Chris Gerbaud

 

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LA MÉTAMORPHOSE THÉÂTRALE

 

Depuis plus de dix ans, je me travestis. Plus exactement, c’est la découverte d’une sœur de trois ans mon aînée, née d’une mère orpheline pupille de l’État, qui fut traumatique et inspiratrice d’une incarnation féminine. C’est ainsi la quête du visage et du corps de la sœur qui s’est engagée. J’avais alors vingt-et-un an lors de cette découverte. Encore, combien de temps peut vivre ce désir, je ne puis dire. Mais l’affirmation de mon instabilité passe aussi par une déficience visuelle : un nystagmus congénital – du fait de son mouvement oculaire – qui m’a condamné à la quête perpétuelle d’identité. Or je ne me suis jamais fait d’idées. Cet abandon, l’adoption, le handicap, les effets d’une recherche de soi en tant que sujet, ces choses n’ont jamais été simples à appréhender. J’ai été réellement atteint par un choc, d’aucuns parleraient de catastrophe ! Mais au bout de près de trois ans de cure avec mon psychanalyste, un hasard extraordinaire me donne quasiment l’assurance que je pourrai échapper à mes propres déterminations, que les mœurs ordinaires portent à sceller tels des fers d’une vie finie, au moins en sa dimension biologique, mon sexe. Le poids de la famille est immense. Une mère omnipotente et longtemps invasive un père taiseux et soumis aux jougs maternels. Le roman serait long.  De même, en plus de mon travestissement, je n’ai jamais pu admettre ni avouer à tous mes proches ma déficience visuelle. J’ai pu savoir intimement que j’allais pouvoir, au moins en substance, à travers le langage, m’en tirer. J’ai pu, je peux me poser si longuement encore, cette question : travesti et handicapé, est-ce trop pour un seul homme ?

Voilà donc un dess(e)in. Se balançant d’une mer l’autre – au travers des vents. À la fois dame des beaux jours, sauvagerie des mots quand cela lui prend, et parfois clown social jouant à ses règles prescrites par le grégaire. Je suis un naufragé de l’identité qui ne sait plus sur quel navire il a été embarqué. Il ne se souvient plus. Alors ce sont différents sujets qui parlent : ‘‘Je désire une femme tellement belle que, ne pouvant l’atteindre, j’incarne moi-même cette femme. Cela dure et dure. Il est impossible de faire autrement. Aucun mouvement autre n’advient. Entre l’envie d’être désirée en tant que femme et celle de désirer une femme s’ouvre une tension. Le conflit est christique. Giotto n’aurait pas mieux peint.’’ Il se présente plus volontiers ainsi : peut-être plus qu’une peau, l’affleurement d’un corps fantôme juste desservi par le sourire d’un jour. Peut-être l’avant et l’après d’une figure au regard doux et méchant, l’interface d’un temps en dehors de tout, l’équinoxe fleurie d’une identité qui n’existe pas, les couleurs sablées dans la plaque luisante du miroir : ce sont les traces physiologiques, laissées d’un ailleurs– oriental… Qu’est-ce à dire ? La blancheur d’un mur, des moucharabiehs, visage masqué d’un grillage, où les vapeurs d’un vin qui ne savent s’arrêter qu’aux yeux en pleurs, des gouttes laissées sur la bouche arrondie, pulpeuse, faisant presque au fil d’esquisses salivées apparaître des paillettes. Peut-être, encore, est-ce là l’espace intérieur d’une figure archétypale, qui vécu trois mille ans, près des dits ‘‘barbares’’ et dits ‘‘civilisés’’, si loin de la présente image ? »-singulièrement « anomale ».

Hiérarchisation et valeurs, homme sexuellement phallique au-dessus de tout, empire du corps parfait, eugénisme toujours latent où il est nécessaire de correspondre à une identité idéale ou identités parfaites lissées relevant de catégories (hommes/femmes, normal non handicapée/dégénéré ou corps brisé, pathologique) ; le propos tend à décapiter toutes ces catégories de pensée pré formatées. « Queer-Disability » est un ensemble de réflexions autobiographiques, fictionnelles et scénarisées sous forme d’essai littéraire. Ce texte tente l’aventure de l’extrême. Mais cette extrémité de discrimination des êtres atteignant à la fois le genre, le handicap, l’orientation sexuelle, ne peut être qu’une « voie générale ». Il reste difficile, voire impossible, de prendre en compte uniquement des particularités, dans le monde trans et handicapé, car ces particularités, par définition, fourniraient une matière non universalisable, strictement singulière. Quand la vulnérabilité est en vis-à-vis direct avec les situations les plus extrêmes, il s’agit avant toute chose, pour la tête chercheuse de sagesse, de constater le désastre de violence : sexiste, homophobe, transphobe, délégitimant toute altérité liée à une infirmité donnée, car il ne servira jamais assez de le dire : les âmes vulnérables sont, mises sur le banc parce qu’elles sont rares et singulières. Chose qui peut nous évoquer ces publicités actuelles où l’on prône la singularisation à travers un produit industriel donné – le marketing nous dit que chacun doit être unique. Soit, « unique », mais à quelle condition ? Peut-être est-il possible d’être unique pour le marché à partir du moment où l’on soumet au moule, où l’on est une partie du tout, où l’on est un grain de sable mais en apparence singulier, avec son âme vendue au diable… bien évidement ! Double peine, double marge, double marginalisation, à travers de telles « identités nomades » on peut se demander aussi si nos différentes formes de vie sont autant de jeux (singularisations) de notre langage.

« Or, quelque temps dans ma singularité, je me suis demandé si je pouvais aimer le sexe opposé, en l’occurrence dans mon cas : le genre féminin. Dans le cas inverse on éprouve une révulsion face au sexe opposé, c’est alors être ; homosexuel ; lesbienne ou gay. Après maintes expériences sexuelles avec des hommes, c’est l’inverse. Je sais combien j’aime affectivement les femmes. Elles sont mes déesses. À présent, il m’est possible de restituer en quelques impressions écrites le monde «travesti», tout comme il m’est possible de restituer quelques impressions liées à ma situation de personne ayant un handicap visuel. C’est une singularité, une diversité absolue, tenant d’un rapport de moi-à-moi, qui n’a pas toujours été aisé dans la confiance en soi et aussi d’une sexualité, d’orientations sexuelles qui n’ont pas toujours faciles à assumer : aimer des femmes en aimant se sentir femme, ce n’est pas la chose la plus simple qui soit. Être spécifique au même titre que n’importe qui, c’est une gageure, qui est aussi liée à un handicap greffé sur le mouvement de mes yeux, et aimer depuis petit (7/10 ans) la lingerie, la féminité et toutes les images qui peuvent être liées à l’apparence féminine, cela revient dans tous les cas à affirmer une spécificité d’être. Je suis convaincu qu’il y a quelque chose qui peut paraître ici aporétique ; aimer se sentir féminin/tout autant qu’aimer la féminité chez une femme. Et, dépasser un certain état de limitation induit par un handicap visuel. On sait que les personnes handicapées qui n’ont pas de vie sexuelle souffrent. J’ai souffert des années durant et reste un « chien à trois pattes ». Et l’on sent passablement que du fait d’être acculé à celui d’être enculé, il n’y a qu’un pas. Nous vivons dans une société qui manque profondément d’empathie. »

« Pourquoi je m’habille en femme ? D’une part parce que mon corps me plaît et que comme tout individu narcissique j’aime m’auto suffire affectivement et sexuellement à travers ce dernier. Cela a commencé très tôt vers l’âge de dix ans. Pressentais-je un conflit déjà, d’avec la gent féminine ? D’autre part cela doit renvoyer à cet élan exquis pour moi vers la douceur et la tendresse corporelles. Ne suis-je pas capable d’échanger la douceur ? Bien sûr que si… comme je l’expliquais plus haut à l’instant, mais à un point dévorant… S’habiller en femme est donc une autre manière de combler le manque affectif. Celui d’une mère qui, physiquement, n’a jamais été là, ma mère adoptive ayant fait ce qu’elle pouvait. Mais les gens qui font ce qu’ils peuvent, ce sont toujours eux, les héros ! J’ai aimé immensément la lingerie. Parce que les femmes elles-mêmes aiment leur lingerie, elle ne semble pas seulement exister que pour plaire aux hommes. Les femmes entre elles aiment aussi ces parures. Et puis ainsi, dès lors que j’ai appris que j’avais une sœur, à l’âge de vingt-et-un ans (âge auquel m’a eu ma mère biologique), j’ai ressenti le besoin de m’exhiber pour développer mes chances de rencontrer une femme qui me tolère dans ma féminité (cette suppléance). Je vais citer pour cette partie un court extrait d’un texte :

  « Dès lors que j’ai appris que j’avais une sœur, je me suis mis moi-même à faire la sœur, à incarner ce double. C’est comme Caligula et sa sœur et maitresse Druzilla, qui une fois cette dernière morte s’en voit déchiré et torturé à tout jamais. La violence : la haine, devient alors publique, politique. Un homme révolté l’est toujours parce qu’il a mal à sa famille. C’est toujours au prix de la douleur ressentie dans les tripes– le bas-ventre – que se lève le voile de vérités (inégalités, vie de merde, condition moins que modeste, regards baissées face à l’élite). Je suis un chien à trois pattes. Depuis cette naïveté de l’enfance disparue, je me détermine comme tel, et une chienne accessoirement…

Le corps transformé, corps monstrueux, corps hors-norme, n’est que s’il n’est point d’arrêt. Le point net tient de l’ablation de la verge. Dès lors qu’elle n’est plus, l’insoutenable naît. C’est une naissance de soi. En réalité, l’insoutenable est ce qui ne peut être porté par un seul être, un seul univers. Rapport intime au dehors, par l’intériorité retrouvée. L’utérus est intérieur, il est le forum des plaisirs invisibles, là où parlent les éléments de la vie depuis la nuit des temps. La verge se plie sous son œil, réel ou fictif –  abyssal ! »

(Paris est une ville violente.) Car je suis une personne, contre mon gré… violente ! Je me vois, dans mon appartement parisien de seize mètres carrés, Face à F., une transsexuelle beurette de 22 ans. Et l’une de ses camarades de passe – 19 ans –, la C., originaire du pays du sud que l’on qualifiait du dernier département français, au-delà de Marseille. F. convoque un homme, A. : son soumis qu’elle ne connaît pas encore mais qu’elle fait venir de Caen ; afin d’amener une bouteille de vodka plus trois bouteilles de jus d’orange. Mais avant l’arrivée du type, nous nous sommes préparés. On pourrait ajouter un « e » féminin à ce verbe, mais je ne le fais pas. Une transsexuelle, deux travesties surexcitées, c’est pour moi. De sensualités toutes plastiques de féminité, nous fulminons ! Ce n’est pas la soif qui anime les pseudo-femmes. La vodka arrive. Ça va charger ! Dès lors que le soumis arrive, la « maîtresse » enfin domine comme elle s’imagine la F., se met à tout commander. Régenter ainsi la petite vie domestique de chacun. Je ne parle pas, non plus ! La tension, avec la fumée, une quinzaine de clopes en deux heures, ça monte, ça monte. Je suis calme encore. Prenant un peu l’air, à la fenêtre avant d’espérer partir, ou ne pas partir en ce lieu, si gentiment nommé le Banana Café, à Châtelet. Est-ce pour s’éclater le cul ? En trav’lop… C’est parti, on y va ! Le temps du trajet je m’éloigne des deux amitiés plastiques, avec lesquelles fut échangé l’habillement, mis en place des seins, maquillage et perruques arrangés… 400 mètres à pied, avec les talons blancs, les miens. Dans la voiture, ça (« en ») jette… ; le climat, comme dans l’appartement, est on ne peut plus tendu. Dans la 206 toute rutilante du père d’A., et soumis depuis Caen, il ne dit toujours rien. À partir de l’appartement, de la rue qui mena à la voiture, du dedans du cercueil sur roues : le silence est le roi. Ça avait été annoncé par F., on dit que quand il y a trop de silence, le Shaïtan passe dans le lieu. Plusieurs fois, j’ai dit que je ne voulais pas y aller. Trop de fatigue, trop d’attente – et insupporté par cette attitude de dominatrice à la con – je n’en plus pu. Je lui dis : « demain, je dois aller courir » mademoiselle F. »« Ah ohé, tu fais du sport et t’as un corps moins bien que le mien… ! » Face à une telle putasserie, je laisse passer quelques secondes, elle renchérit vaguement. Je me mets alors à hurler en répondant à la question posée deux minutes auparavant par elle-même, cette dernière étant : « Pourquoi est-ce que tu ne veux pas sortir ? » Moi, répondant aussi vaguement : « parce que je suis épuisé ». Le seul motif était-il le sport ? Je hurle finalement, dans ses oreilles de pseudo-femme, hormonée version féminine de l’Escaulita, mi-Arabe, mi-Latina. Je hurle : « je n’en peux plus d’être commandé… !Je ne suis pas soumis comme ça… moi ! » Elle ne réagit pas – une certaine violence feinte. Elle lance simplement que cette voiture est une propriété privée. « Tu n’y fais pas ce que tu veux. » Elle sous-entend qu’elle dispose de l’homme qui en est propriétaire et donc que c’est, en quelque sorte, « sa propriété ». Je l’attrape par le cou et pose un doigt sur la carotide, doucement mais avec fermeté, comme si j’allais l’étrangler, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus respirer du tout. Je m’arrête, enlève mes deux mains. Et puis je me recule. Elle se retourne de sa place du mort. Elle me regarde, me donne un coup de poing dans l’orbite gauche. Elle revient, regarde face à la route puis se retourne à nouveau et m’en jette un second au milieu du front. La voiture continue, A s’arrête alors à un feu rouge. « Je veux descendre ! » Petite négociation de quelques secondes, puis F. dit : « Fais-la descendre ! » Ordre lancé, A. déverrouille les portières de la 206 quatre-portes. Je dis avant de sortir à C. : « Tu viendras récupérer ton sac demain matin. Au revoir ! » J’ouvre la portière, me casse d’un pas rapide, faisant claquer les talons blancs. À pied, Port-Royal, Denfert-Rochereau, Mouton-Duvernet, je tourne avenue du Général-Leclerc, jusqu’à la rue Garibaldi, puis arrive chez moi. Enfin je peux enlever ces putains de boucles d’oreilles, ma perruque qui s’était dépeignée car dévastée lors de l’altercation, j’enlève mon short noir, mon collant, garde quelques instants le haut blanc avec le petit sous-tif blanc. Je vais à la glace : la F. m’a un peu amoché, mais ce n’est pas trop grave ! Un peu de glace, petit massage avec de l’Hexamidine après le démaquillage. Puis, face à quelques images obscènes d’Internet, ayant gardé le minimum vital d’habits, je me branle un peu…

C’est enfin la nuit qui est passée à ré-intérioriser les pensées de l’acte violent. À avoir peur des flics, du porter-plainte : cette manière porte-jarretelle comme on veut : « porter -plainte » qui est l’analogon sexy des péripatéticiennes tout autant que des ultra-légalistes. J’ai remis le couvert, il y avait trois ans que je n’avais agressé personne ! Pourquoi tant de violence ? Parce que le manque affectif, et bien évidement sexuel, règne dans le bal du réel intestinal– empire frustrateur ! Irais-je encore me peloter contre des hommes, en jeune fille sage, ou m’enlacer vivement contre des femmes aux looks audacieux, dans les night clubsparisiens ? C’est toujours un peu d’énergie affective en plus, pourrait-on penser ; et pourtant ! Cette phrase est-elle toujours si vraie, face à la connerie : « jeux de main, jeux de vilains » ?

« Je regarde ma propre image et je suis bercé par le mouvement : le face-à-face avec le tic-tac, d’une certaine manière, exerce sur vous comme une fascination. Mes yeux, en leur ressac, s’hypnotisent. Lorsque j’essaie d’y penser, écrire me donne la nausée. Mais ce n’est pas seulement ce mouvement constant et le vertige qu’il peut susciter qui agit, c’est aussi l’entreprise permanente du recommencement, cet épuisement […] à travers le geste qui essaie de saisir la proie : le mot juste, le point précis où poser la main, la marche d’un pas sur l’autre qui se normalise pour ne pas tanguer comme un homme ivre, l’hésitation sans cesse réactualisée à chaque seconde entre la lettre et le mot prononcés, sortent de ma mémoire chancelante – le geste qui tremble physiologiquement, c’est un intérieur insaisissable. Ainsi, si la fascination pour l’intériorité est permanente, si elle essaie de se dé-sidérer pour ne pas passer toute son énergie dans les vagues marées de l’œil qui cherche constamment une position de blocage, elle mire le temps inconstant. La pendule qui dérégule le corps est une source d’efforts. Je songe encore et toujours aux chants de matelots donnant le rythme, et aux oscillations de perspectives entre la mer et l’horizon ; au loin, la côte qui se soulève et s’enfonce dans l’angle mort de sa proue demeure un tangage incessant. Il suffirait d’appliquer cette verticalité-là, à l’horizontalité du nustagma(racine grecque du nystagmus) en son abaissement de tête à sa manière de scruter le réel de toute part. L’horizon semble perdu. D’où la raison qui porte à chercher sans cesse, en cette quête, un nouveau point de vue. Tout est réparti entre la fixité du « au loin » et la mobilité d’un « au-dedans », qui est, du point de vue d’une pensée, intéressant à mettre à l’épreuve. Le sujet tente de saisir son identité à travers son corps ; il n’y arrive point. Alors, butant face aux sens pourtant seuls médiateurs réels, il tente de se rapprocher du moi, mais ce dernier ne compose aucune unité : sans cesse il bouge, évolue, ressent autrement le monde et le formule donc autrement en idées. Cette perception empirique des choses est le marqueur de traits fictifs ; c’est une fausse perspective. À la fois profonde et plate, sans fond, sans plus de cause physique. David Hume dit :« Supposez qu’un homme, pourtant doué des plus puissantes facultés de réflexion, soit soudain transporté dans ce monde ; il observerait immédiatement, certes, une continuelle succession d’objets, un événement en suivant un autre ; mais il serait incapable de découvrir autre chose. Il serait d’abord incapable, par aucun raisonnement, d’atteindre l’idée de cause et d’effet, car les pouvoirs particuliers qui accomplissent toutes les opérations naturelles n’apparaissent jamais aux sens ; et il n’est pas raisonnable de conclure, uniquement parce qu’un événement en précède un autre dans un seul cas, que l’un est la cause et l’autre. » L’effet de perspective est donc sans causalité, ni inductions. Comme il ne peut donner lieu à aucune idée claire, à aucune ancre, plus de « cogito : panorama sans ciel ni terre » !

« Je constate que les artistes, régulièrement, résistent face au handicap. Pourquoi cela ? Il est possible d’amorcer une réponse. Les idéaux de beauté pourraient ne pas aller de pair avec le côté peu ‘‘glamour’’ du handicap. Bien que cela change depuis peu, en France, à travers le cinéma la chanson, les formes d’art populaire, les représentations esthétiques du handicap changent peu à peu. Mais attendons-nous encore autre chose de plus ? Nous sommes encore bien loin de spectacles, performances et autres conférences originales militantes qui peuvent avoir lieu aux États-Unis depuis plus de vingt ans. Le côté boiteux qu’évoque le handicap peut être la ‘‘face obscure’’ (notre corps inconscient : violent et intolérant) de chacun de nous, qui cherche éperdument à embellir la vie. Le côté provocant les bizarreries sexuelles, quant à lui, évoque plus une certaine attirance sexuelle, pour certains. Et un dégoût profond de la figure du ‘‘freak’’ de l’autre côté. Dans tous les cas, nous faisons face à de la sidération profonde. »

Épilogue

Un homme « normal » est un homme éteint. Dans une société policée, vérolée et close, où la moindre liberté demeure suspecte ; les fleurs, le vent le vent et les fleurs qui volètent ne sont plus dans les têtes. Je pourrai dire même qu’un homme « normal » est un homme mort ! Car, encore pis, il y a des tenailles terribles qui condamnent les vivants : les absences d’espoir. Pourtant notre surmoi social, cette instance psychique qui cherche à nous réguler, tend sans cesse à établir une norme, à nous étalonner. Contre un état des choses éternellement « onaniste », où le seul but consiste à se transformer en maquereau, au travers d’un grand bal de dupes ; nous ne pouvons que penser à dénoncer ces états de fait. De mon côté je termine ce texte, transi, face à la beauté innommable du genre féminin, que je ne peux m’empêcher d’idéaliser. Cet état de sidération me paraît presque déborder de son lit. Face à l’hypocrisie généralisée, tout ne se résume qu’à jouer le jeu social. Là est la norme, là est l’intégration sociale. Et face à la standardisation des êtres, l’individualisation, l’intériorisation de l’« autocontrainte », il ne s’agit que de constater ces états de libéralisme des corps. Il n’y a pas d’essence humaine. Le sujet pour le philosophe est une pure fiction.

 

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Mise en ligne, 1 mars 2014.