’est arrivé de montrer certains numéros de Têtu à des amis aussi bien hommes que femmes, hétérosexuels qu’homosexuels, ces derniers, s’exprimant spontanément sur les couvertures et/ou les photographies qui illustrent les pages du magazine, expliquent : « C’est vrai que les gays sont bien foutus » ou lorsqu’il s’agissait d’une ami-e hétérosexuelle : « Dommage qu’il soit gay, je serais bien sortie avec » ; ou pour finir et concernant la couverture d’avril 2008 du numéro 132 en particulier, avec le chanteur M Pokora, j’ai entendu des commentaires du type : « Je savais pas qu’il était homo ». L’idée n’est pas de savoir si M Pokora est gay ou non, mais plutôt de constater qu’on le suppose parce qu’il pose dans Têtu.
(8) Les gender studies ont facilité, grâce aux contributions notamment des féministes et de certains universitaires, le traitement innovant (par la méthode) d’objets d’étude en particulier. Passant au crible la religion (Marie-Aimée Helie Lucas, 1994), le travail, l’immigration (Pierrette Hondagneu-Sotelo, 1992), les systèmes politico-économique (Heidi Hartmann, 1979) et patriarchal (The Combahee River Collective, 1977), les gender studies font la critique de ces diverses dimensions par l’emploi des concepts de sexe, de genre et de sexualité. À ce propos, Florence Tamagne écrit : « La mise en place, au sein des universités américaines, suite à la création de la Gay Academic Union, en mars 1973, de départements spécialisés en gay and lesbian studies, à côté et/ou en liaison avec les départements de women’s studies, puis de gender et de queer studies, signifia le début de la légitimation scientifique, tandis que l’existence d’un public potentiel de lecteurs gays et lesbiens intéressés par ces questions stimulait les politiques éditoriales. » (Florence Tamagne, 2006, 8)
(9) « Les départements universitaires et les laboratoires qui offrent, en nombre très limité, des enseignements ou une formation sur le genre et/ou les sexualités, par exemple à Toulouse, Reims, Paris 7, Paris 8, Paris 10, à l’École Normale Supérieure ou à l’EHESS, accueillent également peu d’historiens. » (ibid., 11)
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