King’s queer
Crédit photo, Kate Murray
Salut les King’s queer. Vous vous présentez ?
Alors King’s queer est composé de deux personnes plus des machines et des instruments.
Il y a une gouine a mèche et un transboy. Il y a Laet à la voix, et Grib aux machines et aux instruments. Mais avant tout chose c’est une entité totalement électron libre qui ne s’inscrit dans aucune ‘chapelle’ idéologique ou artistique. D’ailleurs pour qualifier notre musique c’est très compliqué pour certains on fait de l’electro punk pour d’autre de la post wave ou de l’electronica. Pour nous on fait du King’s Queer ! Les étiquettes n’ont jamais été notre fort. Plutôt inclure qu’exclure…Bon c’est sur on se sent plus proche de John Cage et du VelvetUnderground que Rihanna ou Lady Gaga
Nous sommes ensemble à la ville comme à la scène, ce qui nous permet d’avoir cette complicité lors de nos performances. De par notre façon de fonctionner, nous sommes plus proches du mouvement punk qu’autre chose. Toujours en totalement indé’ on parcourt les routes d’Europe même si on est sur le label Zingy. Il est très important pour nous lors de nos shows de faire des passerelles entre les uns et les autres, et surtout d’amener les gens dans une réflexion sonore, idéologique,… tout en gardant avant tout un esprit de fête ! Pas de prise de tête juste l’envie d’être là et Vivants ! Toujours et encore !
« King’s queer », ça en appelle à un royaume : le vôtre c’est celui du queer? (mais au fait… c’est quoi le queer?)
Royaume du Queer ? Houlala… Alors là on n’est pas sortie de l’auberge… Si on prend le terme Queer dans sa version première lors de la réu d’Act-Up en 90 à New York…On peut dire oui ! Oui pour la Queer Nation ! Pour ce regroupement informel des parias et autres rebuts de la culture mainstream…Cette énergie et ce dynamisme !
Mais à l’heure actuelle on ne se retrouve pas du tout dans l’identité queer, surtout en France… Bon pour être honnête on ne comprend pas grand-chose aux différentes guerres, courants et autres ‘théories queer’ qui peuplent notre beau pays ! En fait cela ne nous intéresse pas trop, et nous laisse un peu de marbre…On évolue très rarement dans ce milieu…On a toujours privilégié les rapports, les idées individuels aux phénomènes de masse, de mode, de paraitre… Aucun dogme, on marche à l’instinct, au spontané.
Notre public est diversifié, il va de l’art contemporain, à la mère de famille bobo en passant par le punk hardcore, à l’intello précaire, aux kids en rupture, à la pédale, à la lesbienne aux trans, aux sex workers, à l’hétéro… On est fier car il n y a pas de profil type mais plutôt une raïa qui se regroupe pour partager un même état d’esprit à un moment donné. Et puis en plus ceux sont des personnes fidèles et généreuses, à plusieurs reprises ils, elles nous ont surpris par leur soutien, leurs générosité et surtout par leur ouverture d’esprit !
Alors notre royaume est celui qui est en haillons sans baillons celui du bizarre, du non conforme, du hors norme, aristocrates d’un élitisme déchu, monarques de la dérive poétique, du souffle de l’errance. C’est le royaume des fous des folles de ceux qui refusent de tomber à genoux, de ceux et celles et autres qui s’accrochent à cet étendard de survie. Prêts à tout pour vivre heureux. Dernier acte subversif qui nous reste !
« King’s queer » ça sonne aussi comme un nom de guerre : quelle est la vôtre ?
Bon avant toute chose on est résolument pacifiste et les bains de sang et le chant glorieux des victoires c’est pas notre tasse de thé. Quand on parle de guerre il y a toujours des vainqueurs et des vaincus… Un pouvoir sur les uns et les autres. Alors non ce n’est pas une guerre, nous sommes avant tout des ‘artistes’ (même si ce terme nous fait rire’) et non des soldats.
Nous sommes juste des amoureux révoltés ! Révoltés face à la connerie, face à la médiocrité de la pensée unique, de la culture unique, du formatage artistique et autre ! On est gouine, on est Trans et nos vies, notre « art » qu’on le veuille ou non sont régis par cette non-conformité alors bien souvent nous sommes confrontés à toutes les absurdités que notre société véhicule sans relâche…Mais il est hors de question de se poser en victime bien au contraire toujours avancer avec un maximum d’optimisme et de lucidité, et petit à petit sans prosélytisme, changer les choses autour de soi…Sans oublier le lubrifiant… humour, sourire !
Pourquoi la musique pour tenir vos propos ? Aussi : De la musique « queer » c’est quoi? C’est de la musique sur laquelle on pose du « queer » ou c’est du « queer » mis en musique ?
Wouaw alors là c’est une question de sociologue universitaire !
Bon on s’est jamais dit « bon maintenant on va faire de la musique queer », non…haha ! Notre job c’est la musique, le spectacle…Et il est évident si on est sincère dans ce qu’on crée cela nous ressemble…On n’est pas des militants qui ont pris une forme artistique pour faire passer un message mais des ‘artistes’ qui ont des trucs à dire…C’est une sacré différence ! D’ailleurs cela nous permet de jouer complètement hors milieu estampillé ‘Queer’, et de plus en plus nous sommes programmés pour la qualité de notre show que pour nos propos. Pour nous c’est une victoire car cela nous permet d’aborder certaines thématiques hors des sentiers battus. Et croyez-nous parfois c’est des sacrés prises de risque ! Bien souvent on se retrouve à discuter jusqu’à point d’heure après nos concerts avec des personnes absolument pas sensibilisées par toutes ces questions, et c’est cela qui est chouette car ce sont de vrais échanges…Même si parfois on est fatigué…On vous l’accorde !
Sur la scène artistique française, sauf underground et encore, le mouvement queer reste faible : qu’est ce que ce constat vous inspire ?
Peut-être doit on se remettre en question, peut être que cette soi-disant scène est un peu trop tournée sur son nombril, avec pas mal de soucis de linéarité, et d’uniformité… On ne sait pas on s’interroge…Il nous revient une anecdote en tête. Quand on a joué en Hollande, à la sortie de scène les programmateurs sautent sur nous et nous disent : ‘ hey c’est vachement bien ! Enfin du queer de qualité et pas cliché’… On a été très surpris et étonnés par cette réaction…
On pourrait penser aussi que le public n’est pas encore prêt à recevoir de telles formes artistiques, mais on en doute car nous avons jamais eu de refus de programmation à cause de notre côté ‘queer’, mais plutôt par notre côté ‘avant-gardiste’ sonore, musique concrète et pas grand public… Enfin, c’est ce qu’on nous dit…
Il est vrai qu’en France la scène underground en générale n’est pas vraiment développée, peu de lieu, de structures, de programmateurs s’investissent dans cette démarche. Ce n’est pas rentable !…Money is money…
Mais nous avons la chance de travailler dans des réseaux très différents qui nous permettent de pas mal jouer… Notre ‘Underground Résistance’ nous l’avons créée avec l’aide du public qui a envie de nous voir. Alors ils s’organisent en autonomie totale pour nous programmer via concerts sauvages, lieux éphémères, fêtes privées. Il faut déployer de l’imagination et continuer à innover pour que les scènes alternatives existent ! De par notre flexibilité et notre adaptation nous sommes tout terrain et toujours prêts à soutenir les initiatives de chacun, chacune, tout en hésitant pas à faire des scènes officielles… Bon c’est sûr il nous faut pas mal d’énergie et toujours cette volonté d’y croire !
D’ailleurs on remercie très fort toutes les personnes qui se battent pour qu’il y ait des bulles d’oxygène !
Vous venez de tournez votre premier clip : racontez-nous…
Alors là c’est souvenir impérissable !!! Une grande claque humaine, d’ailleurs même quand on en parle aujourd’hui on en frissonne encore…On s’est retrouvé rue Dénoyez à Paris…Avec notre label Zingy, Estelle Beauvais à la réalisation, et puis les potes, les inconnus, une partie du premier cercle de King’s Queer, ceux et celles du début…A 10 h du matin un samedi…Ça venait de Lille, Lyon, Nancy, Marseille, Rennes…etc…On s’est retrouvé au milieu des flaques de couleur, on a gueulé Amours et Révoltes tous ensemble, on s’est agité, on s’est échangé, comploté bref on a fait ce foutu clip ! Mais avant tout c’était une fête, une sacré bonne fête improvisée ! Et le soir on s’est retrouvé encore, concert sauvage en plein Paname ! Un truc de dingue qui restera à jamais marqué dans les esprits. C’était étrange on était tous heureux et tout à coup il y avait comme une grande vague d’espoir après les années Sarkozy ! Très très étrange comme sensation…D’ailleurs on a mis du temps à s’en remettre…Ouais les pieds sur terre, la tête dans les étoiles…ON oubliait que c’était le tournage d’un clip, juste un immense intense moment de partage…Bon ça peut sembler blue flower et tout et tout mais ce fut la réalité…D’ailleurs on a du coup très peur de retourner un clip !
Dans votre album (à venir) on retrouve les sujets canoniques du « gender fucking » : l’anti binarisme (Lady Pirate), la subversion… l’inspiration c’est le vécu? le militantisme? l’entourage ?
C’est drôle que vous y voyez tout cela, car pour nous c’est à chaque fois une bonne histoire qu’on met en scène, en son, en paroles…C’est intrinsèquement ce qu’on est…On se dit pas tiens on va écrire un morceau sur ce sujet, non…Il vient tout seul, sans réflexion aucune, cela fait trois ans qu’on est sur la route, qu’on vit des histoires, qu’on rencontre des gens. On s’est nourris de tout cela, et on a retranscrit notre quotidien dans cet album…Nos émotions, nos humeurs, nos coups de gueules !
Notre culture musicale, littéraire, picturale, politique est très diversifié, inconsciemment cette album reflètent toutes ces influences mises bout à bout…C’est un peu un tournant dans l’histoire de King’s Queer, un aboutissement de trois ans de routes, de galères, de rires, de tendresses…Un tournant musicale aussi, plus posé, recherché…Quand tu travailles en studio, tu te retrouves pas avec l’énergie de la scène, qui est quand même propre à notre duo…C’est un autre boulot qui au début nous a déstabilisé !
Bon c’est vrai que quand écoute l’album après coup c’est drôle de voir les thématiques qui en ressortent : transgender, postporn, clandestinité, cyborg…et voilà c’est nous, sans aucune concession.
On est aussi saisi par un côté sombre, résolument du côté de la révolte (et de l’amour) : ça ne peut pas être du fatalisme… c’est de la colère ?
Oui le côté sombre c’est vrai, il est là, présent…On dirait plutôt un blues, un bon vieux blues post moderniste, un truc désaccordé en si mineur pour symphonie majeur ! Un cri de révolte, d’amour, de colère ! Un truc qui dit NON ! Non aux survivants qui disparaissent les uns après les autres, non à toutes les misères humaines, relationnelles, matérielles, non encore aux incohérences et autres médiocrités…Non, non à la bassesse d’esprit, à un monde résolument inhumain…Une grosse colère pour être heureux !
On imagine aussi les difficultés d’un tel projet : porter un disque « queer » dans l’industrie musicale actuelle… Comment s’est déroulée cette sortie ?
Bon le disque sort le 6 septembre…alors…
Nous avons été sollicités par une Major, mais leur état d’esprit ne nous correspondait pas, comme vous pouvez l’imaginer. Donc on s’est tourné vers le Label Zingy, label indépendant… Car justement nous n’avons absolument pas envie de faire partie de la jungle de l’industrie musicale ! Nous sommes leur premier sortie d’album (non numérique), cette histoire on l’a fait ensemble, pas à pas avec nos moyens réciproques, nos philosophies et surtout notre hargne !…A défaut d’énormes capitaux on fait bosser notre imagination, c’est avec le système D que les meilleurs idées naissent…L’écriture s’est faite en deux mois, l’enregistrement en 10 jours, le mixage en trois jours…Une course contre la montre !…Avec de véritables partis pris artistiques, des prises de risque..
On compte vraiment sur notre public pour faire vivre le projet…Le bouche à oreille ! Le meilleur marketing viral !
Cet album on le trouvera en le commandant : http://www.zingy.fr/kingsqueer.html, ou bien lors de nos performances, mais aussi dans les Distros et tables de presse…Ca va être un objet, rare de collection et non un produit de consommation jetable… Avoir un vinyle, un CD ‘Amours et révoltes’ de King’s queer ça se mérite !!!… On plaisante …
Pour la sortie le 6 septembre…Pas une grande fête mais 2O mini concerts en une seule journée !!! Mais chut…Pour l’instant…
Pour finir : quels sont vos projets ?
Partir en tournée Européenne, avoir un maximum de dates, que nos concerts soit toujours des endroits safe pour trans, queer et autre… Faire la tournée nord-américaine…Concrétiser un projet de résidence avec Joëlle Léandre…Vendre cet album…pour sortir du régime patates-pâtes ! Trouver un mois et demi de libre pour que Grib puisse faire son opération, partir en vacances, manger des Barbe à Papa, se faire bronzer sur une plage, réhabiliter le son mono, …Et surtout continuer à hurler Amours et Révoltes..
Site : www.kingsqueer.com
Mis en ligne, 31 juillet 2012.