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Sexualité et gouvernabilité des corps au Maroc

Jean Zaganiaris

Enseignant-chercheur au CERAM/ EGE

Chercheur associé au CURAPP/Université de Picardie Jules Verne

 

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Sexualité et gouvernabilité des corps au Maroc :

la question des transidentités au sein des productions artistiques marocaines 

«Je me rappelle avoir parlé de l’éjaculation féminine un jour où j’étais invitée sur le plateau de Tout le monde en parle. Je ne sais plus exactement ce qui avait été dit autour de cette table ronde. Mais je me rappelle de quelques rires un peu moqueurs. Le cycliste Richard Virenque était assis à côté de moi, et avait dit quelque chose du style « Ma femme ne fait pas ça », dans le sens où visiblement elle n’avait pas pour habitude d’éjaculer ».

Ovidie, Osez découvrir le point G. 

L’expression  anglaise « queer » est traduite par Marie-Hélène Bourcier à travers les mots suivants : « ordure, taré, anormal, bizarre, pédé, gouines, malsain »[1]. Elle est fréquemment utilisée comme une insulte visant à stigmatiser les homosexuels ou toute autre catégorie de personnes n’entrant pas clairement dans la division sociale des genres entre masculin et féminin ainsi que dans la normativité hétérosexuelle. L’un des enjeux la queer theory, courant de pensée certes hétérogène, est de prendre la stigmatisation à son compte et de la retourner face à ses agresseurs comme une force émancipatrice capable de déconstruire les identités binaire homme/femme ainsi que les normativités hétérosexuelles. Dans le monde arabe, les débats autour de la place de la sexualité et de ses « déviances » sont d’actualité et ont amené à la production d’un ensemble de travaux sur les homosexualités, les transsexualités et les transgenres[2]. Si l’on représente les pays du Maghreb en insistant sur leur islamité et sur les tabous que le référentiel à l’islam est censé induire au niveau de la sexualité, il n’en demeure pas moins que la gestion politique des pratiques sexuelles et des identités sexuées est plus complexe qu’il n’y paraît. En croisant les problématiques de la queer theory au sujet de la déconstruction de la binarité des genres avec les présupposés de Michel Foucault  sur le bio-pouvoir, il nous semble possible de poser quelques pistes pour penser cette complexité. A partir d’un terrain d’enquête constitué par certains discours de la littérature ou du cinéma marocains, il s’agit de montrer de quelle façon la production artistique permet de rendre compte d’un trouble concernant non seulement le « genre » mais aussi cette « identité arabo-musulmane », exaltée comme « spectre » menaçant « l’Occident démocratique »[3].

 

Queer, biopouvoir et subversion des identités sexuelles

La Queer Theory est issue initialement des  États-Unis. Elle est apparue au début des années 90 à partir d’un certain nombre de circonstances : renforcement des études gays et lesbiennes sur les campus américains, clivages au sein des différents mouvements féministes (notamment entre féministes lesbienne et non lesbienne, entre féministes pro-sexe et féminisme puritain[4]), importation de la French Theory  par des intellectuels américains, fortement marqués par certaines formes de transdisciplinarité[5]. L’un de ses principaux objectifs est de retourner le stigmate homophobe d’un hétérosexisme normatif à prétention universaliste et de s’inscrire dans un positionnement subversif, en considérant que les identités dominantes et majoritaires ne doivent pas empoisonner les manières d’être des minorités sexuelles majeures et consentantes. Il s’agit donc de rompre avec les normes dominantes et de privilégier une hétérogénéité de discours à vocation performative visant à « troubler le genre » et à y inscrire une « dissidence sexuelle ».  

La queer theory invite à subvertir les identités de sexe et de genre qui se sont imposées socialement et à en construire des nouvelles, en adéquation avec les pratiques sociales réelles que vivent les gens : « C’est cette pseudo-naturalité de l’alignement sexe/genre que vient révéler, surexposer la drag queen (mais on pourrait aussi bien dire le drag king). En effet, si la féminité ne doit pas être nécessairement et naturellement la construction culturelle d’un corps féminin (exemple de la drag queen), si la masculinité ne doit pas nécessairement et naturellement être la construction culturelle d’un corps masculin (les female masculinities, les drag king, les butchs, les transgenres…), si la masculinité n’est pas attachée aux hommes, si elle n’est pas le privilège des hommes biologiquement définis, c’est que le sexe ne limite pas le genre et que le genre peut excéder les limites du binarisme sexe féminin/sexe masculin »[6] . Les identités sexuées ou genrées sont loin de se limiter à la traditionnelle opposition entre le masculin et le féminin. Comme l’avaient énoncé Gilles Deleuze et Félix Guattari, la réalité sociale échappe aux binarités et est constituée d’un pluralisme susceptible de briser les normativismes identitaires : « L’amour lui-même est une machine de guerre douée de pouvoir étranges et quasi-terrifiants. La sexualité est une production de mille sexes, qui sont autant de devenirs incontrôlables. La sexualité passe par le devenir-femme de l’homme et le devenir-animal de l’humain : émission de particules »[7]. L’expérimentation nous fait sortir du surcodage de tous ces énoncés tyranniques qui, dès notre enfance, s’ancrent dans notre chair et notre esprit. L’inconscient est une substance à fabriquer et non pas quelque chose que l’on doive enfermer dans des symboles, dans des dogmes. Même si la queer theory est constituée d’une hétérogénéité de courants, elle part de l’idée que les identités sexuées ne sont pas des normes transcendantes auxquelles il faut se soumettre mais des  modes d’existence à conquérir. La série des American Pie peut illustrer ce point. Dans ces films, les pratiques sexuelles des protagonistes sont l’occasion pour chacun d’expérimenter librement une infinité de plaisirs, de fantasmes, de sensations, d’identités. Les personnages peuvent être à deux, à plusieurs, faire l’amour avec des gadgets (le 5e épisode va très loin dans ce domaine, en montrant – certes pudiquement – l’un des protagonistes se faire introduire un gode dans l’anus par une femme et aimer cela), avec des gens plus âgés (Finch et la maman de Stifler) ou devant des films pornos. La scène mythique du premier American Pie, où l’on voit Jim surpris par ses parents alors qu’il a introduit son sexe dans une tarte aux pommes et simule l’acte de pénétration, doit être prise au sérieux. Elle montre que ces adolescents de la série sont à la fois aliénés par des modèles préfabriqués de la sexualité, érigés en impératif kantien qu’il s’agit d’atteindre, et attirés par des expérimentations sexuelles inédites, qui les amènent à transgresser le normativisme hétérosexué qui est pourtant le leur. Là est l’intérêt sociologique mais aussi philosophique de la série des American Pie en tant que matériau empirique utilisé pour penser le rapport complexe à la sexualité que l’on est susceptible de retrouver dans les produits culturels marocains[8]. Les pratiques homosexuelles et la bissexualité sont également très présentes dans la série des American Pie. Dans le 2e épisode, lorsque les garçons sont pris en flagrant délit de voyeurisme par les deux lesbiennes qu’ils épiaient dans leur appartement, un jeu érotique s’introduit entre les protagonistes et permet de bien saisir les représentations symboliques sur les différents types d’homosexualité qui sont construites par la fiction[9]. Les filles veulent bien continuer leurs jeux érotiques entre elles à condition que les garçons s’embrassent également sur la bouche et acceptent de se caresser sous leur regard. Le film nous montre que les pratiques gays ne sont pas construites et présentées socialement de la même manière que les pratiques lesbiennes. Les premières renvoient à une stigmatisation alors que les secondes sont le fruit de fantasmes hétérosexuels. Toutefois, les rapports entre les différentes sexualités, elles-mêmes hybrides, ne sont pas vécus sous l’angle de la conflictualité. Dans le 3e épisode, nous voyons que les rapports entre gays et hétéros peuvent être sources d’enrichissements réciproques dans l’expérimentation des plaisirs. Ce sont les amis homosexuels de Stifler, incarnation de la virilité masculine et hétérosexuelle exhibée à outrance, qui amènent les deux strip-teaseuses pour un show SM à l’occasion d’une soirée. Même si les structures sociales ne sont pas remises en question, il existe toujours une possibilité ou bien un moment où les protagonistes du film échappent à toutes les conventions hétéro-centrées ou puritaines.

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American Pie 2

Ces films dépassent tout normativisme moralisateur à connotation religieuse ou machiste. Ils montrent que les identités de genre ou de sexe peuvent être très facilement déconstruites dans les flux incontrôlés des expériences sexuelles. Dans un même espace, il y a la co-existence de ceux qui vont avoir des relations sexuelles sans aucun sentiment affectif (recherche de la simple jouissance) et ceux qui décident simplement de passer le reste de la nuit l’un dans les bras de l’autre (pur amour platonique, à l’image du footballeur romantique et de la chanteuse du 1er épisode). Il n’y a pas de bonnes manières de faire ou d’être ensemble. Juste des singularités, des différences, des devenirs, des modes d’expérimentations, des identités singulières qui se construisent dans l’acte sexuel ou dans le rapport à l’autre. Il ne s’agit pas tant de rejeter ou de critiquer l’hétérosexualité mais de remettre en cause l’édification hégémonique qui en est faîtes par les pouvoirs politiques ou religieux. Les pratiques hétérosexuelles ne sont qu’un mode de sexualité, lui-même hétérogène, au sein de la pluralité des expériences sexuelles. Là encore, comme le rappellent Deleuze et Guattari, « les multiplicités de la production désirante peuvent faire sauter les formes sociales dominantes et majoritaires »[10]. Les multiplicités sont ces flux qui échappent aux transcendances qui empoisonnent la vie. Leur existence est liée au respect des libertés fondamentales auxquelles chaque individu a droit, que cela ait trait à son corps ou sa conscience.

Selon Judith Butler, le genre (masculin/féminin) est différent du sexe (homme/femme) : « Le genre est culturellement construit indépendamment de l’irréductibilité biologique qui semble attachée au sexe : c’est pourquoi le genre n’est ni la conséquence directe du sexe, ni aussi fixe que ce dernier ne paraît. Une telle distinction, qui admet que le genre est une interprétation plurielle du sexe, contient déjà en elle-même la possibilité de contester l’unité du sujet»[11]. Pour Butler, la catégorie « masculin » peut désigner autant un corps de femme qu’un corps d’homme. Comme l’indique Audrey Baril, « le masculin et le féminin n’existent pas préalablement mais ce sont l’énonciation et la répétition des genres normatifs qui leur permettent d’exister »[12]. C’est en regardant l’histoire que l’on comprend de quelle façon les catégories de sexes et de genre ont été arbitrairement édifiées[13]. Parmi ses sources, Judith Butler cite L’histoire de la sexualité de Michel Foucault, montrant de quelle façon les discours construits par différents types de pouvoir sont parvenus à imposer certaines formes de savoirs et à les faire reconnaître comme vrai. Michel Foucault décrit la façon dont le bio-pouvoir, qui est cette façon de gérer et de réguler la vie des populations en rendant les corps dociles et productifs, s’applique sur la sexualité. Depuis le XVIIIe siècle, le sexe n’est plus quelque chose qu’il faut censurer. Au contraire, il s’agit de le rendre publique afin de mieux de le contrôler. La sexualité et les rapports entre les sexes font l’objet de savoirs visant à inscrire les populations dans des optiques qui sont celles de la reproductibilité et de l’hygiène publique[14]. Comme l’ont montré un certain nombre de travaux ayant repris les thèses de Michel Foucault pour penser les pays du Maghreb, les corps sont des objets de la gouvernabilité et la sexualité s’inscrit dans une « économie politique du pouvoir »[15].

Pour Michel Foucault, le contrôle sur les sexualités n’existe pas sans une résistance portant sur la « désexualisation » que les corps peuvent avoir entre eux. Certains savoirs, produits par les pouvoirs politiques, religieux, médicaux, ont historiquement posé la norme hétérosexuelle comme dominante, « normale »  et ont renvoyé l’homosexualité, le transsexualisme, l’hermaphrodisme à « l’anormalité »[16]. Pour Foucault, les savoirs sur la sexualité sont le fruit d’un combat où une vérité dominante s’est imposée face à d’autres discours minoritaires. L’optique militante de Foucault est de s’affranchir des savoirs sur la sexualité et les identités sexuelles qui nous sont imposés arbitrairement. Ces savoirs sont des marqueurs identitaires produits par le pouvoir et greffé arbitrairement sur nos corps. Il s’agit de « sortir » de ces enfermements normatifs du pouvoir et de produire ses propres modes de subjectivité, de chercher ses propres formes de plaisir. Comme le rappelle James Miller en analysant les idées de Foucault, l’identité du sujet, notamment l’identité sexuelle, « n’est pas quelque chose qui existerait et qu’il s’agit de trouver, de découvrir mais quelque chose qu’il faut créer »[17]. De nombreuses personnes s’inscrivent dans les normes majoritaires qui façonnent l’identité sexuelle. Toutefois, celle-ci reste socialement et historiquement construite et s’impose aux individus sous la forme d’une naturalisation que certains ne peuvent prendre pour argent comptant. Ces identités peuvent très bien ne pas convenir à des personnes qui décident de s’orienter soit vers une construction propre de leur subjectivité, par-delà des normes et les valeurs majoritaires au sein d’une société, soit vers une désidentification de ce que les différents univers sociaux imposent aux individus.

 

« Dis maman, pourquoi je suis pas un garçon ?»

Judith Butler reprend cette désubjectivation chère à Foucault et l’applique au genre en affirmant que les identités genrées peuvent être multiples, construites et rendu réelles par la performativité des acteurs. Les constructions identitaires peuvent être dépassées dans un processus qui éradique la notion même « d’identité » en tant que telle[18]. Si nous partons de l’idée que l’universalisme néo-colonialisme à visée impérialiste n’est pas la même chose que l’universalité à portée humaniste, respectant la pluralité mais partant de l’idée que certaines valeurs tels que le respect, la dignité ou la liberté sont intrinsèques au genre humain,  il est possible de penser le lien entre certaines questions posées par la queer theory sur la subjectivation des identités sexuées et les dénonciations publiques d’injustice, notamment au niveau des libertés sexuelles, qui existent au sein du champ de la littérature marocaine de langue française[19]. Un écrivain tel que Abdellah Taïa, connu pour avoir dévoilé publiquement son homosexualité, se réclame d’une écriture « transgenre » en n’étant pas ignorant des propos sur la queer theory[20].  Loin de limiter les questions sur les subjectivations sexuelles à cette fiction que l’on nomme « l’Occident », le fait de déconstruire la binarité des genres masculin et féminin concerne plusieurs aires géographiques et culturelles. Ce savoir sur les identités masculine et féminine, historiquement construites par les pouvoirs et imposées comme vrai ou comme norme aux populations, peut être déconstruit par d’autres discours existant au sein de l’espace public, susceptibles de remettre en cause cette opposition. Au Maroc, les paroles orales et écrites des écrivains de la littérature marocaine de langue française constitue un terrain privilégié pour analyser ce processus de déconstruction.

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Abdellah Taïa

L’exemple le plus significatif est incarné par le roman de Abdelkébir Khatibi Le livre du sang (1979), au sein duquel nous voyons, la figure de « l’androgyne » qui s’élève « avec ses ailes azurés » du haut du « minaret » et qui symbolise le moment où « le Féminin se noie dans le Masculin » :

« J’appelle Androgyne ce contour extatique de l’être, apparence dans l’apparence de l’homme et de la femme en un effacement infini. Oui, l’Androgyne est éternellement le fiancé de toutes les femmes et la fiancée de tous les hommes. Notre ange n’est-il pas semblable à une jeune adolescente masculine […] En courbant les hanches, il avance un ventre et un bas ventre de femme où se cache cependant un sexe viril, petit et tout arrondi, paré de visions angéliques. »[21]

Cette figure est également présente au sein de certains romans de Mohamed Leftah. Dans Au bonheur des Limbes (2006), racontant la liberté sexuelle de certains êtres au sein de la « fosse » du bar casablancais le « Don Quichotte », Mohamed Leftah évoque « l’androgynie spirituelle » du soufi Hassan Al Basri : « Je restai une nuit et un jour auprès de Rabi’a, discourant avec elle avec tant d’ardeur sur la vie spirituelle et les mystères de la vérité que nous ne savions plus, moi, si j’étais un homme, et elle, si c’était une femme »[22]. Dans cette fosse du bar, qui est un « havre de liberté» contre« les nouveaux barbares qui veulent interdire le vin, la musique, la caresse des vagues sur les corps dénudés des femmes, le jeu, l’érotisme, le rêve »[23], l’un des personnages s’appelle Jeanne le travesti. Mohamed Leftah parle de son visage « sur lequel est plaqué un masque représentant un aigle bicéphale, ambisexué et toute ailes déployées »[24]. Jeanne incarne une remise en cause radicale de la séparation entre masculin et féminin, tant au niveau du sexe que du genre. Si la biologisation des sexes tend à naturaliser l’assignation sexuelle séparant les femmes et les hommes, la perception sociologique des corps hybrides, transsexuées et transgenrées, montre l’artificialité de la frontière normative séparant ce que l’on nomme socialement « sexe masculin » et « sexe féminin ». La bicatégorisation homme/femme est symbiotiquement liée à une infinité de sexe et de genre, construits par les marges de liberté dont disposent certains individus au sein de l’océan de contraintes qui constitue leur environnement. Le personnage de Jeanne incarne cette volonté subversive à travers laquelle l’individu remet en cause les assignations de sexe et de genre que lui imposent les structures sociales. Jeanne se réclame des rites d’une tribu indienne, qui l’a initiée à des rites festifs au sein desquelles tout le monde se travestit afin de devenir « un étranger pour les autres et à lui-même ». Il y a chez Leftah des formes de « romantisme révolutionnaire »[25]. Celui-ci se reporte bien souvent aux savoirs du passé, empruntant tant aux écrits soufis qu’à ceux de la littérature européenne du XIXe siècle, pour subvertir les normes moralisatrices et arbitraires du présent. Pour Leftah, Jeanne le travesti est cette figure antique rappelant l’être hybride de l’époque des origines. Dans Le banquet, Platon évoquait en effet cet être suprême capable de défier les dieux et au sein duquel l’homme n’était pas séparé de la femme. Jeanne incarne la « virilité mutilée », thème cher à Mohamed Leftah. Cette virilité masculine exhibée socialement est le corollaire des principales dominations existant au sein de notre société. Il s’agit de pouvoir exister en dehors de ces figures majoritaires, qui sont aussi des formes d’oppressions normatives de la pluralité des modes de vie et de pensée. La liberté d’être soi et de vivre en harmonie avec ce que l’on a envie d’être, par-delà le normativisme religieux ou étatique au sujet de l’identité est sans doute le bien le plus précieux qui peut nous être accordé ici bas. Il s’agit dès lors d’avoir la volonté et le courage de conquérir cette liberté, quitte à rester dans les marges de la société ou d’être un individu atypique. C’est cela qu’incarne le personnage de Jeanne, à la fois transsexuel(le) et travesti(e) :

« Jeanne n’a pas signé de livres, mais son propre corps. Elle y a cisaillé avec l’acide et le verre, la béance centrale de la féminité, en donnant l’une des formes les plus pures de la géométrie, le triangle équilatéral sphérique, à la toison autrefois frisée et informe de son pubis. Elle a travaillé sur le rêche, l’anguleux, le pointu pour aboutir pour aboutir à cet « amas d’ombre et d’abandon » chanté par le poète. Mais quant elle y parvint, une volonté contraire, soudaine, s’érigea farouchement en elle et fit bander tout son corps. Son destin, elle désormais femme accomplie, de son propre vouloir encore une fois, elle allait faire un simulacre. Ayant vécu l’enfer et la transfiguration du transsexuel, elle allait parcourir un autre enfer, moins brulant, moins tragique mais plus dégradé : celui du travesti. Femme réalisée, elle allait jouer le simulacre de la femme. Elle vivrait sur le fil du rasoir de la frontière des sexes, serait simulacre démultiplié. Dans les night club des villes repues et insolentes, elle ferait revivre les fêtes qui avaient illuminé sa vie d’une sagesse noire »[26]    

Le personnage de Jeanne subvertit les identités de genre et de sexe. D’une part, il s’inscrit dans le transsexualisme et incarne le souhait d’une personne de changer de sexe en recourant à une opération chirurgicale. Certes, Mohamed Leftah parle de mutilation alors que le changement de sexe peut aussi être une forme de libération pour des personnes qui parviennent ainsi à rendre adéquat l’aspect biologique de leur corps avec leurs dispositions mentales[27]. Toutefois, il semble rendre un hommage implicite à ces hommes qui ont décidé non seulement de changer de sexe mais de retirer le membre masculin et le remplacer par cette forme pure qu’est « la béance centrale de la féminité ». D’autre part, le personnage de Jeanne se réclame également du transgenre puisqu’il va également se travestir et jouer « le simulacre de la femme ». Il ne s’agit pas uniquement de changer biologiquement de sexe mais également de montrer l’ambiguïté des frontières entre le masculin et le féminin. Face aux identités normatives que nous impose la société, il existe des gens qui passent au « travers » et construisent leurs transidentités. Face aux arbitraires culturels de toutes sortes, il reste la volonté des êtres humains, qui peuvent décider de créer eux-mêmes leur forme de subjectivation malgré les contraintes sociales avec lesquelles elles doivent composer. Jeanne est sur le « fil du rasoir de la frontière des sexes » et n’existe qu’en tant que « simulacre ». Comme l’avait souligné Gilles Deleuze,  la répétition ne consiste pas à reproduire le semblable par rapport à un original ou bien à rechercher à travers elle des filiations entre un modèle et ses imitations[28]. La répétition produit des différences et non pas des ressemblances. Jeanne est une incarnation de la multiplicité des sexes et des genres. Comme tout être humain, elle fait partie la pluralité des manières d’être existant au sein de la société composite du Maroc.

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Outre celle du transsexuel, la figure de l’androgyne est également évoquée par Mohamed Leftah dans Le dernier combat du Capitaine Ni’Mat, roman qui a gagné le prix Mamounia 2011 à Marrakech mais qui est difficilement trouvable au Maroc[29]. Lors des premières pages du livre, le capitaine Ni’Mat, militaire à la retraite, prend conscience de son homosexualité et décide de la vivre pleinement, en assumant la prise de distance avec une société incapable de tenir compte des sensibilités et des attirances individuelles. C’est un rêve qui est le déclencheur de cette orientation sexuelle. Le capitaine Ni’Mat se voit dans la piscine publique qu’il fréquente pour ses exercices sportifs. Le groupe de minimes qu’il a vu s’entraîner la veille est présent dans son songe mais il a changé d’aspect :

« Un maillot moulant étroitement leurs fesses, à l’instar du bonnet leur tête à laquelle il donnait une forme ovoïde, maillot et bonnet couleur bleu ciel comme celle des lunettes à monture d’écaille et aux verres opaques qui masquaient leurs regards, ils étaient comme des créatures célestes chues d’on ne sait quel azur, êtres de grâce ou anges exterminateurs ? Ils se ressemblaient tous, comme s’ils étaient les clones d’un même adolescent d’une beauté androgyne particulièrement froide, glaçante » [30]    

Ces derniers se mettent à le désigner du doigt avec des gestes accusateurs et provoquent chez le capitaine Ni’Mat une certaine angoisse, qui s’estompe avec la vision du corps nu de son jeune servant appelé Islam, qui sort du bassin : « Cette simple mais combattante posture fit se volatiliser, comme par enchantement, la légion de clones androgynes et menaçants »[31]. La figure de l’androgyne est là pour rappeler au capitaine Ni’Mat, dont la vie ne va pas tarder à s’achever, qu’il est illusoire de chercher bonne conscience en respectant les codes hétéro-sexistes de la société, si l’on ne se reconnait pas en leur sein. Le bonheur ne se trouve peut-être pas dans les valeurs dominantes de la société, qui érige la famille hétérosexuelle en tant que structure normative, mais au sein de ces chemins de traverse, proches de ces expérimentations avec l’inconnu dont nous parle Marguerite Duras dans Détruire dit-elle. Le doigt accusateur et sévère des clones androgynes fait prendre conscience au capitaine Ni’Mat de la beauté du corps de son jeune domestique et des plaisirs que l’on peut avoir avec un individu du même sexe une fois que l’on est arrivé à se libérer des asservissements moraux :

« Involontairement, comme si la nudité radieuse qui allait bientôt s’emmêler à nouveau à celle de l’eau, était si puissamment suggestive qu’elle lui dictait ce geste, il fit glisser sur ses jambes le maillot short informe qu’il portait. Quand il plongea, nu, à la suite d’un corps nu qui l’attirait comme un aimant, le monde qu’il découvrit le remplit d’étonnement et de stupeur »[32].

A l’image de Rimbaud, souvent cité par Leftah, qui disait dans sa Lettre à un voyant que la « femme connaîtrait de l’inconnu », le capitaine Ni’Mat expérimente les corps, les figures, les sensations, les mélanges et les jouissances. Par-delà les normativités politiques et sociales, l’individu peut trouver ses propres formes d’existence en dehors de la communauté. C’est en ce sens que nous pensons que la transsexualité et le transgenre ne peuvent être dissociée de ce que nous appelons « la transe-identité ». L’identité ne peut se résumer aux injonctions normatives des pouvoirs politiques, religieux et sociaux. L’art constitue « un espace des possibles » – pour reprendre l’expression de Nathalie Heinich[33] – qui crée autant qu’il décrit ces formes de subjectivation des individus essayant de s’affranchir des normativités identitaires. Une approche comparatiste entre les productions artistiques européenne et marocaine peut nous aider à mettre en perspective certaines analogies dans la manière de représenter le transgenre du côté des deux rives[34]. La représentation des identités et des pratiques gays ou lesbiennes dans le cinéma est un enjeu politique[35]. Il en est de même du travestissement, de la transidentité ou du transgenre. Avec Glen or Glenda (1953), le fait d’être « entre » ou « au travers » des genres est montré au cinéma, avec un parti pris assumé du réalisateur Ed Wood. Au Maroc, au cours des années 60, l’artiste Bouchaib El Bidaoui chantait les ayta  (chansons populaires) en étant souvent habillé en femme[36]. Ces spectacles passaient à la télévision et ne suscitaient pas de remarque ou d’équivoque. Il n’était pas question d’homosexualité ou de stigmatisation péjorative du travestissement[37]. Connu aussi pour ses blagues, Bouchaib el Bidaoui était apprécié par le public, qui était présent en nombre le jour de ses funérailles. A l’époque où les femmes ne pouvaient pas faire partir des troupes artistiques, c’étaient les hommes qui se déguisaient pour interpréter leur personnage. Les photos de El Bidaoui montrent la perfection avec laquelle ce dernier a pris les traits de la féminité : perruque, maquillage, djellaba… Ce dernier n’a jamais été stigmatisé comme étant homosexuel sous prétexte qu’il était habillé en femme. Il est d’ailleurs intéressant de voir aujourd’hui, à la place Jama el Fnaa de Marrakach, la présence de certains hommes déguisés en femme au sein des halka (contes publics).

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Bouchaïb El Bidaoui déguisé en femme

http://www.selwane.com/expo/displayimage.php?album=39&pos=53

 Ces derniers rendent compte de l’ambiguïté d’une tradition réinventée, où les corps masculins revêtant les apparats féminins pour combler l’absence de femmes au sein des troupes se retrouvent en relation analogique avec les symboliques transgenres, au sein desquelles la construction de sa subjectivité sexualisée est liée au dépassement de la binarité des sexes. Même si nous ne disons pas que les travestis de la place Jama el Fna sont forcément homosexuels ou partisans de la queer theory, l’importation de cette tradition de l’homme travesti dans un monde où l’on peut – avec certaines précautions conceptuelles – parler de « global queering » peut nous amener à réfléchir sur l’ambivalence des représentations de genre au Maroc et du caractère métissé de nos identités sexuées[38].

C’est d’ailleurs en ce sens qu’il serait réducteur de lier le transgenre à l’homosexualité. Le travestissement peut être lié à des jeux érotiques entre homme et femme, comme le montrent d’ailleurs les couples dans 9 semaines et demie d’Adrian Lynn ou bien dans La clé de Tinto Brass. Il y a une érotisation de l’homme déguisé en femme, surtout lorsqu’il est sous l’emprise de sa partenaire féminine. A l’inverse, la femme déguisée en homme peut renverser les représentations dominantes de la masculinité, que ce soit au niveau des positions sociales mais aussi au sein des pratiques sexuelles. Le travestissement est d’ailleurs loin de se limiter à une symbolique érotique et permet d’échapper à son identité de sexe ou de genre dans une situation critique. Dans 37°2 Le matin (1986) de Jean Jacques Beineix, le personnage joué par Jean Hugues Anglade se travestit en une énigmatique femme vêtue d’un tailleur rouge et braque une entreprise de convoyeurs de fond. Une scène analogue est présente dans le film de Faouzi Bensaïdi What a wonderfull world ( 2004). Après avoir exécuté un contrat dans les Twin Center de Casa, le tueur à gage se déguise en femme pour échapper à la police. Il met une robe et porte une perruque avec de longs cheveux blonds. Lorsqu’il se retrouve ainsi face à la femme flic en uniforme dont il est amoureux, le contraste est saisissant. La féminité de la masculinité et la masculinité de la féminité sont l’un en face de l’autre et regardent l’étrange reflet que leur renvoie le miroir de l’ascenseur. Les films de Pedro Almodovar, notamment Tout sur ma mère (1999), ou bien Le baiser de la femme araignée (1985) de Hector Babenco ont évoqué les pratiques quotidiennes de la figure du travesti, présentée sous l’angle de la normalité. C’est également le parti pris de Nabyl Ayouch dans Une minute de soleil en moins (2002). Derrière une histoire policière, le réalisateur montre des personnages aux identités sexuées ambivalentes, que ce soit celle de l’inspecteur Kamal, du travesti qui est son meilleur ami ou bien de Tamia, la femme dont il tombe amoureux. Tout le film semble être résumé par la phrase que le fils de Tamia lance à Kamel : « t’as pas l’air d’un vrai policier ». Les identités ne sont pas tant le révélateur de ce que sont les personnages mais plutôt des masques qui cachent les réalités complexes de leur être. Le déguisement ou l’inversion des rôles genrés est dès lors ce qui nous révèle vraiment, y compris au niveau des pratiques sexuelles.  Sans être « pornographiques », certaines scènes montrent la nudité des personnages et ont amené à l’interdiction du film sur grand écran au Maroc. Mais la véritable transgression  n’est pas tant dans le fait de montrer des personnages nus au sein d’un film marocain mais se trouve plutôt dans l’inversion des genres pleinement assumée par les personnages principaux. Lors des ébats amoureux filmés par Nabyl Ayouch, certains passages laissent deviner que le personnage féminin joue avec les fesses mais aussi l’anus de son partenaire masculin, qui trouve là son plus grand plaisir.A plusieurs reprises, elle met le corps de ce dernier dans les positions occupées traditionnellement par le genre féminin et se comporte comme si elle était un homme. Ces situations où les femmes prennent l’initiative d’inverser les symboliques de genre au sein des pratiques sexuelles sont traitées bien trop rarement par les cinéastes, quelles que soient leurs origines. Récemment, nous en avons eu un aperçu dans le film de Michael Cohen Ca commence par la fin (2009) où l’un des passages montre le personnage masculin se faire masturber l’anus par son amante. Certes, le film reste pudique, voire implicite, sur cette pratique puisque cette scène est tournée à l’extérieur et que l’acteur masculin a gardé son pantalon mais il n’en demeure pas moins que certains « détails » – au sens où l’entend Goffman – de la production cinématographique sont révélateurs de cette ambivalence des identités de sexe et de genre.   

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What a wonderfull world de F. Bensaïdi

Même si elle ne traite pas directement du travestissement, c’est sans doute le roman de Bahaa Trabelsi Une vie à trois qui a le mieux saisi l’ambiguïté de cette transe-identité au Maroc, qu’elle ait trait à la sexualité ou la culturalité des individus. Adam entretient clandestinement une liaison avec Jamal, un jeune homme précaire qu’il contribue à faire vivre. Dès les premières pages du roman, ce dernier rend compte de l’ambivalence affective dont il a été l’objet : « Ma mère m’a aimé au féminin. Au masculin, elle me méprisait »[39]. Il montre également l’ambiguïté des sexualités au sein de la société marocaine. La narration de Jamal au sujet de son lieu de prostitution à Casa est explicite : « Driss est le flic le plus redouté du milieu tapin. C’est un violeur. Je l’affirme parce que j’ai déjà eu affaire à lui. Ce jour là je n’avais pas son bakchich (pot de vin). Il s’est fait payé en nature. Il m’a d’abord fouillé puis m’a passé des menottes en me maintenant les bras levés et appuyés contre le mur. D’un coup de pied, il m’a fait perdre l’équilibre. J’étais à genou, le visage à la hauteur de son sexe. « Suce petite pute », a-t-il soufflé »[40]. Le prostitué mal est appelé « petite pute », « tapette » par un flic qui a recours à des pratiques homosexuelles sans penser qu’il en est un. C’est celui qui pratique la fellation avec sa bouche qui est qualifiée de « tapette » par celui qui en tire le plaisir à travers son sexe. C’est grâce à Adam que Jamal va quitter peu à peu les lieux de prostitution. Celui-ci possède un appartement confortable et gagne très bien sa vie. Incarnation de la transe-identité, il a fait ses études en France, où « Le Paris gay » l’a comblé et lui a permis de se découvrir émotionnellement et sexuellement « avec la sensation d’appartenir à une communauté dotée d’une culture, d’un système de valeurs qui lui est propre, au-delà des frontières et des problèmes »[41]. Adam est amoureux de Christophe mais il est rentré au Maroc sans lui. C’est en revenant au pays qu’il retrouve le caractère oppressif d’une identité hétérosexuelle et islamique, majoritairement adopté par les groupes sociaux qui sont les siens mais dans laquelle il ne se reconnaît pas. Si le transsexualisme et le transgenre, notamment le travestissement, sont les points visibles d’une rupture avec l’hétéro-normativisme, la transe-identité d’Adam évoquée par Bahaa Trabelsi s’inscrit dans le même registre. Déconstruire l’identité sexuelle imposée par les normativités d’une culture nationale est bien souvent lié à la déconstruction de l’identité culturelle à laquelle on est censé appartenir. Jamal n’est pas allé à Paris mais son homosexualité s’est construite au Maroc, avec Abid qui l’a pris sous sa protection lorsqu’il était enfant des rues et avec qui il s’est trouvé sécurisé. Là encore, la transe-identité est présente car le personnage se retrouve en dehors des normes identitaires qui sont majoritaires au Maroc. Son parcours biographique l’a amené à construire une autre subjectivation, qui va fusionner très vite avec celle d’Adam. A travers la relation passionnelle qui va s’installer entre ces deux hommes, le roman de Bahaa Trabelsi montre toutes les stratégies disciplinaires visant à inscrire les corps dans des identités majoritaires, monistes, structurées par l’hétérocentrisme et la perpétuation de la famille. Lors de la nuit de noce entre Adam et Rim, la fille qu’il a été contraint d’épouser pour faire plaisir à ses parents, l’imposition de la famille hétérosexuelle censée convenir à tout le monde montre sa fragilité intrinsèque. Adam est incapable de désirer sexuellement la compagne qu’on lui a imposée et retrouve Jamal dès que possible pour « lui faire l’amour furieusement »[42].

Qu’elles s’affichent publiquement sous le mode du transsexualisme et du transgenre ou qu’elles se vivent de manière existentielle à partir d’une hybridité culturelle assumée, notamment au niveau des pratiques sexuelles, les transidentités sont une réalité sociale dont on n’a pas encore suffisamment objectivé la nature. Elles se distinguent d’ailleurs de l’homosexualité. On peut être transsexuel(le) et ne pas se sentir gay ou lesbienne ; tout comme on peut être travesti et ne pas souhaiter changer chirurgicalement de sexe. Les identités sexuelles déconstruisent la normativité des binarités masculin/féminin ou hétérosexuel/homosexuel de plusieurs façons. Au Maroc, la littérature et la production cinématographique incarnent un matériau empirique important à partir duquel il est possible de comprendre le caractère ambivalent des pratiques sexuelles et des identités sexuées. C’est en ce sens que sans verser dans les apories d’un « global queering » décontextualisé, nous ne pensons pas pour autant que le queer ne puisse exister au sein des pays arabo-musulmans[43].

Si nous avons choisi de faire des rapprochements entre les productions artistiques européenne et marocaine, ce n’est pas tant pour parler d’imitation ou pour souligner les différences culturelles mais plutôt pour attirer l’attention cette « illusion identitaire » nous empêchant de voir la proximité des individus européens, maghrébins ou autres qui essaient d’échapper aux normativismes sexuées et tentent de construire eux-mêmes leur propre subjectivation, quelles que soient leur nationalité et leur culture [44].   

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 Bibliographie

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J. Zaganiaris,  « La question Queer au Maroc : identités sexuées et transgenre au sein de la littérature marocaine de langue française », Confluences Méditerranée, n°80, février-mars 2012


Jean Zaganiaris est enseignant-chercheur au CERAM/ EGE  (Ecole d’Economie et de Gouvernance de Rabat). Il est également chercheur associé au CURAPP/Université de Picardie Jules Verne. Après avoir effectué un ensemble de recherche en théorie politique et en sociologie politique, il travaille actuellement sur les rapports sociaux de genre au Maroc. Il s’intéresse aux enjeux politiques de la sexualité au sein de la littérature marocaine de langue française. Parmi les publications : « La question Queer au Maroc : identités sexuées et transgenre au sein de la littérature marocaine de langue française »,  Confluences Méditerranée, n°80, février-mars 2012 ; Penser l’obscurantisme aujourd’hui, par-delà ombres et lumières, Casablanca, Afrique Orient, 2009 ; « De la démocratie au Maroc, Usages sociaux des normes juridiques et conceptualisation politique des principes de justice », L’année du Maghreb, novembre 2007.


[1] M. H. Bourcier, Queer zones, politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs, Paris, Balland, 2001, p. 177.

[2] K. El Rouayheb, Before homosexuality in the Arab islamic world, 1500-1800, Chicago, Chicago University Press, 2005 ; A. Najmabadi, Women with moustache and men without beard, gender and sexual anxieties of iranian modernity, Berkley, University of California Press, 2005 ; pour un débat sur le référentiel « queer » au Maroc, voir notre texte « La question Queer au Maroc : identités sexuées et transgenre au sein de la littérature marocaine de langue française », Confluences Méditerranée, n°80, février-mars 2012

[3] Pour reprendre le regard critique de N. Picaudou, L’islam entre religion et idéologie. Essai sur la modernité musulmane, Paris, Gallimard, 2010 (voir l’introduction) ; sur les représentations islamophobes dans les média, voir T. Deltombe, L’islam imaginaire, la construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2005

[4] D. Courbet, Les féministes pro-sexe et la pornographie, IEP Aix-Marseille, Mémoire Master, sous la direction de Guy Drouot, 2011 (à paraître à La Musardine en 2012).

[5] Sur cette question, B. Preciado, “Multitudes queer. Note pour une politique des anormaux », Multitudes, 12, 2003 ; F. Cusset, French theory, Paris, PUF, 2002, notamment pp. 210-216.

[6] M. H. Bourcier, Sexopolitiques, queer zone 2, Paris, La fabrique, 2005, p. 122.

[7]  G. Deleuze, F. Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 341.

[8] Les American Pie ont leur aller ego dans le monde arabe avec Film Thakafi (2003) de Mohamed Amin, racontant l’histoire de trois étudiants égyptiens qui ont clandestinement acquis une cassette porno et n’arrivent pas à trouver un endroit discret pour la visionner. La question de la sexualité et les fantasmes des adolescents sont très présents mais ne vont pas aussi loin que les American Pie.

[9] Comme le rappelle N. Heinich, lorsque le chercheur fait une sociologie de l’art, l’enjeu n’est pas tant de savoir si les scènes de fiction sont liées avec la réalité sociale mais plutôt de comprendre de quelle façon elles engendrent des représentations imaginaires et des systèmes symboliques ; Les ambivalences de l’émancipation féminine, Paris, Albin Michel, 2003, pp. 38-40.

[10] G. Deleuze, F. Guattari, L’Anti-Oedipe, Paris, Minuit, 1972, p. 138.

[11]J. Butler,  Le trouble dans le genre, [1990], Paris, La Découverte, 2005, p. 67

[12] A. Baril, « De la construction du genre à la construction du sexe : les thèses féministes postmodernes dans l’œuvre de J. Butler », Recherches féministes, 20, 2007, p. 65.

[13] B. Ambroise, « Judith Butler et la fabrique discursive du sexe », Raisons politiques, 12, 2003.

[14] M. Foucault, Histoire de la sexualité, volume 1 La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976,  pp. 177-191.

[15] Sur la question du pouvoir dans les sociétés maghrébines pensé à partir des travaux de Michel Foucault, voir l’apport de B. Hibou, La force de l’obéissance. Economie politique de la répression en Tunisie, Paris, La Découverte, 2006 et Anatomie politique de la domination, Paris, La découverte, 2011 ; sur l’utilisation des travaux de Michel Foucault pour penser les constructions identitaires au sein des sociétés arabes, voir E. Saïd, L’orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1997, [1978] ainsi que les développements critiques de R. Lewis, Rethinking Orientalism, women, travel and Ottoman Harem, New York, IB Tauris, 2004.

[16] M. Foucault, Les anormaux, cours au collègue de France – 1975, Paris, Gallimard, 1999. 

[17] J. Miller, La passion Foucault, Paris, Plon, 1995.

[18]Sur les précautions méthodologiques visant à mettre en garde contre un usage trop libertaire des thèses de Judith Butler, voir D. Glover et C. Kaplan, Genders, Londres, Routledge, 2000, pp. 113-114.

[19] Sur cette question, A. Najmabadi, Women with moustache and men without beard, op cit., notamment pp. 3-6.

[20] Sur A. Taïa et son rapport au queer, voir J. Zaganiaris, « La question Queer au Maroc », art. cit..

[21] A. Khatibi, Le livre du sang, Paris, Grasset, 1979, p. 52.

[22] M. Leftah, Au bonheur des limbes, Paris, La différence, 2006, p . 33 ; sur l’œuvre de Leftah, voir A. Baida (dir.), Leftah, ou le bonheur des mots, Casablanca, Editions Tarik, 2009.

[23] M. Leftah, Au bonheur des limbes, op. cit., p.22

[24] Ibid., pp. 68-69

[25] Sur la complexité des composantes du romantisme, définit à partir d’une vision idéale typique et présentée comme un mouvement multiforme ayant produit « une critique de la modernité, c’est-à-dire de la civilisation capitaliste moderne, au nom de valeurs et d’idéaux du passé (pré-capitaliste, pré-moderne) », voir M. Löwy, R. Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Paris, Payot, 1992, pp. 10-31.

[26] M. Leftah, Au bonheur des limbes, op. cit., pp. 69-70

[27] P. Califia, Le mouvement transgenre. Changer de sexe, Paris, EPEL, 2003.

   [28] G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1969, pp. 1-41.

[29] Sur cette question, voir la revue de presse des éditions La différence, http://www.ladifference.fr/Le-dernier-combat-du-capt-ain-Ni,2231.html?id_document=197 Le roman de Mohamed Leftah a pu finalement entrer au Maroc grâce au « combat » de certains acteurs du champ culturel, pour qui l’introduction et la légitimation de cet auteur au sein de la littérature marocaine est d’ailleurs un enjeu politique en soi. La rencontre autour du roman Le dernier combat du capitaine Ni’Mat a eu lieu le 28 janvier 2012 à la librairie La virgule de Tanger, qui a fait commander et a pu ainsi diffuser les exemplaires de l’ouvrage au Maroc ; voir  http://www.lesoir-echos.com/mohamed-leftah%E2%80%89-le-combat-continue/culture/37837/

[30]M. Leftah, Le dernier combat du capitaine Ni’Mat, Paris, La Différence, 2011, p. 20

[31] Ibid., p. 21.

[32] Ibid., p. 22

[33] N. Heinich, Etats de femme. L’identité féminine dans la culture occidentale, Paris, Gallimard, 1996.

[34] L’expression « du côté des deux rives » est empruntée à Z. Daoud, Marocains des deux rives, Paris, Editions de l’atelier, 1997.

[35] Sur cette question, A. Brassart, L’homosexualité dans le cinéma français, Paris, Nouveau Monde éditions, 2007 ; V. Russo, The celluloid closet : homosexuality in the movies, New York, Harper and Row, 1987.  

[37] L’artiste Bouchaib El Bidaoui n’a jamais été considéré comme un homosexuel mais n’avait pas non fait état d’une quelconque homosexualité. Il incarnait ces hommes de troupes qui se déguisaient en femme car ces dernières n’avaient pas accès à la scène.

[38] Peter A. Jackson, « Global queering and global queer theory : Thai transgenders and homosexualities in world history », Autrepart, 49, 2009

[39] B. Trabelsi, Une vie à trois, Casablanca, Eddif, 2000, p. 11.

[40] Ibid., p. 13.

[41] Ibid., p. 21.

[42] Ibid., pp. 97-101.

[43] Selon J. A. Massad, les theses de J. Butler sont inapplicables dans le monde arabe, voir Desiring arabs, Chicago, Chicago University press, 2007, pp. 41-49. 

[44] Sur les apories des approches culturalistes, voir J. F. Bayart, L’illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996.  

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2 Comments

  1. Blog(fermaton.over-blog.com),No-30. – THÉORÈME DE LA MODERNITÉ. – L’auto-référence et vérité

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