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« A trans-inclusive feminism as a progressive sensibility »

« A trans-inclusive feminism as a progressive sensibility » (28)

Héloïse Guimin-Fati

Meghan Murphy, Sheila Jeffreys, Cathy Brennan, les sites « Feminist Current », « Sisyphe », « TRADFEM », quelques blogs, des groupes Facebook et un tas d’échanges  acrimonieux sur les réseaux sociaux nous feraient croire que, pour une partie de la planisphère féministe, un nouvel ennemi est né, se substituant à l’ancien, plus dangereux que celui-ci et, pourtant, circonscris à une infime minorité de la population ; à savoir les Femmes trans*.  A les lire et à analyser la violence avec laquelle les deux communautés s’affrontent on penserait que le péril est plus alarmant car insidieux et qu’il sonnerait le glas des luttes féministes contre le patriarcat.

Les arguments et modes de « défense » de ce que d’aucuns appellent les TERFS(1) sont récurrents : opposition antinomique entre les « porteurs de pénis » et les « femmes », instrumentalisation de faits divers et de la violence des réactions de la part de certain.e.s personnes trans., sur-légitimité cissexuelle, mythification des trans*, accusation de liquidation des luttes féministes, le tout mêlant ignorance et mauvaise-foi surréalistes.

La multiplication des interventions et des altercations nous a poussées à réagir. Je vais donc prendre le temps de penser ces méthodes pour y apporter un début de réponse, non pas dans l’espoir de vider la querelle, mais pour offrir à celles-ceux qui se retrouvent confronté.e.s à ce genre d’attaques des pistes de réflexions ou des arguments pour se défendre. La médiatisation de plus en plus grande, qui jette sur nos destins un projecteur cru et déformant, ne fera que braquer celles qui voient en nous des ennemi.e.s. Il est donc utopique de croire que la publication de ce dossier mette fin aux conflits. Comme me l’a dit une amie « souffle sur le feu, il y aura toujours des braises ! »

Cela étant dit, penchons-nous sur l’argumentaire déployé. Et d’abord sur la division corporelle de l’humanité entre « porteurs de pénis » et « femmes ». J’use à dessein de ces deux expressions qui sont souvent opposées sur un pied de non-égalité. De même que lorsque Kathy Brennan se fait photographier en exhibant une figurine affichant « Sorry about your dick » (2) ou que Jules Falquet décrit le sort des recrues masculines du service militaire turc (3), il y a ce besoin de partager et de déshumaniser une partie de l’humanité en, d’un côté, la ramenant à un organe de son corps, le définissant irrémissiblement et de l’opposer à des figures (« les femmes ») dont l’existence individuelle est un construit conscient, une victoire sur leur corps, le plus souvent objectivé, et les injonctions au silence dont elles sont souvent victimes. D’un côté un objet confronté à un sujet. Dans le cas qui nous intéresse ici, cela renvoie les Femmes trans* à ce que beaucoup tentent de dépasser et de transcender (l’assignation à la naissance). C’est simple et souvent, avouons-le, efficace, nous laissant avec une meurtrissure insondable, surtout que l’acte posé l’est avec un plaisir non déguisé, souvent sadique, appuyé sur une foi quasi religieuse. Certain.e.s d’entre nous ne sachant y répondre que par l’agressivité et les excès.  Sans excuser ceux-ci, allons un peu plus loin.

Le féminisme radical se défend d’être essentialiste, il ne s’attaquerait qu’à « La » racine du patriarcat pour libérer les femmes de l’oppression des hommes. A les entendre il n’y aurait donc qu’une seule racine à ce système inique, un seul axe d’oppression et de classification qui expliquerait tout et où tout serait soluble. Cette idée du « tout » explicable par un seul schème me fait furieusement penser à la doctrine psychanalytique où ce « tout » est explicable, entre autre, par le concept de « résistance ». Résister c’est la preuve de la névrose et donc du refus d’être soigné.e. Sous entendre qu’à l’axe oppressif homme-femme, peuvent se substituer (ou se superposer) d’autres axes est, sur le même mode, une preuve de misogynie patriarcale et le dossier que vous lisez, qui met en question ces doctrines radicales, le serait tout autant. Dans les deux cas soit vous acceptez soit vous êtes un.e ennemi.e. Il vous faut donc laisser votre libre arbitre et votre conscience aux portes de ces cabinets d’analyse.

L’appartenance à un corps est le juge ultime qui fait de vous soit une victime du patriarcat soit un de ses privilégiés. Kate Louise Gould (4) nous dit qu’elle est «  une femme natale. Un être humain femelle adulte » qu’elle a « un vagin et, jusqu’à la ménopause, un cycle menstruel » que « ce ne sont pas des opinions ; ce sont des états de faits biologiques » que «  cette biologie peut ne pas définir une femme dans son intégralité — elle a un vagin, elle n’est pas un vagin —, mais elle est essentielle à ce qu’est une femme », pour elle  « notre biologie et notre être féminin sont entremêlés » et elle finit par « comme la biologie des hommes avec leur être masculin : un pénis et des testicules sont les marqueurs biologiques de la masculinité ».

Que nous apprend, ou ne nous apprend pas, cette profession de foi ? D’abord, une première chose, assez étonnante pour une personne prédicant la dualité des sexes et des genres, c’est qu’il y aurait des femmes « natales » et donc, à contrario, qu’il y en aurait qui ne le soit pas.

Elle se désigne elle-même comme « femelle humaine », discernant pourtant les corps par leurs seuls organes et caractéristiques procréatrices, atténuant à peine le fait que nous soyons tous.tes des mammifères, en effleurant notre humanité consciente pour finir par lier sexe et « façon d’être au monde » ; le genre, qu’elle ne nomme pas. Parler de « femelles humaines » c’est supposer la « pré-existence de groupes à leur hiérarchisation [en laissant] de côté la question de [leur] constitution » (5). C’est aussi penser les corps en soulignant leur animalité tout en coupant ceux-ci de la perception que nous pouvons en avoir. Que l’oppression des femmes en tant que classe repose en partie sur deux construits reliés : la capacité de reproduction et la capacité sexuelle est une chose facilement vérifiable. Mais pour que cette oppression aie pu s’installer et perdurer il a fallu, d’abord, que TOUS les corps soient pensés selon l’axiome hétérosexualité-procréation.

Ramener la différence des sexes à la seule réalité biologique c’est ; ne pas prendre en compte le construit perceptif de cette réalité. C’est ramener les corps à des « machines » dont le rôle social et singulier est la permanence de l’Humanité.  C’est faire croire que le corps est un assemblage d’organes indépendants les uns des autres alors que c’est une intégration, les uns n’ayant d’existence qu’en rapport aux autres, la fonction procréatrice n’en étant qu’une des qualités, ne définissant chaque corps singulier qu’en partie. De plus, « Ce qui permet d’affirmer que ce corps est le mien, c’est le sentiment de propriété lui-même » (6), que seul le point de vue d’une subjectivité ou d’une conscience peut isoler de la masse des autres corps. Et là où il y a conscience, il y a dépassement du stade limitatif de l’animalité darwinienne et possibilité de se libérer du cadre oppressif du contrôle des corps par le patriarcat et de leurs définitions biologiques. L’idée comme quoi les humains seraient déterminables selon leurs caractéristiques sexuelles primaires et secondaires et leur flux d’hormones indépendamment de leurs mises en combinaisons et de la possibilité de penser et la finitude de ces caractéristiques et la modélisation des divers vécus est s’offrir, une fois encore, en offrande à la toute puissante supposée de la Nature. Lors, réduire les corps à quelques organes c’est les vider de ce qui leur donne vie et perspective, c’est, somme toute, tuer ces corps que l’on prétend définir.

Mais ce n’est pas tout. Comment continuer à lier sexe et genre lorsque Christine Delphy, elle-même (5), avance que, « la différence est la façon dont […] on justifie l’inégalité entre les groupes.[…] ces différences ne sont pas seulement des différences, mais aussi des hiérarchies. La société s’en sert pour justifier son traitement « différentiel » – en réalité inégal et hiérarchique- des groupes et individus. […] une « vraie » différence est d’une part réciproque et d’autre part n’implique pas de comparaison au détriment de l’un des termes. Or la différence invoquée sans arrêt à propos des femmes, mais aussi des homosexuel.les, des « arabes », des « noirs, n’est pas réciproque, bien au contraire. […] Cette différence est un stigmate. », plus loin elle ajoute, « cet implicite d’une préexistence des groupes à leur hiérarchisation laisse de côté la question de la constitution des groupes en groupes […] L’impossibilité de rendre compte de leur constitution par autre chose que la volonté de hiérarchiser les individus (de les rassembler en groupes d’inégale valeur) est la clé de toute de ma théorie […] une fois que les groupes sont constitués, on ne se demande plus comment ils ont été constitués. On se demande en quoi ils diffèrent, comme si l’opération par laquelle ils ont été nommés différents, puis traités différemment, était sans rapport avec leurs différences actuelles », enfin, « la biologie est un regard sur la réalité  […] il ne peut exister de « vérité biologique ». Et elle termine par ceci ; « le sexe est conceptualisé comme une division naturelle de l’humanité – la division mâles/femelles- division dans laquelle la société met son grain de sel […] si le genre n’existait pas, ce qu’on appelle le sexe serait dénué de signification, et ne serait pas perçu comme important : ce ne serait qu’une différence physique parmi d’autres. […]  Je conclus que le genre n’ [a]  pas de substrat physique […] qu’au contraire c’ [est] le genre qui [crée] le sexe : autrement dit, qui [donne] un sens à des traits physiques qui, pas plus que le reste de l’univers physique, ne possèdent de sens intrinsèque. […] La plupart des féministes continuent de penser à l’intérieur du paradigme précédent [le sexe comme une division naturelle de l’humanité]. Beaucoup certes font une place au genre : admettent qu’une bonne part, sinon la totalité de ce qu’on appelle « féminité » ou « masculinité » sont des construits sociaux, et se défendent d’appartenir à l’école essentialiste qui postule une différence ontologique et irréductible et totale entre les femmes et les hommes. Néanmoins, elles gardent l’idée que le genre est assis sur un sexe physique, dichotomique et réel : que les catégories de sexe nous sont données par la « nature ». Toujours Delphy ; « les défenses sans cesse renouvelées de « la différence sexuelle » ne font que confirmer l’importance du genre dans nos sociétés : une importance sociale telle qu’elle est apparemment le fondement de notre appréhension du monde. […] Tout se passe comme si la différence des sexes était ce qui donne sens au monde […] cette croyance est si ancrée dans la conscience de chacun.e, qu’elle déborde largement le domaine du genre lui-même, affecte la perception du monde et même la capacité à le percevoir  […] La croyance que le « différence sexuelle » est une différence fondamentale, un socle naturel produisant deux principes, féminin et masculin, sur lesquels la société peut et doit s’appuyer, est aussi vieille que notre civilisation historique. ».

Les deux cas de « changement » chirurgical de sexe au II° siècle avant notre ère décris par Jean Lascaratos et Stavros Perentidis (7) confirment que la naturalisation des sexes sur des modèles déterminés est ancienne et un des fondés sur lequel toute la perception du normal et du pathologique reposent quand il s’agit de corps hors du schéma naturaliste. Tout agit comme si nous devions rendre à notre mort le corps que nous avons reçu en l’état et que l’appel à la technique, réputée changer la nature, doit être neutraliser par l’édification de lois (morales ou institutionnelles) pour rétablir les droits de la Nature mise en danger.  Le simple désir de modifier les paramètres et les apparences morphologiques ne peut alors qu’être le symptôme d’une déréliction de la raison.

« L’identité du normal et du pathologique est affirmée au bénéfice de la correction du pathologique » (8) sur l’idéologie que toute atteinte à la « Nature » est inconcevable tant celle-ci est réputée saine, indivisible et bienfaitrice. Ce qui permet dès le début du XIX° à la médecine d’apporter son concours savant à une morale qui, au Moyen-Age par exemple, ne parlait que de dégradation de l’âme (9). Les inverti.e.s vont passer des flammes de l’Enfer à l’enfermement pour cause de maladie et de prétentions thérapeutiques. L’idée étant de soigner et qu’au trouble succède l’apaisement. La psychiatrie, et ensuite la psychanalyse, vont être les bras armés de cette normalisation forcée des identités sexuelles déviantes et des expressions « transsexuelles », mettant allégrement le tout dans le même sac en suivant en cela l’exemple de Magnus Hirschfeld, inventeur du  terme « transsexualismus » et ayant classifié les identités-attirances en quelques 80  catégories « d’intermédiaires sexuel.le.s » (10). C’est sur ces bases (Harry Benjamin rencontra Hirshfeld au début de sa carrière) que « le modèle transsexuel » s’édifiera, vu comme une réparation d’erreurs successives et dont beaucoup de trans* feront l’expérimentation douloureuse. Car, que se soit dans l’acceptation d’un complexe œdipien « mal » vécu, d’un refus de choix d’objet hétérocentré, que se soit dans la certitude d’un corps-prison, d’un appel, ou d’une condamnation des interventions chirurgicales ou des traitements hormonaux, que se soit dans l’imposition de thérapies réparatrices ou d’acceptation d’un destin donné, ce qui importe à la Société est le retour à la norme de parcours de vie pervertis pas la perversion, la névrose ou le mensonge. Au final quelque soit le point de départ de la projection des vies transidentitaires à la lumière de la naturalité des corps, c’est le destin pathologique funeste qui en est la qualité pernicieuse et finie.  Tout est fait, même après « normalisation », pour qui nous n’oublions jamais l’abjection qui est la nôtre.

C’est ce que Meghan Murphy va s’attacher à faire dans son article incendiaire du 21 septembre 2017 traduit pour le site RADFEMS (11). En fait cet article nous en apprend bien plus sur la vision hallucinée que les féministes radicales transphobes ont des personnes trans. que sur l’intégration de celles-ci dans la société civile, intégration qui ne sera de toute façon vue qu’à la lumière d’une invasion-soumission patriarcale.

Cette diatribe part d’un fait déplorable ; l’agression dont a été victime, au Speaker Point d’Hyde Park, une oratrice féministe de la part de trois activistes trans (12). Quel que soit le fossé qui nous sépare, il est hors de question de légitimer la violence. La violence patriarcale, qui est une réalité commune, est ce qui devrait nous unir tous.tes dans une même volonté de combat, et non pas en nous écharpant entre nous.  Mais, les condamnations doivent aussi se faire dans les deux sens. Murphy a beau jeu de souligner les tweets détestables adressés, par des activistes trans* et alli.é.s, à celles qui pensent comme elle en omettant, bien entendu, ceux qu’elles sont tout aussi capables d’envoyer en retour ou en amont. Une rapide recherche sur les réseaux sociaux aura vite fait de montrer l’ampleur des dégâts (13). La violence et les invectives sont réciproques mais l’objectif des féministes transphobes est d’exclure les personnes transidentitaites des droits les plus élémentaires en faisant flèches de tout bois.

Car, il ne faut pas se leurrer, que ce soit dans son allocution de mai 2017 devant le comité sénatorial canadien, son contre-rendu de la conférence donnée à Conway Hall, Londres en 2016 ou le texte du 21 septembre, ce qui intéresse Meghan Murphy est de refuser que les droits humains soient appliqués à une partie de la population sous couvert d’un féminisme essentialiste qui aurait seul valeur de loi en instrumentalisant les actes d’une minorité d’entre nous. Son discours ne doit pas cacher l’obédience de certaines féministes radicales aux thèses de Janyce Raymond, dont le rapport de 1980 servit aux autorités américaines et aux diverses assurances pour exclure les « transsexuel.le.s » de toute une série de remboursement de soins de santé entraînant des décès en cascade (14), et à celles de Sheila Jeffreys qui appelle à l’arrêt des chirurgies et des traitements hormonaux considérére.e.s comme contraires aux droits humains (15) et dont l’un des faits d’armes aura été de se fendre de commentaires racistes condamnés par la communauté aborigène australienne (16). Tout le réquisitoire de cette branche du féministe est axé sur la partition « naturelle » des humains et sur l’idée que nous serions atteint.e.s d’une psychopathologie nommée en ce moment « dysphorie de genre », soumis.e.s au patriarcat capitaliste, voir, comme le prétend Jeffreys, parce que c’est une excitation sexuelle qui « fait » de nous des malades. Quant aux hommes trans*, ils sont ravalés au rang de traîtres à la cause des femmes et, parfois, avec paternalisme, de simples brebis égarées éveillant de la commisération, mais le plus régulièrement ils sont ignorés (17).

On peut étudier que la partition du sain et du pathologique se retrouve déjà chez Aristote et sert de modèle classificateur et hiérarchique à une société qui, ailleurs, subordonne sur fond de sexes et aura interdit aux femmes l’accès du domaine public pour des raisons soi-disant « naturelles ». L’agencement du pathologique est une hiérarchie patriarcale, y faire appel pour exclure une part de la population ne peut que réifier une oppression en se faisant les allié.e.s objectif.ive.s de l’oppresseur.  On peut dès lors raisonnablement se demander ce qui fait qu’une partie du féminisme radicale aie décidé que les personnes trans* seraient les ennemies à abattre de quelques manières que se soit, en usant d’artifices et de désinformations et en s’appuyant sur des thèses psychiatriques données par le patriarcat lui-même.

Mais en définitive, la question est de savoir, au-delà des arrogances et invectives et des quelques échauffourées ici et là, comment cela se déroule t’il au niveau du terrain ? Là où féministes et personnes trans. se croisent ? Comment cela se déroule t’il dans les lieux LGBTQI, lors des événements communs, des drinks, des actions, des soirées et des festivités ?

Puisque Meghan Murphy parle de différences selon les territoires (le terme de territoire n’est pas anodin, j’en reparlerai plus loin), parlons donc du « territoire » belge où je milite.
En fait, cela se passe bien et de manière tout à fait cordiale et pacifique.

En tant qu’administratrice de l’association Genres Pluriels et responsable de deux de nos permanences, je suis amenée à fréquenter et à accueillir énormément de personnes.  Que se soit à Bruxelles, Liège ou Verviers, cis*, trans*, gays, lesbiennes, hétéros, féministes, queers, hommes, femmes, inters., non-binaires etc se croisent, se saluent, échangent des propos, s’organisent ensemble, se soutiennent sans que cela ne posent le moindre problème.  Ces derniers mois, notre association s’est associée avec le L-Festival (18) et le festival Pink Screens (19), comme chaque année. Dans le cadre de notre festival, nous avons mis sur pied plusieurs soirées avec une autre association qui accueille les réfugié.e.s et les migrant.e.s afin de parler de la situation des personnes transidentitaires venant de ces pays (20).  Enfin, nous avons organisé un colloque transféministe pour parler de la trans-sectionnalité des oppressions et où en collaboration avec des personnes de tout horizon, entre autres de l’ASBL Garance (21), nous pourrons questionner l’auto-santé, l’appréhension des corps dit hors-norme, parler des attitudes de réappropriation de nos identités multiples et complexes,  de la pathologisation et de tant d’autres injonctions patriarcales (22).

Dès lors comment doit-ont, interpréter leur attitude et les demandes de formations à l’accueil des personne trans* par une association comme Liège Gay Sport, dont la majeure partie des affilié.e.s  sont des gays et des lesbiennes et qui désire nous accueillir et pouvoir réagir contre les réactions transphobes lors de leurs événements sportifs? Comment interpréter que le L-Festival et d’autres associations lesbiennes ne se sentent pas agressées par la simple présence de F Trans*, qui contrairement à ce qu’en a dit JJ Barnes, dans un autre article  des plus surréalistes, relayé par Christine Delphy (via TRADFEMS) et publié au départ sur Feminist Current (le chemin pris par ce texte n’est pas innocent) (23), ne cherchent pas à obliger les lesbiennes à avoir des relations sexuelles avec des « femmes à pénis » qui n’ont guère peur des viols correctifs dont nous serions les nouvelles portes-drapeau  (24) ?

Je me pose donc cette question, si toutes ces femmes « natales », pour reprendre l’expression de Kate Louise Gould, ne se sentent pas en danger, est-donc parce qu’elles se sont soumises aux lois du patriarcat ? Est-ce que, lorsque Mirabal Belgium invite notre association à participer à « la manifestation féministe nationale » contre le féminicide, les organisatrices trahissent la cause des seules « vraies » femmes ? Et, quand le festival Cinéffable poste ce message sur son Facebook :  « Nous regrettons d’apprendre ce qui s’est passé avant 2008. A ce moment-là, le positionnement de l’association Cineffable n’était peut-être pas suffisamment clair en ce qui concerne l’accès au Festival. Nous avons désormais clarifié ce positionnement. Le Festival est un espace ouvert à toute personne s’identifiant en tant que femme. Le choix de venir ou non de participer au festival appartient à chacunE. Nous sensibiliserons également les personnes qui assurent la sécurité à l’entrée du Festival afin qu’un tel événement ne se reproduise pas. En cas de problème, n’hésitez pas à solliciter une membre de l’équipe organisatrice. » (25), devons-nous supposer que ce festival renie la cause des femmes « biologiques » et se soumet aux invectives et à la violence des personnes transidentitaires, agentes infiltrées du patriarcat honni en abandonnant les luttes féministes et lesbiennes ? Et que dire des excuses de Gloria Steinem,  qui a longtemps professer les idées de Raymond (26) mais qui en octobre 2013 expliquait : « Alors maintenant je veux être sans équivoque dans mes mots: Je crois que les personnes transgenres, y compris celles qui ont fait la transition, vivent des vies réelles et authentiques. Ces vies devraient être célébrées, pas questionnées. Leurs décisions en matière de soins de santé devraient être les leurs et être les seules à en décider. Et ce que j’ai écris il y a des décennies ne reflète pas ce que nous savons aujourd’hui, puisque nous nous éloignons seulement des cases binaires du «masculin» ou du «féminin» et que nous commençons à vivre sur le continuum humain de l’identité et de l’expression. » (27)

En conclusion, et si tout cela n’était rien d’autres qu’une question de territoire et de la perte d’un illusoire monopole dans l’action politique contre le patriarcat ?   Et si au final, la multiplicité des luttes et les glissements des diverses oppressions et stigmatisations dues à cette organisation sociétale millénaire, capable de se régénérer tel une hydre, ne déstabilisaient pas une certaine idéologie radicale qui en est obligée à défendre un essentialisme abscons, usant du genre comme d’un outil contraignant à une partition de plus en plus abstraite pour combattre plus aisément un ennemi bien défini quitte a condamner toutes celles.ceux qui ne se contenteraient pas d’une seule grille d’analyse, ou refuseraient de ne penser la lutte contre le dit patriarcat que comme l’affaire des seules femmes « natales » adhérentes aux dogmes de Janice Raymond et Sheila Jeffreys?

Fort heureusement, le féminisme est riche de possibilités et l’on peut sans problème penser son investissement en liant Christine Delphy, malgré ses errances contemporaines, Michel Foucault et Judith Butler. Car, la masse des savoirs est telle qu’il serait bien dommage de se priver des possibilités qu’ils nous offrent afin de penser et actionner d’une manière personnelle et commune nos investissements à défaire le genre, à en refuser le dogmatisme et, au-delà, à récuser au patriarcat le poids qu’il s’arroge dans nos existences, nos éducations et nos luttes.

NOTES

1 Le terme Trans-Exclusionary Radical Feminism, TERFS, est devenu au fil du temps une insulte jetée en réponses aux diverses agressions et conflits entre certaine.e.s activistes trans., leurs allié.e.s et une partie des féministes radicales. En ce qui me concerne je l’utilise assez peu, lui préférant le terme « féministes radicales transphobes », voir « féministes transphobes ». Dans ce cadre-ci, j’en use, pour poser et délimiter l’objet de mon article.

2 http://planettransgender.com/sorry-about-your-dick-an-interview-with-cathy-brennan/

http://planettransgender.com/cathy-brennan-made-a-name-outing-transkids-now-suing-after-ellen-for-reveal/

3 Jules FALQUET. « Au delà des larmes des hommes : l’institution du service militaire en Turquie » in « pax neoliberalia » Edts racine de iXe. 2017. Quelques précisons s’imposent tout de même. Si dans ce texte Falquet articule son discours dans une séparation biologique sexo-centrée, elle évoque l’idée (sans l’approfondir) que la soumission à une attitude de « type » masculine opposée à une attitude de « type » féminine est la condition essentielle pour être accueilli dans la communauté des « mâles » effectuant leur service militaire en Turquie. Elle évacue trop facilement à mon goût cet acte de soumission porteur en lui-même de discriminations et d’oppressions pour faire valoir une analyse très juste du masculinisme militaire, fondateur et fédérateur d’une identité virile. Elle base son analyse du destin trans* au sein des corps d’armée sur un seul exemple qui, cependant, démontre bien le caractère inique de l’injonction genrée imposée à la f trans* dont il est question dans l’étude sur laquelle elle se base. Tout porte à croire que pour ne pas déforcer son discours, mais je ne vois pas en quoi, que du contraire, elle avait besoin de taire une oppression spécifique, basée sur la binarité des sexe-genres, alors que c’est justement cette oppression duale qui est l’objet de son travail. On peut aussi se demander pourquoi elle tend à minimiser l’exclusion dont les gays sont victimes au sein même des rangs de l’Armée turque ? Mais le titre donne, je pense, la réponse.

4 https://tradfem.wordpress.com/2017/10/27/transfemmes-les-nouveaux-misogynes/

5 Christine Delphy «L’ennemi principal : 2 Penser le Genre » Edts Syllepse 2013

6.Maine de Biran « Essai sur les fondateurs de la psychologie » Edts Tisserand. 1982

7 Jean Lascaratos et Stavros Perenditis « Deux cas de changement chirurgical de sexe au II° siècle avant notre ère : approche historique » in « Les assises du corps transformé ». Edts Les Etudes Hospitalières . 2010

8 Georges Canguilhem « Le normal et le pathologique » Edts Puf 2017

9.Jean Verdon « Le plaisir au Moyen Age » Edts Tempus 2010

10 https://fr.scribd.com/doc/32692115/Hommage-to-Magnus-Hirschfeld-FR

11 https://tradfem.wordpress.com/2017/09/24/traiter-quelquune-de-terf-nest-pas-seulement-une-insulte-cest-de-la-propagande-haineuse/

12 http://www.newnownext.com/terf-hyde-park-transgender/09/2017/. Dans cet article vous pourrez voir que, contrairement à ce qu’avance Meghan Murphy, l’association Trans Health London a condamné l’agression de Maria MacLachlan par trois activistes se revendiquant être de ses membres.

13 http://www.pinknews.co.uk/2017/09/25/daily-mail-and-the-times-wrongly-accuse-action-for-trans-health-of-condoning-violent-protests/

https://twitter.com/hashtag/terfs?lang=fr

14.http://transadvocate.com/fact-checking-janice-raymond-the-nchct-report_n_14554.htm http://transgriot.blogspot.be/2010/09/why-trans-community-hates-dr-janice-g.html. Pour être complète voici la défense de Raymond sur son propre site, vous pourrez ainsi vous faire votre propre opinion : http://janiceraymond.com/fictions-and-facts-about-the-transsexual-empire/

15.http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1363460715583452 https://www.newyorker.com/magazine/2014/08/04/woman-2

16.http://www.starobserver.com.au/news/national-news/leading-feminist-launches-bizarre-racist-attack-on-trans-community/118883

17 https://monsieursilvousplait.wordpress.com/2017/02/17/mecs-trans-et-feminisme/

18 http://rainbowhouse.be/fr/projet/l-festival/

19 http://www.gdac.org/

20 http://www.merhaba.be/fr

21 http://www.garance.be/

22 https://www.genrespluriels.be/18-11-17-Colloque-Transfeminisme-s-et-Intersectionnalite-s

23 https://christinedelphy.wordpress.com/2017/08/01/le-lesbianisme-est-la-cible-dattaques-mais-pas-de-la-part-de-ses-adversaires-habituels/#more-717

24 https://reflexionstrans.wordpress.com/2017/08/03/premier-article-de-blog/

25 https://www.facebook.com/pg/Cineffable-101128133261457/reviews/ . Voir le commentaire du 26 juin 2016 et sa réponse du 28 par l’organisation du festival.

26 http://transgriot.blogspot.be/2012/09/gloria-steinem-transphobe.html

27 https://www.advocate.com/commentary/2013/10/02/op-ed-working-together-over-time

28 Le titre de mon texte est inspiré d’un article paru sur le site Progress Queen dont je partage le lien ci-après: http://www.progressqueens.com/news/2017/10/2/some-feminists-embrace-oppression-by-continuing-to-exclude-trans-women-from-language-of-legal-protections-activists. Pour continuer, et penser globalement, les deux liens suivants émanent d’une redneck-hippie végétarienne comme elle se définit et démontre qu’on peut être féministe radicale et citer Andrea Dworkin sans pour autant être transphobe  http://daisysdeadair.blogspot.be/2009/08/andrea-dworkin-on-transgender.html# , http://daisysdeadair.blogspot.be/2009/05/censorship-and-radical-feminist.html

29  Je ne peux m’empêcher de terminer mon article sans citer ce très beau texte d’une association féministe américaine ayant fêté ses 50 ans d’existence il y a peu. http://www.radicalwomen.org/transphobia.shtml

Ali Aguado : Historique du mouvement trans et des luttes politiques

Ali Aguado

Militant à OUTRANS

 

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Historique du mouvement trans
et des luttes politiques

OUTrans est une association d’auto support trans fondée en 2009. Notre première action a été une minute de cri contre la transphobie le jour de l’IDAHO. Nous avons depuis mené plusieurs actions dans l’espace militant mais aussi des productions d’auto support, notamment en terme de santé sexuelle. Un guide de prévention et une campagne nationale de dépistage pour les trans et leurs partenaires, un guide sur le b.a BA des opérations. Notre action consiste à offrir des outils aux personnes trans mais aussi à leurs proches dans des questions de vie quotidiennes concrète mais aussi à mener de front une lutte pour participer aux termes du débat sur la questions trans puisque nous estimons être les premières personnes concernées.

Pour nous situer rapidement, nous nous reconnaissons comme des héritiers et héritières des luttes féministes où le féminisme est pour nous une boîte à outils pour penser les rapports de pouvoirs qui nous traversent  en tant que personne trans dans une société profondément sexiste, raciste et par extension homophobe, lesbophobe et transphobe. Le féminisme et le mouvement queer, nous permettent alors d’avoir des outils politiques pour nous affranchir des diktats de la pensée dominante. 

Nous sommes ici aussi parce qu’avant nous d’autres trans se sont mobilisé.es et ont réussit à imposer la question trans à force de luttes dans l’agenda politique à l’échelle nationale et internationale. Après de nombreuses années de lutte nous avons  réussi à imposer notre présence dans différents espaces. 

Je pense notamment à l’espace universitaire français où il n’aurait pas été question il y a 10 ans de cela que des trans prennent la parole pour discuter et proposer des pistes de réflexions sur les enjeux politiques et sociaux que révèlent ou soulèvent nos identités, pas plus qu’il aurait été possible d’avoir un espace pour que les trans eux et elles-mêmes fassent une analyse critique de la médecine, de la psychiatrie et de tenter de questionner nos  représentations sur le genre. 

Ce que je voudrais aborder aujourd’hui c’est donc l’émergence du discours trans dans l’espace militant mais aussi et surtout ce que ce discours produit lorsque le sujet parle lui-même.  On réalise alors que la transidentité au singulier n’existe pas mais qu’il serait plus juste de penser les transidentités dans tous ces possibles dépassements. Au même titre que le sujet “femme” qu’un universalisme aveugle défendrait peut on dire qu’il n’existe qu’un sujet trans au singulier ?

I. Historique du mouvement trans et des luttes politiques

 

1989-1997

1989 : Une circulaire interne au Ministère de la Santé établit que seules les personnes entrant dans le protocole établit par les équipes médicales « spécialisées » et gérer par les hôpitaux publics pourront être remboursés des frais médicaux relatifs à leur transition.

1992 :  La CEDH condamne la France, elle met en évidence que le droit français place les requérants dans un non respect de la vie privée (article 8 de la CEDH)

1997 : Première EXISTRANS à l’initiative de l’ASB (Association du Syndrome de Benjamin)

2003-2007

2003 : Premières revendications portées par le GAT : 

1- La déclassification du transsexualisme de la nosographie psychiatrique au même titre que l’homosexualité qui a été retirée par décision politique de l’A.P.A (association des psychiatres américains); la transsexualité, compte tenu de la méconnaissance du corps médical après des dizaines d’années de “recherches”, doit être sortie du diagnostic psychiatrique préalable. La dépsychiatrisation impliquant une aide, un accompagnement à l’AUTO-DIAGNOSTIC.

2- L’abrogation ou la révision du protocole pour que les équipes médicales se réfèrent à un protocole adapté à chaque individu et non plus sur l’entité «   transsexuelle   ».

3- Le libre choix du médecin par un principe affirmé de l’aide à l’AUTO-DIAGNOSTIC. (respect de l’article R4127-6 du code de Sécurité Sociale). Et non plus la toute puissance médicale d’une équipe hospitalière auto-proclamée spécialiste qui se ferait gardienne de notre identité/corps.

4- Une meilleure adaptation des dispositifs juridiques et administratifs dans la période transitoire ne nous condamnant ainsi plus à la clandestinité.

Septembre 2004: Première AG des trans organisée par le GAT. 

1-  L’Assemblée Générale demande la dépsychiatrisation de la question Trans.

2- L’Assemblée générale demande aux associations, groupes et organisations Trans’ présents le 27 septembre à l’ANAES de proposer collectivement un accès aux soins sans diagnostic psychiatrique préalable.

3- L’Assemblée Générale demande le changement du numéro de sécurité sociale et du prénom sans acte chirurgical préalable.

 

Octobre 2004: Existrans : PSYCHIATRISATION= TRANSPHOBIE

30 décembre 2004: Création de la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’égalité.La HALDE n’a jamais reconnu  la transphobie comme une discrimination. Le Défenseurs des Droits et des libertés non plus.

2007- aujourd’hui

Octobre 2007 : Première organisation Européenne de l’Existrans.  CONTRE LA PSYCHIATRISATION= RESISTRANS. Manifestations conjointes à Barcelone, Paris et Lisbonne.

Avril 2009 :  La Haute Autorité en Santé (HAS) publie son rapport sur la « prise en charge du transexualisme » en France.

Ce document, publié en avril 2009, traite de l’ensemble de la prise en charge du « transsexualisme » par le système de santé français. Il aborde la prise en charge médicale – diagnostic, hormonothérapie et chirurgie de réassignation – mais également les questions socio-culturelles et juridiques. Il résulte d’une analyse de la situation au cours de laquelle la HAS a rencontré des transsexuels, des professionnels de santé et des institutionnels.

 

Mai 2009 : Création d’OUTrans.

16 mai 2009 Roselyne Bachelot Narquin (ministre de la santé, de la jeunesse et des sports) déclare publiquement qu’elle vient de saisir la HAS « afin de publier un décret déclassifiant la transsexualité des affections psychiatriques de longue durée. »

Cependant cette déclaration ne va pas dans le sens d’une dépsychiatrisation de la transidentité, il s’agit simplement dans le code de la sécurité sociale français d’une reclassification de l’ALD 23 (affections psychiatriques de longue durée) vers une autre ALD. Une ALD est une Allocation de Longue Durée pour la prise en charge médicale et financière de personnes malades… Il ne s’agit que d’un changement de termes employés a des fins moins pathologisantes. Cependant, le ministère ne s’oppose pas à l’évaluation psychiatrique humiliante destinée à déterminer si une personne trans peut avoir accès au traitement hormonal. C’est pourtant un des problèmes les plus importants rencontré par les personnes trans, qui a un impact concret sur leur vie quotidienne, leur estime d’elles-mêmes, et qui est révélateur de la transphobie du système de santé.

Juillet 2009:  Publication des 12 recommandations du document Gender Identity and Human Rights de Thomas Hammarberg, commissaire aux droits humains du conseil de l’Europe.

Février 2010 Le Ministère de la Santé vient de publier le décret qui reclasse la transidentité des ALD 23 (affections psychiatriques longue durée) à l’ALD 31. Ce décret ne va pas dans le sens d’une dépsychiatrisation de la transidentité. En pratique, rien ne change pour les personnes trans qui restent considérées comme des malades devant être soumises à un suivi psychiatrique.

Mai 2010:  La ministère de la Justice, Michèle Alliot Marie rend public sa réponse à une question posée par un sénateur socialiste (Roger Madec) traitant de l’opération chirurgicale obligatoire pour procéder au changements d’état civil pour les trans.  Dans sa réponse elle rappelle des arrêts de la Cour de cassation datant de 1992 justifie que «le principe du respect dû à la vie privée justifie que l’état-civil indique le sexe dont la personne a l’apparence» et rappelle «qu’il appartient aux tribunaux d’apprécier au cas par cas les demandes de changement de sexe, au regard du caractère irréversible de celui-ci». 

Dans le même temps elle annonce cette précision que quelques associations trans françaises portent depuis des années: : «L’opération de réassignation sexuelle ne doit pas être systématiquement exigée dès lors que le demandeur apporte la preuve qu’il a suivi des traitements médico-chirurgicaux (hormonothérapie, chirurgie plastique…) ayant pour effet de rendre irréversible le changement de sexe et de lui conférer une apparence physique et un comportement social correspondant au sexe qu’il revendique.» 

25 avril 2010:  2ème AG des trans à l’appel d’OUTrans. Vote majoritaire contre les Centres de Référence.

   

Les revendications portées par l’AG des trans sont les suivantes :

 

-absence de test de vie réelle.

-libre choix du médecin, possibilité de parcours hors-centre de référence et remboursements assurés.

-élargissement des catégories professionnelles réunies dans ces centre par rapport aux équipes hospitalières existantes

-non-obligation de l’hormonothérapie réversible.

-obligations des praticiens à contribuer à la communauté scientifique internationale

-changement d’état civil facilité

-place décisionnaire des associations de personnes concernées dans les centres de référence.

-individualisation des parcours, y compris sur le plan corporel

-prise de modèle sur les Plannings Familiaux.

 

Par ailleurs l’Assemblée Générale des Trans a voté la résolution suivante :

– Pour mettre en oeuvre la dépsychiatrisation des transidentités, la prise en charge de la transition doit exclusivement se fonder sur une déclaration de consentement éclairé sans aucune forme d’évaluation ou de diagnostic.

19 mai 2010: Roselyne Bachelot a annoncé publiquement son intention de demander à l’Organisation Mondiale de la Santé de retirer le transsexualisme de la liste des maladies mentales, comme l’OMS l’avait fait pour l’homosexualité auparavant (1992 pour la CIM). Il aura fallu plus de 5 ans pour que le gouvernement prenne au sérieux le travail et les revendications portées par les diverses associations trans françaises. Pourtant, le ministère de la santé soutient le projet des Centre de référence qui consiste au final à légitimer l’installation des équipes hospitalières actuelles. Il y a visiblement une volonté de l’Etat français de se caler sur le modèle espagnol.

Juillet 2010: Création de la SOFECT : La SOciété Française d’Etude et de prise en Charge du Transexualisme  qui estime que « travailler ensemble est particulièrement important à un moment où les classifications et les concepts qui sont en jeu dans l’évaluation des patients que nous prenons en charge sont en cours de modification. A travers ces changements, l’action des médias, de politiques politiciennes, et d’associations d’usagers, peuvent obscurcir ce qui en France est le moteur de notre activité: un but thérapeutique » . La SOFTEC est en réalité les équipes médicales hospitalières qui se sont proclamées elles-même expertes de la « prise en charge » des personnes trans.

Septembre 2010 : Première réunion du groupe de travail DGOS (Direction Générale de l’Offre de Soins). 2/3 des personnes présentes sont membres de la SOFECT, dont Colette Chilland.

Janvier 2011 : OUTrans sort un guide à destination des pd/gay trans qui font du sexe avec des gay/pd cisgenres.

Mars 2011 : Appel d’offre de l’INPES pour des projets liés à la santé sexuelle des Trans.

Avril 2011 : Le ministre du travail de l’emploi et de la santé commande un rapport à l’IGAS qui doit aider entre autre à « évaluer l’opportunité de la création d’un centre de référence pour la prise en charge médicale du transsexualisme.». Tout le tissu associatif français travaillant activement sur la question trans est auditionné ainsi que certaines associations de lutte contre le sida. Nous n’avons aujourd’hui toujours pas le rendu de cette enquête alors que le rapport de l’IGAS a été rendu au ministre de la santé et des sports.

Décembre 2011 : OUTrans diffuse la première campagne d’incitation au dépistage à destination des personnes trans. Au même moment, une enquête de l’INSERM menée sur la santé sexuelle des trans est publiée. Le taux de séroprévalence chez les Femmes Trans migrantes et travailleuses du sexe est 3 à 4 fois plus élevée que la moyenne.

 

Chrysalide, association trans d’auto support à Lyon a mené elles même une autre enquête sur l’accueil de la population trans par le corps médical et le rapport des trans à leur propre santé (sexuelle et générale).

 

  1. II.Quand le sujet parle…

Comme on peut le voir, l’émergence des luttes pour les droits des personnes trans a opéré en premier lieu un déplacement de la question trans du champs psychiatrique vers le champs politique. 

Dans la lignée des mouvements féministes, nous questionnons les catégories qui produisent les rapports de pouvoirs qui structurent notre société en même temps qu’elles en émanent.

Le discours médical, réputé exact parce que scientifique, prétend exister en dehors et au dessus des rapports sociaux. Ce discours scientifique produit alors des catégories en dehors de toute réalité sociale, en dehors de rapport de lutte et les inscrit alors dans une vérité qui se voudrait universelle et naturelle.

En réalité, ces dispositifs créent et classent des catégories d’êtres : qui est un homme ? Qui est une femme ? Qui est trans ? Qui est malade ? Qui doit être guéri-e ?

 

Ces catégories deviennent alors naturalisées et maintiennent la catégorie femme et la catégorie trans dans un état de subordination.

S’émanciper des discours médicaux et psychiatriques hégémoniques, c’est revendiquer le droit de choisir nous-mêmes les corps et les identités de genre que nous voulons. C’est refuser qu’une normes présentée comme naturelle et allant de soit alors qu’elle n’est que la production et le reflets de rapports de domination, nous soit imposée et puisse dicter ce que nous sommes et ce que nous devrions devenir.

 

Ainsi, nous pensons nos  transidentités au pluriel et nous revendiquons la diversité de nos parcours trans. Le respect de l’auto-définition de chacun-e est à la base de notre pratique militante à OUTrans.  Pour autant passer du refus d’une binarité obligatoire à l’obligation de se situer en dehors des catégories de genre hégémoniques serait substituer un discours imposé à un autre. C’est pouruqoi nous restons vigilants quant au discours qui se voudrait «   queer   » et qui refuse le droit aux personnes trans de se penser et d’advenir dans des catégories  de genre dominante sous prétexte que ce serait se faire le jeu de la «   différences des sexes   » et d’un certain retour à l’essentialisme. Notre discours militant se situe sur ces deux fronts de lutte   : contre les contraintes sociales qui nous voudraient hommes ou femmes dans les stéréotypes les plus crasses et contre la contrainte d’un discours queer au delà de nos réalités sociales qui voudraient que nous ne soyons ni homme ni femme.

 

  1. II.… Le discours suit…

Pour que nos identités ne soit pas le jeu d’une instrumentalisation politique et normative de part et d’autre, dans OUTrans nous estimons qu’il est urgent que nous prenions la parole , que nous créions nous-mêmes les conditions d’émergence de notre lutte et de notre discours, que nous revendiquions notre appartenance au mouvement féministe comme sa possible prolongation réflexive sans en accepter pour autant les dérives transphobes.  Il est tout aussi important pour nous de nous inscrire dans le mouvement queer sans  sans renoncer à nous définir hommes ou femmes comme nous le voulons, quand nous le voulons et où nous le voulons. L’importance de la définition de soi réside en cela même qu’elle fluctue selon les espaces où elle est affirmée et relève notamment de notre sécurité dans une société profondément sexiste et transphobe et globalement ignorante sur les enjeux liés à la vie des trans. Ainsi, nous venons perturber à notre façon, le système de production des savoirs en nous positionnant nous mêmes comme nos propres experts, des experts profanes dans la vue de dépassé la catégorie nosographique qui nous a été assignée. Nos transidentités sont politiques et notre lutte est une lutte d’émancipation.

 

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Pour s’appuyer sur des exemples de discours que OUTrans a pu produire on peut par exemple s’appuyer sur cette affiche réalisée à l’occasion du Tdor en 2011. Le T DOR est le jour de commémoration des personnes trans victimes d’assassinat. Nous ne voulions pas ce jour là pleurer les morts de notre communauté mais bien plutôt exprimer notre rage et exiger des revendications concrètes qui peuvent endiguer les agressions transphobes. Nous avions donc choisit ce slogan «   En rage plutôt qu’en deuil   » pour nous défaire entre autre d’un positionnement attendu de la part de la communauté trans   : montrer notre souffrance comme pour montrer patte blanche. (mettre affiche Tdord+cp et/ou lien)

Nous voulons dans OUTrans produire non seulement un savoir qui nous est propre mais aussi une grammaire pour nous penser davantage dans la puissance d’agir, l’empowerment, que de renouveler sans cesse la position victimisante qu’un système inégalement distribué attends de nous, fait de nous des individuEs acceptables. Le communiqué de presse qui accompagnait cette affiche ne pouvait pas être plus explicite. Nous voulions célébrer notre force, notre puissance et notre résilience. Nous voulions aussi visibiliser (et continuons de le faire) que la transphobie n’est pas seulement le jeu de certainEs individuEs violentEs qui ne supporteraient pas  la visibilité des trans dans l’espace public, mais qu’il s’agit bien d’un dispositif global et incorporé par chacunE. Les discours faisant encore une différenciation entre les sujet trans  , transgenres et transexuels (qui s’appuient donc sur la psychiatrie et donne alors plus ou moins de valeur à nos vies) , créant une échelle de souffrance face aux situations de discriminations auxquelles nous pouvons être confrontés, une échelle de catégories qui nous divise valide et participe à rendre la transphobie licite  ; un appareil d’Etat qui s’entête à freiner l’accès à nos droits en les niant fonctionnant au cas par cas pour les questions de changement d’Etat civil sans opération chirurgicale, etc….

 

 

En conclusion, c’est à nous, trans, de repenser le sens politique que l’on veut donner à nos vies, à nos parcours et surtout à nos différentes représentations. Nous n’avons pas à laisser d’autres parler pour nous et nous mettre à une place de victimes passives. Si dans nos esprits, si dans la représentation de la majorité des individus trans, la transidentité rime avec souffrance ça n’est pas parce qu’il s’agit d’une « maladie », mais parce que les dispositifs transphobes qui nous asphyxient et régissent nos vies nous empêchent de nous déployer socialement comme nous le désirons. Les trans sont aussi et avant tout une catégorie éminemment politique (et non une catégorie psychiatrique), nos luttes revendiquent une égalité radicale qui touche au corps, à l’identité, au plaisir, à la santé, au travail, au savoir, au pouvoir de définir d’autres normes de vie.

 


Mis en ligne : 18 mai 2012.

Infogérance Agence cmultimedia.com