Naiel Lemoine
Photographe
4- On te connait moins pour ton travail sur l’urbain, ou l’urbanité, sur les paysages aussi que tu photographies : peux-tu nous en dire deux mots ? (sont-ils en lien avec tes revendications ?)
Les photographies réalisées sur le thème de l’urbain et des paysages autres, sont, en tout premier lieu, liées à une pratique photographique particulière, elle même induite par les conséquences d’une maladie.
En effet , les premières années vécues avec la fibromyalgie ont été des années, quasi sans sommeil, de douleurs incompréhensibles, de perte d’autonomie physique et de folie provoquée par le monde médical.
Après être sorti-e de l’enfer asilaire et hospitalier, deux problématiques se sont imposées à moi:
– La question du corps “enfermé” triplement (dans mon corps, dans le monde médical et la psychiatrie) qui se heurte brutalement aux normes de la toute puissante médecine française. Cette médecine qui dit quelle maladie est validée en tant que telle ou non, et qui range tout le reste dans de la psychiatrie de comptoir… Cette première problématique a d’ailleurs donné lieu, à ma première exposition, qui porte sur les questions du corps indicible au regard des normes du monde médical, de la société, puis en lien avec le genre..).
Elle est visible ici: http://www.naiel.net/identite_cadre.htm
– La deuxième est celle, du rapport particulier au temps, qui se créé. Quand on ne dort plus, le temps s’étire à l’infini et devient un long couloir sans fenêtres, sans arrêts. Il est partout et nulle part.
Se pose alors de manière très pragmatique, la question “que faire de ce temps” quand à 4h du matin on n’est pas réveilléE mais juste encore éveillé-e?; couplée à la nécessité d’essayer de s’échapper quelques minutes de “ce corps anarchique”, de soi.
Un matin, je suis sorti-e avec mon appareil et pendant les premières années, où que je sois, je partais dans la nuit, seul-e en essayant juste de regarder, d’écouter puis de shooter.
Cette double injonction à échapper à un corps malade et au temps infini ont fait de cette pratique, une habitude et une évasion indispensable à ma survie; comme une drogue qui vous ouvre d’autres chemins qui étaient là mais inaudibles, invisibles, inodores, impalpables dans le brouhaha du temps dit » normal », du temps qui rime avec boulot/ métro/boulot/dodo…
Cette pratique quotidienne a donné lieu à une première exposition ( « Errances » http://www.naiel.net/Errances_cadre.htm) puis à une autre:
(terre des humains / terre des non humains »http://www.naiel.net/hnhcadre.htm ).
La plupart des clichés pris, pendant cette période, ne sont pas sur le net, ils sont dans des cd, des dvd, des disques durs, parfois accompagnés de mots ou non, parfois sur mon blog (http://blog.naiel.net/).
Les thèmes récurrents sont l’errance, l’absence qui exacerbe la présence, les traces, les voyages dans tous les sens du terme….
J’ai une prédilection pour les gares, les lieux désaffectés, l’architecture d’un espace/temps; d’un moment, les barreaux, les chaines…
J’interroge ainsi, les traces de l’urbain dans la nature et de la nature dans l’urbain et donc les traces de ce qu’ un être humain a, à un moment donné, construit, consommé puis jeté…
Je pense que le texte de présentation de « terre des humains/ terre des non humains » en parle mieux que les quelques mots que je peux poser ici.
J’interroge aussi, comment ces lieux consommable/jetables résistent/ se métamorphosent par et pour des personnes qu’on a bannies ou qui refusent les diktats d’une société capitaliste qui accélère son autodestruction programmée.
Donc, pour répondre à la deuxième question: oui, ces shoots sont en lien avec mes aspirations/revendications…
Ces photos témoignent de l’horreur ordinaire, de la course frénétique de ce système inhumain que j’essaye de combattre.
5- On a pu t’entendre dans des conférences et tu dis toi même qu’il n’y a pas la question du genre, toute seule, mais en lien avec d’autres. Le féminisme par exemple. Pour toi, c’est quoi être féministe ?
Quand je dis, je suis féministE, je me dois d’expliquer ce qu’est pour moi le féminisme, parmi tous les féminismes existants. Et pour cela, je vais tout d’abord tenter d’expliquer brièvement quelle est ma grille d’analyse pour penser le monde et résister dans ce monde.
C’est une grille de lecture matérialiste, féministe, post-marxiste, dynamique, qui utilise les concepts de rapports sociaux pour penser les modes de production, de reproduction et les possibilités de changements des groupes sociaux (autrefois analysés comme séparés, immuables, naturels).
“Le rapport social peut être assimilé à une tension qui traverse la société; cette tension se cristallise peu à peu en enjeux autour desquels, pour produire de la société, pour la reproduire ou pour inventer de nouvelles façons de penser et d’agir, les êtres humains sont en confrontation permanente. Ce sont ces enjeux qui sont constitutifs des groupes sociaux. Ces derniers ne sont pas donnés au départ, ils se créent autour de ces enjeux par la dynamique des groupes sociaux.”
(Danièle Kergoat, “Penser la différence des sexes : rapports sociaux et division du travail entre les sexes »”in Margaret Maruani, Femmes, genre et société, Editions la découverte, 2005).
Les rapports sociaux que sont le genre, la classe , la racisation, la génération… s’articulent les uns avec les autres , s’entrecroisent ( ils ne sont pas simplement additifs), ils sont, dit D Kergoat, « consubstantiels et co-extensifs »: « consubstantiels : ils forment un nœud qui ne peut être séquencé au niveau des pratiques sociales(..) et co-extensifs: » en se déployant les rapports sociaux de classe , de genre, de race se reproduisent et se co-produisent mutuellement ».(…) » Ils interagissent les uns sur les autres et structurent ensemble la réalité du champ social ».
(« Dynamique et consubstantialité des rapports sociaux », in sexe, race, classe ; pour une épistemologie de la domination, Paris, PUF, 2009)
En ce qui concerne le genre (rapports sociaux de sexe) et donc les féminismes (mais pas que), je vais essayer d’être plus précisE:
Je tiens d’abord à préciser que le genre n’est pas, pour moi, la construction sociale du sexe biologique (le genre est un concept créé dans les années 50 aux États-Unis par Stoller et Money, deux psychiatres et psychologues travaillant sur le “transsexualisme” et la réassignation des enfants intersexuéEs.
Le genre préexiste au sexe et le produit en lui donnant l’illusion du naturel (tout en invisibilisant cette production).
C’est un rapport social de pouvoir qui produit et entretient le système hétéronormatif (2 genres, 2 sexes, relation hétérosexuelle avec pour but la reproduction).
Dans ce sens il fonde la société en tant qu’hétérosexuelle (cf Wittig).
En tant que dispositif créé et au service du pouvoir biopolitique, il est à détruire car il maintient l’oppression d’une catégorie sur une autre, exerce un contrôle permanent des individuEs via une grille de lecture normative qui définit ce qui est “humain” de ce qui ne l’est pas. Il exclut donc du domaine du “pensable” toute personne ne pouvant être identifiée clairement par cette grille.
Le genre (en tant que dispositif de régulation au service du pouvoir) au même titre que le sexe n’a pas de caractère naturel, rien ne préexiste à sa production.
Dans ce sens, le féminisme a pour objectif final la destruction du genre; ce qui ne veut pas dire qu’il faut ignorer ou nier la réalité des catégories sociales de genre et leur relations.
Ma conception du féminisme est matérialiste et « Wittigienne », dans ce sens « être féministE, c’est lutter pour les femmes en tant que classe et pour la disparition de cette classe » ; alors que « pour de nombreuses autres cela veut dire quelqu’une qui lutte pour la femme et pour sa défense, pour le mythe donc et son renforcement » ( On ne nait pas femme, M. WITTIG, in “questions Féministes” N°8, mai 1980).
Les rapports sociaux de sexe devraient produire autant de sexes que d’individuEs, si ce système hétérosexiste ne réifiait pas en permanence, comme fait de nature, deux sexes et tout ce qui en découle.
(C’est une des limite des grilles d’analyse féministes (exceptée Wittig, le corps lesbien) de n’analyser que les constructions de « LA masculinité » et de « LA féminité » de groupes sociaux hétérosexuels. Qu’en est -il DES constructions « Des masculinités », « Des féminités » chez les pédés, les gouines…, et ce même si le mouvement homosexuel tend à s’homonormativiser sur le modèle hétérosexuel et aussi à s’homonationaliser).
C’est un prolongement des grilles d’analyses féministes, qui au sein des contraintes qui nous font advenir comme sujet, laisse à celui-ci, des marges de résistance (notamment au niveau du genre, mais qui n’est plus du genre, car le genre est binaire) dans et non pas hors du champ social.
Qui, d’ailleurs, pourrait prétendre y échapper?
Ce prolongement peut permettre aux individuEs, dans des relations sociales (D. Kergoat distingue notamment rapports sociaux et relations sociales, dans le sens où les antagonismes ne sont pas forcement à l’œuvre dans toutes les rencontres interpersonnelles), et je pense notamment à ma construction personnelle, de créer d’autres réalités visibles et violemment sanctionnées, mais qui peinent à entrer dans le champ social en raison du système de fabrication asymétrique du genre nécessaire au fonctionnement de la société dans la quelle nous vivons.
6- La question de l’intersectionnalité revient souvent dans tes propos : “races”, classes… de futurs projets autour de ça?
Non, car je n’ai actuellement pas de projet tout court.
De plus, même si je suis questionné-e par ces entremêlements d’oppressions, je le suis en tant que personne blanche, transwhatever, de classe moyenne (si elle existe encore), avec une validité variable dans le temps et d’une génération différente de celles que je suis amené-e à croiser.
Je fréquente dans mon quotidien, des personnes précaires et de classe moyenne, valides, des lesbiennes, gouinEs, un pédé, des hétéroEs et biEs et quelques “blacks” et “arabes” (je reprends les “auto-nominations” des personnes), mais mon univers reste, je le constate, assez blanc.
De ce fait, aller piocher dans chaque catégorie, sans participer pleinement aux luttes, vies, ne fait pas partie de mes pratiques.
Cette année, je souhaitais amorcer un projet, qui me tient à cœur depuis longtemps, qui est de questionner “la validité présumée et la situation de handicap présumée” dans nos milieux, mais je n’ai pas eu l’énergie suffisante ni les contacts pour le réaliser.
Donc, si j’ai un projet à mettre en œuvre dans le futur, ce sera prioritairement celui-ci.
7- Tous les ans, ou souvent tout du moins, tu te rends aux UEEH : quel témoignage t’inspirent-elles?
Ueeh, comme/
nostalgie/
espace/temps/ inimaginable
offert/
à nos envies
à nos/
réalités impensables
Ueeh comme
partages/
plaisir des rencontres/
discussions/réfle(ct)ions/
Ancrage
sur le sol d’un
patio
sur le verre/brisé
de nos montres
Découvertes/ateliers/plaisir
aller juste/
vers l’autre.
Solidarité/ la main tendue/
pour oublier/ réécrire et
Dépasser/
ensemble/
les coups et blessures reçues
d’une société
qui nous a laisséEs/
NuEs
Ueeh comme/
être
cet être qu’on ne peut
par/être
dans le quotidien de nos vies/
contraintes/
par la normalité/l’ individualité
et le profit
Comme être/
avec d’autres êtres en/
dé/construction/
en re/construction
en dé/formatage de nos/
cerveaux
re/significations de
nos corps
quand les paroles/
d’autres
résonnent en toi/
comme un /
possible
jamais imaginé car/
impensable/
jusqu’à ces rencontres /
juste
véritables.
Ueeh comme/
être ensemble
dans des soirées débridées
dans des ateliers passionnés
dans les gestes esquissés/
sans ambiguïté/
sur les matelas
affalés/
d’un /calinodrome
comme des possibles/
avec vue/
sur les calanques
comme un arrêt/
brutal/
qui vous change à jamais /
et vous laisse
le gout du manque
Être et co-êtreS,
pour et ensemble/
construire
nos rêves et nos luttes
Ueeh pour partager /
nos vécus/ nos idées/
nos douleurs / nos cris/
nos joies/ nos amours
Ueeh comme /
populaires
comme/
politisation
sans agressions/ sans
silences génés
comme
se repenser/
se déconstruire sans
jugements
sans peur de se perdre/
Ueeh,comme /
Nous repenser
dans la joie/
dans les conflits/
mais avec /
cette bienveillance
qui a déserté
tes dernières années…
Naïel, 29 aout 2012
8- Je crois que tu participes aussi à l’Existrans… Tes photos disent quoi de ce moment de visibilité ?
J’ai participé à l’Existrans de 2005 à 2010, avec des motivations, des rôles et un enthousiasme différents selon les années.
Que disent mes photos de ce moment de visibilité?
Je pense tout d’abord que ce n’est pas à moi de dire ce qu’elles peuvent dire mais aux gentes qui les regardent.
Ce dont je peux parler, par contre, sont : ma manière d’aborder les Existrans et les manifestations avec mon appareil et ce que m’évoquent ces traces quelques années plus tard.
En ce qui concerne ma façon d’aborder les Existrans et les manifestations, elle tient plus de l’ordre du reportage; pas du reportage avec des clichés chocs, mais plus du reportage qui essaye de relayer les messages politiques de ces manifestations par le médium de la photographie.
Elle se différencie aussi du reportage dit classique, dans le sens où c’est un reportage « de l’intérieur »: je me trouve à chaque fois confrontéE à la double difficulté d’être acteurE de la manifestation et dans le même temps spectateurE attentivE. Ce sont des photographies qui sont situées, elles viennent du « dedans-dehors ».
De manière plus générale (mais je l’ai très peu pratiqué, de fait, pour les Existrans), je parcours la manifestation une première fois, en étant toujours dedans-dehors, pour essayer de shooter les pancartes, les banderoles, les slogans, les associations, groupes présentEs, les messages politiques délivrés.
Puis la seconde partie se passe au gré du déroulement de la manifestation , mais usuellement je prends des portraits, des expressions, des moments d’humanité….
En ce qui concerne l’Existrans, de 2005 ( ma première) à 2010 ( ma dernière), je me suis apercu-e que je prenais de moins en moins de photos et que je ne prenais plus les mêmes photos:
Après 2009, je n’avais plus envie de continuer d’essayer de montrer cette apparence de pseudo-unité/ cette apparence de « communauté trans ». Il devient à un certain moment impossible de photographier côte à côte des personnes qui se sourient en se haïssant profondément.
Au fur et à mesure des années et de mes implications diverses dans ce qui est communément appelé » le monde trans », dans ses divers strates et sous groupes; quand les batailles, politiques ou non, internes déchirent les groupes, les amitiés,quand ont disparu la joie d’être ensemble pour cet unique jour de visibilité trans, la solidarité, la liberté de s’exprimer, la possibilité d’être soi tout simplement; que reste-t-il à photographier ?
Un charnier d’Égos démesurés drapés des immaculés Trans ou Rainbow flag ? Des sourires figés qui construisent la muselière du dicible ! La flamboyance du pseudo consensus ?….
Pour cette interview, je me suis obligé-e à rechercher dans mes cd, dvd puis disques durs, les photos prises lors des différentes Existrans et autres manifestations trans ( celles-ci ayant disparu du net, suite à la fermeture de slide.com en janvier 2012), avec une certaine nostalgie mais surtout avec un sentiment de pesanteur intense..
Que m’évoquent-elles, là, ce 24 aout 2012, soit 7 ans après la première et 1 an et demie après la dernière à laquelle j’ai participé?
Ce regard est le regard situé d’une personne transidentitaire, sur son propre regard passé et avec sa double, voire triple, position au sein des Existrans, suivant les années ( j’expliquerai plus loin, la question des multiples positions/situations).
En 2007, j’ai réalisé très peu de photos pour cause de double » appartenance » à l’organisation de l’Existrans et à un groupe informel.
Celles que j’ai pu réaliser à l’aide d’un petit bridge numérique, montraient , je crois, mes illusions de l’époque: l’espoir de la convergence des luttes; avec des banderoles , des pancartes, qui re-politisaient les luttes trans au sein / en les croisant avec d’autres luttes comme l’anti psychiatrie, la colonisation des minorités, le système binaire hétéropatriarcal et donc les féminismes, les questions du fichage des déviantEs de toutes sortes…
Pour résumer, il ne s’agissait pas de lutter seulement pour des droits pour les trans ( et avec la difficile question de l’intégration-assimilation) mais contre un système politique qui attaque touTEs les anormaLEs, toutes les minorités. Il faut rappeler que 2007, c’est Sarkozy élu président en (f)rance!
C’était aussi la première fois, à ma connaissance, que se déroulaient de manière simultanée et avec les mêmes mots d’ordre, 3 Existrans, à Barcelone,Madrid et Paris ( le 07/10/2007). Cette « première » a été rendue possible grâce aux rencontres entres activistes trans castillan-ne-s, catalan-e-s et français-e-s lors des UEEH en juillet 2007 ( http://www.ueeh.net/).
Depuis, cela a conduit petit à petit à la création du réseau STP 2012 ( Stop trans pathologization, 2012 pour la sortie du DSM V prévue en 2012 mais qui finalement n’arrivera qu’en 2013) , officiellement créé en juin 2009.
STP 2012 regroupe à l’heure actuelle plus de 300 groupes et réseaux dans le monde et coordonne tous les ans un « international day of action for transdepathologzation », qui aura lieu cette année le 20 octobre 2012. « Le dernier octobre 2011, des groupes activistes de 70 villes d’Amerique Latine, Amérique du Nord, Asie, Europe et Oceania ont organisé des marches et d’autres actions sous la campagne STP-2012 » ( http://www.stp2012.info/old/fr).
Pour en revenir à la photographie, mes quelques shoots de 2007 disent cela: l’empowerment, la joie d’être là, la solidarité avec comme banderole de tête » contre la psychiatrisation, Résistrans » et avec une banderole d’un groupe informel » Les normes sont trop étroites pour penser Nos réalités » qui restera gravée dans beaucoup d’esprits. Elles ne disent pas les guerres internes.
En 2008 et 2009, mes photographies m’ évoquent la rage , la joie d’être ensemble, de hurler, la fierté juste d’être, la diversité, les possibilités de convergences de luttes encore présentes ( un croisement avec une manifestation de soutien à des sans papierEs, qui donne lieu à un die-in commun), des revendications sans frontières ( En 2008, 11 ville européennes se sont mobilisées pour la dépathologisation trans , le même jour avec comme mot d’ordre: « Ni homme, ni femme, le binarisme nous rend malade »), l’appropriation de l’espace public, la diversité, le partage, les copain-e-s..
Il y avait encore tout cela en 2008, malgré les tensions internes qui s’intensifiaient et se cristallisaient.
2009, montre l’apparition de nouvelles associations ( Outrans, et d’autres que je ne souhaite pas citer), Bachelot et sa fausse dépsychiatrisation (et où, malgré les divers communiqués de presse des diverses associations pour expliquer, qu’en (f)rance, les trans étaient toujours soumis-e-s à la toute puissance de la psychiatrie et de ses équipes off et que rien n’avait changé, cette annonce de changement d’ALD a eu pour conséquence directe une désinformation de masse qui court encore aujourd’hui), la présence d’une association féministe ( les tumulutueuses) , la joie de se retrouver, les amourEs passagères ou durables, les générations qui se mêlent, mes amiEs, les amitiés qui se sont éteintes ou fracassées, les personnes qui changent et quittent votre quotidien, celles qui restent et vous le rendent insupportables, de nouveaux visages…la vie , quoi ! Et toujours, comme dans toutes les Existrans auxquelles j’ai participé, l’interpellation sur le VIH, la situation des séropoEs qu’on expulse et les travailleusEs du sexe.
En 2010, je n’ai quasiment pas pris de photographies (une dizaine) en raison d’une lassitude, et « d’un ciel si bas qu’un canal s’est pendu »…
Voilà ce que je peux dire aujourd’hui, de mon regard délavé sur mes regards passés sur les divers Existrans.
9- Pour finir, de manière plus personnelle peut-être, pourrais-tu nous parler de ton regard d’artiste et de militant.e sur le mouvement LGBTIQ ?
De L.G.B.T.Q.I./
ne restent que
trop souvent/
une majorité qui décrie
ceulLEs /
encore trop/
déviantEs
Du L et du G/
enfin/
surtout du G
dans les saunas du Marais
dans les prides/
de juin à juillet/
la beauté/
conventionnelle/
dégouline quelque peu
sur /stonewall
de revendications
bien frêles
la techno a remplacé le music hall
En 2012, je
vote?
pour continuer /
d’expulser
celLes qui sont néEs
avec la peau/
un peu trop foncée
Mariage et égalité
comme ultime/
révolte
folles butchs et T
trop visibles
trop radicalEs
s’abstenir
quand leur avez vous
fermé /
votre porte
à grand coups de
normalité?
Et pourtant, jamais/
je n’oublie/
que du L, je suis néE/
que dans les quelques bars
de/ Paris
j’ai commencé à aimer
sans me/
haïr.
Mais, aujourd’hui/
dans les poubelles de l’oubli/
côte à côte/
le F.H.A.R.
les Gouines Rouges et le G.A.T.
Gisent /
sous l’étendard de l’homonormativité
Pour des sous-droits obtenir/
il semble que
doivent mourir/
le souvenir du DSM
et, de touTes les déportéEs
les luttes conte un système
le féminisme/
oublié
Et pourtant, jamais/
je n’oublie/
que du L, je suis néE/
que dans les quelques bars
de /Paris
j’ai commencé à aimer
sans me
haïr.
Mais quand , dans les journaux
les paroles de vos ennemiEs vous/
reprenez/
parce qu’un mec trans a osé/
enfanter
quand dame Nature vous/
convoquez
pour votre dégoût et votre haine
légitimer/
Quand de vos centres, vous chassez
des séropoEs parce que
putEs, trans, gouinEs,
pédés et précaires
car /dans les vitrines de beaubourg
ça fait un peu tâche
ces gentes/
qui viennent se réfugier
ça manque/ un peu de panache
ces gentes encore
psychiatriséEs/ stériliséEs
violéEs / expulséEs…
Vos paillettes ne peuvent-elles supporter
d’ètre un peu/
ensanglantées/
juste/ par nos réalités?
Quand vos discours d’intégration
sous le régime de l’état-Nation/
prennent le pas /
sur la solidarité
et écrasent d’autres
minorités…
Alors oui , aujourd’hui/
j’ai envie d’oublier/
que dans cette communauté/
je suis néE
tellement j’ai envie de
gerber.
*Ce texte ne concerne qu’une majorité d’homosexuelLEs et pointe les dérives des luttes pour les droits pour une majorité et non des droits pour ToustEs.
Naïel, 30 aout 2012.
Mis en ligne : 6 septembre 2012.